NOTMAN, WILLIAM, photographe et homme d’affaires, né le 8 mars 1826 à Paisley, Écosse, premier enfant de William Notman et de Janet Sloan ; décédé le 25 novembre 1891 à Montréal.

William Notman naquit dans une famille instruite, travailleuse et pleine d’ambition qui, à la faveur d’une ascension généralisée dans les classes rurales d’Écosse, était passée en deux générations de la ferme, de la mine et de la filature à la bourgeoisie urbaine des commerçants et des professions libérales. Son grand-père avait exploité une ferme laitière ; son père, dessinateur et fabricant de châles de Paisley, quitta cette grande localité en 1840 pour s’installer à Glasgow et travailler comme représentant à la commission avant d’ouvrir une entreprise de drap en gros. William, qui était en mesure de faire de bonnes études, s’orienta vers les arts dans le but d’y faire carrière, puis se laissa convaincre d’entrer plutôt dans l’entreprise familiale qui, croyait-on, lui offrirait plus de sécurité. D’abord vendeur itinérant, il devint associé en second vers 1851. Le 15 juin 1853, il épousa Alice Merry Woodwark à l’église anglicane de King’s Stanley, en Angleterre. Le couple s’installa à Glasgow et eut bientôt une fille ; l’avenir s’annonçait bien. Cependant, la William Notman and Company ne survécut pas à la dépression qui frappa l’Écosse au milieu des années 1850 et, comme certains aspects de cette faillite ne lui faisaient pas honneur, Notman fils jugea opportun de s’établir au Bas-Canada.

Peu après son arrivée à Montréal, Notman trouva une place chez Ogilvy and Lewis, grossiste de tissus et d’articles de mercerie. En novembre 1856, sa femme et son enfant le rejoignirent. Comme l’hiver était une période creuse, il put prendre congé pour ouvrir un studio de photographie. Son enfance et son adolescence avaient coïncidé avec la découverte et la mise au point des premières techniques photographiques (l’année de sa naissance, Nicéphore Niepce avait produit la première image photographique permanente) et, en Écosse, il avait fait de la photographie en amateur. Dès la fin de décembre 1856, son affaire était lancée ; peu après, il dut embaucher des assistants. Moins de trois ans plus tard, ses parents, une de ses sœurs et ses trois frères l’avaient rejoint à Montréal.

Notman eut sa première grosse commande en 1858 : la Compagnie de chemin de fer du Grand Tronc construisait à Montréal le pont Victoria, considéré comme une merveille du génie civil [V. James Hodges*], et elle demanda à Notman de prendre des photos durant les travaux. Pendant deux ans, il suivit la construction étape par étape et produisit des photographies et des stéréogrammes dont la qualité, alliée à l’importance du pont, le fit connaître dans le monde entier. Quand le prince de Galles visita Montréal, en août 1860, c’est Notman qui confectionna le cadeau du gouvernement du Canada : une série de photographies disposées dans deux albums à reliure de cuir ornée d’or, rangés dans un coffret d’érable à broussin monté en argent. Selon la tradition familiale, la reine Victoria fut si enchantée du présent qu’elle proclama Notman « photographe de la reine ». Il arbora ce titre pour la première fois dans une annonce publiée le 14 décembre 1860 par le Pilot de Montréal et exposa une réplique du coffret dans son studio afin que les clients puissent en admirer le raffinement.

Notman avait donc le sens des affaires, et ce fut l’un des facteurs clés de sa réussite. À l’époque, les photographes vivaient surtout du portrait. En pratiquant des prix concurrentiels et en offrant un large éventail de poses et de services, il attirait des clients de toute condition. Les Canadiens français de classe moyenne ou inférieure avaient cependant tendance à préférer les studios canadiens-français, même si plusieurs photographes de Notman étaient francophones. Ses clients les plus distingués trouvaient aussi chez lui des produits de haute qualité : dès 1857 par exemple, son studio faisait, par agrandissement, des portraits grandeur nature, coloriés à l’huile ou à l’aquarelle puis montés dans des cadres dorés très ornementés. Sa réputation de portraitiste devint telle qu’au fil des ans presque toutes les personnalités du Canada, francophones et anglophones, recoururent à ses services, de même que des visiteurs d’outre-mer ou des États-Unis. Parmi ses sujets, on peut signaler sir John Alexander Macdonald et Louis-Joseph Papineau*, les évêques Francis Fulford* et Ignace Bourget*, le prince Arthur* et sir Donald Alexander Smith*, Henry Wadsworth Longfellow et Harriet Elizabeth Beecher Stowe, Sitting Bull [Ta-tanka I-yotank*] et Buffalo Bill [William Frederick Cody].

