NANTON, sir AUGUSTUS MEREDITH, courtier, financier, capitaliste et philanthrope, né le 7 mai 1860 à Toronto, fils de Daniel Augustus Nanton, barrister, et de Mary Louisa Jarvis, fille de William Botsford Jarvis* ; le 7 décembre 1886, il épousa à Galt, Ontario, Georgina Hope Hespeler (décédée en 1887), fille de William Hespeler, et ils eurent une fille, puis le 17 novembre 1894, à Winnipeg, Ethel Constance Clark, et de ce second mariage naquirent deux fils et deux filles qui vécurent au delà de la petite enfance ; décédé le 24 avril 1925 à Toronto et inhumé à Winnipeg.

Âgé de 13 ans à la mort de son père alcoolique, Augustus Meredith Nanton dut quitter la Toronto Model School pour aider à subvenir aux besoins de sa mère ainsi que de ses jeunes sœurs et frère. Il fut d’abord engagé comme garçon de bureau par une entreprise immobilière. Grâce à l’influence d’un oncle, il obtint deux ans plus tard, en 1875, un poste de commis à 300 $ par an chez Pellatt and Osler, la maison de courtage d’Edmund Boyd Osler. Vers 1881, celui-ci lui confia les comptes d’une société représentée par la maison de courtage et dont le siège social se trouvait à Aberdeen, la North of Scotland Canadian Mortgage Company Limited.

En 1882, Osler rompit avec son associé, Henry Pellatt, et fonda avec Herbert Carlyle Hammond, secrétaire de la Bank of Hamilton, la maison Osler and Hammond. Il conserva l’agence de la North of Scotland et garda Nanton avec lui pour qu’il en soit le secrétaire. L’année suivante, les associés envoyèrent Nanton à Winnipeg pour le compte de la compagnie d’Aberdeen afin qu’il étudie les possibilités d’investir dans des hypothèques sur des fermes du Nord-Ouest. Nanton, qui avait du flair, comprit que la région pouvait générer d’immenses richesses et favoriser ses propres ambitions. En 1884, il retourna ouvrir un bureau à Winnipeg en qualité d’associé en second de la filiale fondée dans l’Ouest par la maison torontoise de courtage. Par l’entremise d’Osler, Hammond, and Nanton, la North of Scotland fut l’une des premières sociétés dans le Nord-Ouest à pratiquer, dans une assez large mesure, le financement de premières hypothèques ou l’achat de débentures municipales et scolaires. Nanton promut si bien les intérêts de l’entreprise écossaise que, dès la fin de la première année, le volume des prêts atteignait 28 629 £. Dix ans plus tard, sous sa direction, le capital investi s’élèverait à 315 664 £.

Les transactions de Nanton en hypothèques et débentures étaient très liées à la vente de terres agricoles et de lots urbains de même qu’à la promotion de l’immigration. Dès le début, l’Ontario and Qu’Appelle Land Company Limited confia à Osler, Hammond, and Nanton la vente de ses titres et la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, celle de ses obligations foncières. En 1885, la firme se lança dans l’achat et la vente de certificats de concessions de terre. Nanton refusait cependant de traiter avec des spéculateurs. « Je ne veux pas acheter des certificats à des magouilleurs et à des chasseurs de scalps qui volent les sang-mêlé, disait-il, mais j’achèterai directement des propriétaires à un bon prix. » Avec le temps, la firme monta le plus gros compte de certificats qui ait figuré dans les dossiers gouvernementaux. Toujours dans les années 1880, Nanton acquit des intérêts dans la Manitoba Cartage and Warehousing Company, une des premières grandes entreprises de Winnipeg et de l’Ouest canadien. Élu au conseil d’administration quelques années après son arrivée, il accéda à la présidence en juin 1891.

Vers 1890, à cause de la participation d’Osler à l’organisation financière de la Qu’Appelle, Long Lake and Saskatchewan Railroad and Steamboat Company ainsi que de la Calgary and Edmonton Railway Company [V. James Ross*], Nanton avait commencé à promouvoir et à coordonner l’immigration vers les terres de ces importants chemins de fer de colonisation et le peuplement de ces terres. La même année, il devint agent général d’une entreprise d’Elliott Torrance Galt, l’Alberta Railway and Coal Company de Lethbridge. En 1891, il créa un service pour la vente en gros du charbon gras ; par la suite, il offrirait aussi plusieurs variétés de charbon canadien et américain. En 1904, lorsque Galt créa l’Alberta Railway and Irrigation Company – résultat de la fusion de l’Alberta Railway and Coal Company avec ses autres sociétés –, la maison Osler, Hammond, and Nanton se mit à acheter toutes les actions disponibles. En juin de l’année suivante, Nanton devint administrateur délégué de la nouvelle entreprise. Sa réputation dans divers secteurs des affaires s’accroissait, comme en témoigne son élection à la présidence du Bureau de commerce de Winnipeg en 1898. Cette année-là, il entra au conseil d’administration de la Compagnie d’assurance du Grand-Ouest sur la vie [V. Jeffry Hall Brock*]. En janvier suivant, il devint membre du conseil d’administration de la Winnipeg Electric Street Railway Company (future Winnipeg Electric Railway Company) et fut nommé au comité directeur, qui comptait trois membres.

En 1900, Nanton et plusieurs autres hommes d’affaires, dont William Hendrie*, constituèrent juridiquement la Winnipeg Western Land Corporation Limited, qui possédait des terres le long de la ligne du chemin de fer de Manitoba et du nord-ouest du Canada, près des districts de Yorkton et des monts Beaver (Saskatchewan). L’entreprise était également propriétaire d’une quantité énorme d’acres dans les fertiles hautes prairies du Manitoba et, durant des années, Nanton en fut le commissaire des terres dans la province. En 1908, il accéda à la présidence de la Canada Saskatchewan Land Company, qui avait 400 000 acres à vendre en Saskatchewan.

Après s’être lancé en 1899 dans l’assurance-incendie pour protéger les très gros investissements hypothécaires d’Osler, Hammond, and Nanton, Nanton vendrait tous les types d’assurance, sauf l’assurance-vie. Puis il ouvrit un service des actions et un service des obligations. En 1903, il participa à la fondation de la Winnipeg Stock Exchange, dont il fut le premier président mais où les opérations ne démarrèrent vraiment qu’en février 1909. Comme la demande de premières hypothèques finit par excéder les ressources financières de la North of Scotland Canadian Mortgage Company, la maison Osler, Hammond, and Nanton devint aussi l’agence de plusieurs autres sociétés de crédit. En 1911, pour gérer les quantités croissantes de capital d’investissement privé que leur confiaient des clients de la Grande-Bretagne et du centre du Canada, Osler et Nanton (Hammond était décédé en 1909) constituèrent juridiquement l’Osler and Nanton Trust Company avec le barrister de leur firme et deux Winnipeguois qui s’étaient joints à celle-ci en 1908 à titre d’associés en second.

Grâce à ses liens d’affaires avec Osler, président de la Dominion Bank depuis 1901, Nanton avait obtenu un siège au conseil d’administration de cette banque en 1907. Il en devint l’un des vice-présidents en 1919 et, à la mort d’Osler en août 1924, il lui succéda à la présidence. En 1910, il avait été nommé vice-président de la Compagnie d’assurance du Grand-Ouest canadien. Toutefois, ce fut sa nomination au poste de secrétaire du comité consultatif canadien de la Hudson’s Bay Company en 1912 qui lui assura vraiment une place dominante dans le milieu national des finances. Ce comité local composé d’un petit groupe d’hommes d’affaires triés sur le volet (des gens de l’Ouest surtout) eut d’abord des attributions limitées. Puis le comité londonien de la Hudson’s Bay Company en élargit les pouvoirs en en faisant son représentant au Canada et, pour marquer son nouveau statut, le rebaptisa tout simplement comité canadien. En 1914, Nanton fut élu au siège du comité londonien laissé vacant par le décès de lord Strathcona [Smith*]. La même année, sir William Whyte*, ancien vice-président de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique à qui Nanton avait longtemps servi de conseiller, mourut à son tour. Nanton lui succéda à la présidence du comité canadien de la Hudson’s Bay Company et au conseil d’administration de la compagnie de chemin de fer. Quatre ans plus tard, il entra au comité directeur de cette société.