Notman faisait également des portraits de groupe : clubs athlétiques, événements mondains, familles de notables. Il s’agissait en fait de montages réalisés sous sa direction par une équipe de photographes et de peintres. Chacun des membres du groupe était photographié en studio ; on découpait ensuite les personnages, puis on les collait sur un fond peint qui représentait un décor approprié. Des copies en divers formats standards étaient tirées pour la vente. Comme le montage faisait très bien ressortir jusqu’aux plus petits figurants, Notman pouvait compter vendre au moins une copie à chaque membre du groupe ; quand les photographies représentaient de grands événements sportifs ou mondains, le public en achetait souvent pour les garder en souvenir. Comme certains montages étaient immenses et comptaient une foule de personnages (souvent jusqu’à 300), ils suscitaient beaucoup d’intérêt.

Notman se fit aussi connaître comme chroniqueur de la vie canadienne. Dès le début, avec ses photographes, il constitua un fonds imposant de négatifs où entraient des « scènes » en tout genre. Infatigables chasseurs d’images, ils finirent par sillonner le nouveau pays d’un océan à l’autre. Tout les intéressait : le sol et les activités qu’il générait – coupe du bois, exploitation minière, chasse, agriculture ; les rivières et les mers ainsi que les bateaux qui y pêchaient ou y naviguaient ; les métropoles de l’Est et les villes champignons de l’Ouest, leurs industries, leurs commerces et tout ce qui contribuait à les animer ; les stations et hôtels des grands centres de villégiature ; le chemin de fer canadien du Pacifique qui, avec d’autres voies ferrées, était sur le point d’unir en un tout ces environnements diversifiés ; les habitants du pays, depuis les Indiens des Prairies jusqu’aux magnats montréalais. Par exemple, à Montréal, Notman prit pour sujets les humbles membres de la confrérie des rues : colporteurs, crieurs de journaux, fendeurs de bois. Il réalisait des clichés en studio, devant des accessoires et des toiles peintes, si bien qu’ils semblent avoir été pris en extérieur. Les mêmes techniques servirent à la réalisation de séries sur la chasse au caribou et à l’orignal, où figurent le colonel James Rhodes et ses guides indiens.

En offrant, à cette époque où la photographie était encore loin d’être accessible aux amateurs, des « scènes » très variées, à des prix raisonnables, Notman se mettait en position d’intéresser quiconque souhaitait emporter un souvenir de voyage ou montrer à d’autres les beautés de son patelin. De plus, on pouvait acheter ces images sous diverses formes, en album ou en stéréogrammes, et dans un grand nombre d’endroits : son studio, des papeteries et des librairies, les trains transcontinentaux ainsi que tous les grands hôtels et grandes gares de chemin de fer du pays.

L’esprit d’initiative, la ressource, la détermination de l’homme d’affaires qu’était Notman n’expliquent cependant qu’en partie sa réussite. C’était un artiste qui offrait une production de qualité supérieure et, comme il était toujours prêt à expérimenter et à adopter des techniques et des idées nouvelles, il demeurait aux premiers rangs, malgré la forte concurrence qui régnait dans son domaine. Ainsi, en 1860 et 1869, il photographia des éclipses solaires pour le professeur Charles Smallwood*, du McGill Observatory ; les clichés de 1869 servirent à illustrer un article de celui-ci dans le Canadian Naturalist de Montréal. Pendant l’hiver de 1864–1865, il adopta une source de lumière artificielle que l’Angleterre venait à peine de découvrir : l’éclair de magnésium. Il fut aussi l’un des pionniers nord-américains de la photographie format album.

Le succès de Notman reposait aussi sur le talent de ses peintres, car leur travail faisait souvent partie intégrante du produit fini. Il confia d’abord des commandes à William Raphael*, mais en 1860, insatisfait des résultats, il créa un service artistique qui colorierait les photographies, retoucherait les négatifs et peindrait les arrière-plans en studio, et il embaucha John Arthur Fraser pour le diriger. Henry Sandham*, qui n’avait alors que 18 ans, vint assister Fraser, et le service artistique finit par atteindre des proportions impressionnantes.