Grand défenseur de l’Empire et de la tradition britannique, Nanton mit autant de vigueur et d’intelligence à soutenir l’effort de guerre du Canada qu’à s’occuper de ses propres affaires. Dès le début du premier conflit mondial, il entra à la direction nationale du Fonds patriotique canadien sur l’invitation du gouverneur général, le duc de Connaught. Cet organisme amassait et administrait des fonds destinés à aider les personnes à charge des soldats qui étaient dans le besoin. Nanton fut aussi président du Manitoba Patriotic Fund, seule organisation provinciale demeurée indépendante de l’instance nationale. Sa présence fut déterminante pour le succès de ce fonds, qui recueillit et distribua plus d’argent par habitant que les autres fonds du même genre au pays. Nanton lui-même versa 1 000 $ par mois. Cependant, sa plus grande satisfaction lui venait de la présidence du comité provincial d’approbation, dont le principal mandat était d’encourager les jeunes gens à s’enrôler en leur garantissant que les personnes à leur charge recevraient de l’aide en leur absence. Ce comité fit « plus pour le recrutement […] que tout le reste », dit Nanton avec la ferme conviction de participer à ce qui, selon lui, était une « guerre tout à fait juste ». Pour sa remarquable contribution, il reçut le titre de chevalier le 13 juin 1917. Les qualités de gestionnaire qu’il avait manifestées dans cette organisation lui avaient valu d’être nommé au premier conseil d’administration de l’université de Manitoba dès la formation de celui-ci le mois précédent.

Pendant les campagnes d’emprunts de la Victoire en 1917, 1918 et 1919, Nanton participa énergiquement à la mobilisation des ressources financières du pays. Il fit partie de la direction du Victory Loan Committee of Canada et fut président du comité général du Manitoba. Seul représentant de l’Ouest à la direction nationale, il aida à mettre sur pied, en Saskatchewan et en Alberta, des comités de ventes d’obligations inspirés de l’organisation manitobaine. Selon lui, l’appel de fonds imposait un « devoir impératif à tout citoyen patriote » et quiconque ne contribuait pas « cess[ait] d’être un bon citoyen de l’Empire ». Lui-même acheta 250 000 $ d’obligations dans chacune des deux premières campagnes. Menées systématiquement dans les provinces des Prairies, les trois campagnes permirent de recueillir au total une somme étonnante – en tout, plus de 246 millions de dollars –, et le Manitoba à lui seul souscrivit 118 millions. Le biographe de Nanton, Roderick George MacBeth*, fait observer que, grâce à l’action de Nanton, les habitants de l’Ouest « devinrent des prêteurs pour la première fois de leur histoire ».

Une menace de grève générale avait plané à l’été de 1917 ; elle se concrétisa au cours du printemps qui suivit la signature de l’armistice en novembre 1918. Nanton, pour qui la grève générale de Winnipeg [V. Mike Sokolowiski*] était un acte de trahison, exerça beaucoup d’influence au sein du Citizens’ Committee of One Thousand, composé d’hommes d’affaires qui s’opposaient à l’arrêt de travail et cherchaient à maintenir les services essentiels. Son hostilité envers la négociation collective et le syndicalisme industriel, nourrie par un fort sentiment « nativiste », remontait à deux conflits ouvriers survenus en 1906 : la violente grève des employés de la Winnipeg Electric Railway Company et la grève particulièrement longue et dure des mineurs des houillères de Galt à Lethbridge [V. Frank Henry Sherman*], à laquelle lui-même avait été étroitement mêlé à titre d’administrateur délégué de l’Alberta Railway and Irrigation Company.

Élu président de la Winnipeg Electric Railway Company en 1919, Nanton était impatient de travailler de nouveau au développement industriel de Winnipeg. Le projet hydroélectrique de la compagnie à Great Falls avait été suspendu en 1916 à cause de la guerre. Les travaux recommencèrent en mai 1919, mais durent bientôt s’arrêter à cause d’une pénurie de matériaux et de fonds. La construction reprit à nouveau en 1920 quand la Manitoba Power Company, filiale de la Winnipeg Electric Railway Company placée sous la présidence de Nanton, prit en charge l’achèvement de la centrale d’énergie. Sur la scène nationale, Nanton consacra sa ferveur patriotique à la promotion des intérêts industriels et agricoles du pays en tant que membre de la direction de la Canadian Reconstruction Association, fondée en 1918 [V. sir John Stephen Willison].