Autant par goût que par nécessité professionnelle, Notman fréquentait les peintres montréalais les plus importants. Des œuvres de plusieurs d’entre eux – Fraser, Sandham, Otto Reinhold Jacobi*, Charles Jones Way et Robert Stuart Duncanson*, de même que Cornelius Krieghoff* – figurèrent dans le premier livre de Notman, Photographic selections. Paru en 1863, cet ouvrage destiné à « stimuler le goût croissant pour les œuvres d’art au Canada » contenait 44 photographies de tableaux, la plupart de grands maîtres, et 2 paysages. Deux ans plus tard, Notman y ajouta un second volume qui contenait 11 photographies de paysages et un plus grand nombre de reproductions de toiles canadiennes contemporaines. En 1864, il avait publié North American scenery [...], qui se composait uniquement de reproductions photographiques de paysages signés Way. Par ailleurs, tandis qu’il reproduisait des œuvres de peintres, au moins deux d’entre eux, Jacobi et Krieghoff, lui rendaient la pareille en s’inspirant de certaines de ses photographies.

Notman aida aussi les peintres et autres artistes de la ville en soutenant l’Association des beaux-arts de Montréal. Non seulement en fut-il l’un des membres fondateurs, mais l’assemblée de fondation eut lieu dans son studio, en janvier 1860. Il exposait, aux réunions tenues par l’association, des toiles de sa collection particulière, qui s’enrichissait sans cesse, et il donnait des photographies en prix. Impatient de voir l’organisme avoir sa galerie permanente, il offrit une photographie peinte de Mgr Francis Fulford, grandeur nature, à la condition que, dans un délai de cinq ans, l’association ait un immeuble où elle pourrait la suspendre. En attendant, son studio demeurait le foyer du milieu artistique de Montréal, et les artistes de l’extérieur s’y donnaient rendez-vous. Très souvent, des expositions de peinture et de sculpture avaient lieu dans son immense salle de réception, que fréquentaient les artistes les plus connus du temps, Napoléon Bourassa* et Robert Harris* par exemple. C’est là que naquit, en 1867, la Société des artistes canadiens ; trois peintres de chez Notman (Fraser, son frère William Lewis Fraser et Sandham) figuraient parmi les membres fondateurs. Toutefois, ce n’est qu’en 1878 qu’une véritable galerie permanente fut édifiée, notamment grâce à Notman, qui avait présidé le comité de construction. De plus, de 1878 à 1882, il fut conseiller auprès de l’Association des beaux-arts de Montréal.

Outre des livres d’art, Notman publia de 1865 à 1868 le très populaire Portraits of British Americans, with biographical sketches, en collaboration avec John Fennings Taylor*. En 1866, pour répondre à l’intérêt croissant que suscitaient les sports comme activité de loisir [V. William George Beers], il fit paraître trois cartons de photographies : Cariboo hunting, Moose hunting et Sports pastimes and pursuits in Canada. Même s’il ne publia pas de livres après 1868, des photographies de son studio servirent à illustrer d’autres publications dont, en 1876, Our birds of prey [...] de Henry George Vennor*. En 1869, le Canadian Illustrated News de George-Édouard Desbarats publia une similigravure du prince Arthur par Notman ; c’était la première fois que l’on utilisait cette technique à des fins commerciales, nouvelle preuve que Notman était à l’avant-garde de son domaine.

Au milieu des années 1860, le studio montréalais de Notman comptait 35 employés : photographes et peintres avec leurs apprentis et assistants, teneurs de livres et commis, réceptionnistes et secrétaires, préposés à l’habillage, personnel de tirage, de chambre noire et de finition. Avant la fin de cette décennie, ses œuvres étaient tellement en demande qu’il opta pour l’expansion. Au printemps de 1868, il inaugura une succursale à Ottawa, capitale du nouveau dominion, et en confia la direction au jeune William James Topley*, son apprenti depuis trois ans. Plus tard dans l’année, s’ouvrit à Toronto un studio appelé Notman and Fraser ; Notman avait pris John Arthur Fraser comme associé et lui avait confié ce studio pour l’empêcher de partir. Fraser perpétua la tradition d’excellence de son ancien employeur et eut quelque temps à son service de jeunes peintres comme Horatio Walker*, Homer Ransford Watson* et Frederick Arthur Verner. Cependant, il quitterait Notman en 1880 pour entreprendre une fructueuse carrière de peintre. Notman ouvrit aussi un studio à Halifax en 1870 et un autre à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, deux ans plus tard ; dans les années 1880, il en avait au moins 20, dont 7 au Canada. Pour répondre à la demande des étudiants, il exploitait des studios saisonniers au Yale College à New Haven, au Connecticut, et à la Harvard University, à Cambridge, dans le Massachusetts.

Depuis qu’il avait été appelé à photographier les professeurs et étudiantes du Vassar College, à Poughkeepsie, dans l’état de New York, en 1869, Notman avait fait des percées sur le marché américain. Il collaborait régulièrement à l’influent Philadelphia Photographer ; le rédacteur en chef, Edward Wilson, l’un de ses admirateurs, accordait une large place à son art, à ses méthodes innovatrices et à son studio montréalais. En 1876, Notman eut la bonne idée de former, avec lui, la Centennial Photographic Company afin d’avoir le monopole de la photographie à l’Exposition universelle de Philadelphie, qui se tenait cette année-là. La compagnie, dont Fraser était le directeur artistique, avait une équipe de 100 personnes qui logeait dans un imposant immeuble sur le terrain même de l’exposition. Notman participa aussi à l’exposition en présentant des photographies de ses studios, et les juges britanniques lui décernèrent une médaille d’or. Il avait déjà reçu des médailles aux expositions de Montréal en 1860, de Londres en 1862 et de Paris en 1867 ; il allait en recevoir d’autres en Australie en 1877, à Paris en 1878 et à Londres en 1886.

Entre-temps, le studio de Montréal avait continué de prospérer : 55 personnes y travaillaient en 1874. Au milieu des années 1870, il produisait à lui seul quelque 14 000 négatifs par an. En 1877, pour ne pas perdre Sandham, Notman l’associa à ce studio, qui prit le nom de Notman and Sandham. Toutefois, en 1882, le peintre avait quitté l’entreprise et était allé poursuivre sa carrière aux États-Unis. Une baisse des affaires, peut-être provoquée tardivement par des conditions économiques difficiles dans les années 1870, se traduisit à la fin de cette décennie et au début des années 1880 par une réduction de personnel. La pire année fut 1886 : les employés n’étaient alors qu’au nombre de 25. Cependant, ils étaient 38 en 1892.

En plus de faire de la photo et d’en vendre, Notman était aussi pédagogue. On ignore jusqu’où allait son enseignement, mais son influence apparaît clairement quand on se rend compte que tous les directeurs et photographes de ses studios firent leur apprentissage auprès de lui. Pendant les 35 ans de carrière de Notman, le studio de Montréal, à lui seul, employa jusqu’à 40 photographes, dont bon nombre eurent par la suite un studio prospère.

Diriger une entreprise comme celle de Notman représentait un travail colossal. Aussi dynamique qu’ait été cet homme, superviser un personnel nombreux, nourrir de jeunes talents, se tenir au fait des progrès techniques et des courants artistiques, préparer des voyages transcontinentaux, concevoir de nouveaux projets, signer des contrats et parvenir quand même à exercer brillamment ses propres dons de photographe devaient éprouver son ingéniosité, sa résistance et son humeur. Pourtant, il avait d’autres occupations, rattachées surtout au développement de son milieu d’adoption. Il faisait de l’immobilier et était copropriétaire d’environ 295 lots à Longueuil ; la plupart furent vendus aux enchères en juin 1873. Il appartenait au groupe qui construisit le luxueux Windsor Hotel, inauguré en février 1878. Membre du Longueuil Yacht Club durant de nombreuses années, il en fut président dans les années 1870. Passionné de yachting, il contribua à la popularité de ce sport en offrant un prix pour les compétitions locales, la « Notman Cup ». Il promut aussi l’aviron en faisant venir des équipes renommées pour relever le niveau des compétitions. D’abord fidèles de l’église congrégationaliste Zion, Notman et sa famille passèrent en 1868 à l’église anglicane St Martin de Montréal puis fréquentèrent l’église St Mark de Longueuil quand ils résidèrent dans cette ville, dans les années 1870. Notman y fut plusieurs années marguillier et versa des dons généreux à la congrégation. Il fut membre du conseil d’administration du Montreal General Hospital au moins dans les années 1880 et appartint à la Young Men’s Christian Association.

Les Notman eurent sept enfants ; leurs trois garçons travaillèrent dans l’entreprise paternelle, où ils avaient reçu une formation de photographe. En 1882, l’un d’eux, William McFarlane, devint associé en second dans la William Notman and Son après le départ de Sandham. À un moment ou à un autre, les frères de Notman et certains de ses neveux et nièces firent partie de son personnel. Lui-même continua de faire de la photographie jusqu’à sa mort, le 25 novembre 1891. Travailleur acharné, il s’occupait de très près de son entreprise et avait refusé de prendre du repos même après qu’un rhume eut commencé à dégénérer en pneumonie. Peu après son décès, un contemporain en parla comme d’un homme « singulièrement modeste et discret », réfléchi et avisé, « bien informé de l’actualité et prompt à en saisir les tendances », résolu et « même tenace » dans ses opinions. Deux de ses fils continuèrent d’exploiter l’entreprise : William McFarlane, de 1891 à sa mort en 1913, et Charles Frederick, de 1894 à 1935, année où il la vendit à l’Associated Screen News.