Homme austère et aux manières patriciennes, Nanton était un aristocrate né qui, même avant le début du xxe siècle, avait amassé une grosse fortune. À voir son somptueux domaine de Winnipeg, Kilmorie, on ne pouvait douter de sa position dans la collectivité. Depuis l’époque où il était simple commis, il avait prouvé sa fougue dans toute une série d’initiatives. Au fil du temps, il s’associa, en tant que conseiller ou participant actif, à un éventail impressionnant d’entreprises prospères. En 1924, à la mort d’Osler, l’associé principal, il lui succéda à titre de directeur général de la maison Osler, Hammond, and Nanton. Il devait beaucoup à cet ami et conseiller qui l’avait pris sous son aile et guidé comme un père dans les débuts de sa carrière. Nanton et Osler étaient très proches ; leur relation, fondée sur l’admiration et le respect, dura 40 ans « sans la moindre mésentente ni querelle ». Lorsqu’il avait une grande décision à prendre, Nanton examinait toujours la question à partir des points de vue résolument conservateurs qu’il avait hérités de son mentor.

Sir Augustus Meredith Nanton fut avant tout un bâtisseur. Son objectif était de voir le Nord-Ouest devenir capable de générer sa propre richesse au lieu de continuer à dépendre du centre du Canada et de la Grande-Bretagne pour l’immigration et le capital de développement. Sur un plan plus large, cet expansionniste entrevoyait le jour où l’on mènerait une vie stable et civilisée d’un bout à l’autre des Prairies grâce à des localités qui serviraient de foyers à l’économie rurale. Winnipeg deviendrait à la fois un centre de fabrication et de distribution et une source importante de capital dans le pays en expansion. La mort subite de Nanton huit mois après son accession à la présidence de la Dominion Bank signifia la disparition d’un homme qui avait contribué à jeter les bases d’une saine organisation financière pour le développement de l’Ouest canadien.

Peter Hanlon

Arch. privées, David Nanton (Vancouver), Paul Nanton, « Prairie explosion : setting the pace for Canada » (texte dactylographié, 1991).— EAC, Diocese of Rupert’s Land Arch. (Winnipeg), DRL-84-111, RBMS ; 112, RBMS ; 129, RBMS.— Manitoba, Dept. of Consumer and Corporate Affairs, Corporations branch (Winnipeg), Partnership agreements, file no 580, 30 sept. 1884 ; index no 83w, 25 juin 1902.— PAM, GR 1418, G-1-7-3, MH0035, book 1 ; MG 14, C85 ; P 483.— Trinity Anglican Church (Cambridge, Ontario), RBMS, 1874-1888 : f. 204, no 81.— Univ. of Aberdeen Library, Dept. of Special Coll. and Arch. (Aberdeen, Écosse), ms 3211/1-84 (North of Scotland Canadian Mortgage Company Limited), Ledgers, nos 2–3 ; Minutes.— Manitoba Free Press, 1er mai, 1er juill. 1884, 20 févr. 1885, 2–3 févr. 1909, 12 mai 1914, 4 juin, 8, 17, 26 nov. 1917, 8, 14 nov. 1918, 28 oct. 1919, 13 août 1924.— Monetary Times (Toronto), 25 juill. 1919.— Winnipeg Telegram, 29 janv. 1910, 13 févr. 1919.— Winnipeg Tribune, 26 févr. 1930.— Canadian annual rev., 1919.— The Canadian Patriotic Fund : a record of its activities from 1914 to 1919, P. H. Morris, compil. et édit. ([Ottawa, 1920 ?]).— London Gazette, 8 août 1917.— R. G. Macbeth, Sir Augustus Meredith Nanton : a biography (Toronto, 1931).— Newspaper reference book.— E. B. Osler, Osler, Hammond & Nanton Limited : commemorating 65 years of business development in a growing nation (Winnipeg, [1948]).— A. A. den Otter, Civilizing the west : the Galts and the development of western Canada (Edmonton, 1982).— Osler, Hammond & Nanton, New homes, free farms in Alberta and Saskatchewan, western Canada ([Winnipeg, 189 ?]) ; The Qu’Appelle, Long Lake and Saskatchewan Railroad and Steamboat Co. has 1,000,000 acres of odd numbered sections [. . .] (Winnipeg, [1891 ?])

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Peter Hanlon, « NANTON, sir AUGUSTUS MEREDITH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/nanton_augustus_meredith_15F.html.

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Auteur de l'article:    Peter Hanlon
Titre de l'article:    NANTON, sir AUGUSTUS MEREDITH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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