Parmi les photographies produites chez Notman, rares sont celles que l’on peut lui attribuer avec documents à l’appui. Cependant, lorsque c’est le cas, un même style s’en dégage, caractérisé par la simplicité et la sobriété, certaines tendant même au dépouillement et d’autres à l’abstraction. Il arrivait, par le choix du point de vue, de la lumière et des lignes, à capter l’essence de son sujet et, en même temps, il savait le rendre de manière précise et émouvante. À cause de l’attrait qu’exerçait sur lui la majesté des formes, et en raison de sa maîtrise des lignes, de la lumière et de la composition, il donnait, aux grands personnages dont il faisait le portrait, des qualités héroïques – pour ne pas dire mythiques – qui correspondaient bien à la ferveur nationaliste dont le nouveau dominion était imprégné. D’autre part, le réalisme de ses photographies et l’authenticité des vêtements ou des outils qui y figurent en font de riches documents sociaux.

La valeur historique de la production issue des studios de Notman tient cependant à des raisons plus fondamentales que la vérité des détails. Lui-même avait un insatiable appétit d’apprendre, de mettre en images, de montrer. Ses photographies rendent compte d’à peu près tout ce qui se faisait au Canada dans la dernière partie de l’époque victorienne, et il s’entoura des meilleurs photographes et peintres qu’il pouvait trouver afin de réaliser ce travail beaucoup plus efficacement qu’il n’y serait parvenu seul. De plus, comme il donnait à ceux-ci des directives générales tout en leur laissant la liberté d’exprimer leur réaction à ce qu’ils voyaient, leur production porte sa marque tout en reflétant leur propre style. Étant donné que bon nombre d’entre eux acquirent la notoriété, on peut dire qu’il ne fit pas que capter et rendre l’esprit de l’époque ; il joua aussi un rôle important en enseignant à d’autres artistes à en faire autant.

Pour William Notman, le Canada tout entier était digne d’être photographié. En établissant des studios régionaux relativement autonomes, il évita dans une large mesure d’imposer au reste du Canada une vision montréalaise des choses. Néanmoins, pour lui, Montréal demeurait le grand point d’attraction. Il est vrai que cette ville était le cœur du pays. Même Vancouver, le « bout de la voie ferrée », était lié directement à la métropole par les constructeurs du chemin de fer canadien du Pacifique, et entre ces deux extrêmes il n’y avait guère de lieux qui ne lui étaient pas rattachés au moins indirectement. Le Montréal de Notman était le reflet d’un pays et d’un peuple en transition entre le xixe et le xxe siècle, d’un pays et d’un peuple qui, croyait affectueusement sir Wilfrid Laurier*, étaient sur le point de passer au rang des grandes puissances. Notman immortalisa le Montréal impérial en en photographiant les citoyens illustres (alors renommés dans le monde entier) et les édifices imposants. Il dépeignit le Montréal des gens du commun dans des portraits où on les voit souvent en train de vaquer à leurs occupations quotidiennes. Dans le port, il prit des images où l’on voit côte à côte de robustes vapeurs en train d’être chargés et de majestueux voiliers de bois. Et, bien loin des limites de la ville, là où les Rocheuses faisaient ressembler les ouvriers à des nains, ses photographes captèrent des scènes qui symbolisaient l’immense tâche que le Canada – Montréal en tête – s’était fixée : faire tourner une économie industrielle et commerciale en exploitant les richesses naturelles de la moitié d’un continent.

Stanley G. Triggs

William Notman est l’auteur, entre autres, de : Photographic selections (Montréal, 1863) ; North American scenery [...] 1863–64 (Montréal, [1864]) ; et, en collaboration avec John Fennings Taylor, Portraits of British Americans, with biographical sketches (3 vol., Montréal, 1865–1868). Le Musée McCord, Notman Photographic Arch., conserve une importante collection de photographies de Notman ; certaines ont été reproduites dans S. G. Triggs, William Notman : the stamp of a studio (Toronto, 1985).

ANQ-Q, P-530.— Gloucestershire Record Office (Gloucester, Angl.), King’s Stanley, Reg. of baptisms, 15 juin 1853.— Portrait of a period : a collection of Notman photographs, 1856–1915, introd. d’E. A. Collard, J. R. Harper et S. G. Triggs, édit. (Montréal, 1967).— Reid, « Our own country Canada ».

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Stanley G. Triggs, « NOTMAN, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/notman_william_12F.html.

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Auteur de l'article:    Stanley G. Triggs
Titre de l'article:    NOTMAN, WILLIAM
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    28 novembre 2024