BROCK, JEFFRY HALL, homme d’affaires, né le 6 janvier 1850 à Guelph, Haut-Canada, fils de Thomas Rees Brock et d’Eleanor Thompson ; le 6 septembre 1876, il épousa Louisa Adelaide Clara Gillespie, et ils eurent 12 enfants ; décédé le 27 mars 1915 à Long Beach, Californie.
Jeffry Hall Brock fit ses études dans des écoles publiques et privées des environs de Guelph et fréquenta aussi, pendant un court moment, la High School of Montreal, affiliée au McGill College. Dès l’âge de 15 ans, il était vendeur dans une librairie-papeterie située près de chez lui. Pendant les cinq années suivantes, il fut employé par divers commerces de nouveautés à St Louis, au Missouri, et par la R. G. Dun and Company à Troy, dans l’État de New York. De retour au Canada en 1872, il travailla à la succursale torontoise de la Ogilvy and Company pour son frère, William Rees, associé de cette entreprise. En 1876–1877, il dirigea la J. Gillespie and Company, grossiste de chapeaux, casquettes et fourrures. Dans le courant de l’année 1877, il s’associa à son frère pour fonder un commerce de nouveautés en gros, la W. R. Brock and Brother. Deux ans plus tard, sur l’invitation de George Frederick Carruthers, il s’installa à Winnipeg et s’associa à l’agence d’assurances générales de Carruthers, qui était alors en pleine expansion. En 1881, il devint aussi représentant de la Canada Permanent Loan and Savings Company.
Comme bon nombre d’hommes d’affaires de Winnipeg, Brock se lança dans l’action politique. Opposé à la Politique nationale du gouvernement de sir John Alexander Macdonald*, qui se caractérisait par des tarifs élevés et un appui au monopole de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, il s’allia à la Manitoba Rights League, qui protestait contre ce monopole et prônait le libre-échange avec les États-Unis. Brock croyait fermement qu’il fallait ouvrir également l’Ouest canadien à d’autres chemins de fer, y compris ceux dont le siège social était aux États-Unis, tel le St Paul, Minneapolis and Manitoba [V. James Jerome Hill]. Il participa à la fondation du Parti libéral du Manitoba et devint l’un des principaux défenseurs du gouvernement libéral de Thomas Greenway*.
Au fil de ses tournées de représentant et par l’entremise de ses relations d’affaires, Brock voyait beaucoup de fermiers et de gens d’affaires ainsi qu’un nombre croissant d’immigrants qui s’établissaient dans le Nord-Ouest. Constatant que les fortes primes d’assurances et les taux élevés pour les prêts commerciaux et hypothécaires exigés par les établissements financiers de l’Est canadien suscitaient un mécontentement de plus en plus vif dans l’Ouest, il eut l’idée de lancer une compagnie d’assurance-vie qui offrirait des taux plus bas et réinvestirait dans la florissante économie de l’Ouest. Il obtint l’appui d’éminents hommes d’affaires de Winnipeg, dont James Henry Ashdown*, Robert Thomas Riley, Daniel Hunter McMillan* et Stephen Nairn*, et rassembla un capital suffisant en faisant appel à des investisseurs de l’Ouest et de l’Est. Le 28 août 1891, une loi du Parlement fédéral constitua la Compagnie d’assurance du Grand-Ouest sur la vie (Great-West Life Assurance Company). Le maire de Winnipeg, Alexander Macdonald, devint le premier président de l’entreprise ; Brock en était le directeur général.
Au début, Brock pensait consacrer seulement une partie de son temps à la nouvelle compagnie et rester associé à Catruthers, mais l’entreprise ne tarda pas à l’absorber entièrement. Installée d’abord à l’agence de Carruthers, dans une petite pièce meublée d’une table et d’une chaise, la Great-West gagna bientôt en popularité, aussi bien dans l’Est que dans l’Ouest. Dès 1895, après avoir pris en main la Dominion Safety Fund Life Association de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, elle avait des agences dans toutes les provinces, de la Colombie-Britannique à l’Île-du-Prince-Édouard.
Ce succès reposait sur une formule simple : taux plus bas, meilleur service à la clientèle régionale. En réinvestissant le produit des primes exclusivement dans des hypothèques consenties à des fermiers de la région, la Great-West gagnait sur deux tableaux : elle déclassait ses concurrentes en offrant des taux hypothécaires inférieurs aux leurs, et pourtant ces taux suffisaient pour que ses investissements donnent un rendement plus élevé que celui qu’elle aurait pu obtenir dans l’Est sur les marchés des obligations. Ce double avantage permettait en outre à la compagnie d’exiger des primes plus basses que les sociétés dont le siège social était dans l’Est. Grâce à cette formule gagnante, à l’énergie que Brock déployait dans ses activités de vente et de recrutement, à de prudentes règles d’exclusion d’ordre médical, qui donnaient un taux de mortalité incroyablement bas parmi les détenteurs de police, et à la création précoce d’une réserve actuarielle de 4 %, la Great-West était solidement enracinée et promise à un bel avenir.
La Compagnie d’assurance du Grand-Ouest sur la vie était donc dans une position idéale pour profiter de la croissance démographique (de 1891 à 1911, la population du Manitoba seul passa de quelque 152 000 habitants à plus de 461 000). En 1892, sa part de tout le marché canadien des ventes dans le secteur des assurances était de 0,5 %. En 1915, grâce à une conjoncture économique favorable, cette part s’élevait à 13,8 %. Cette augmentation est unique dans l’histoire des sociétés canadiennes d’assurances. Avec le temps, la Great-West se hissa parmi les principales sociétés d’assurances individuelles et collectives du Canada.
Tout en travaillant à la Great-West, Brock appartint au conseil d’administration de la Northern Trusts Company et de la Northern Mortgage Company. Il fut nommé au Bureau de santé de la province en 1893. Durant de nombreuses années, il fut marguillier de l’église anglicane Holy Trinity, qu’il fréquentait, et délégué au synode.
En visite en Californie pour des raisons de santé en 1915, Jeffry Hall Brock y mourut dans un hôpital. Quatre de ses enfants étaient décédés avant lui. Il fut inhumé à Winnipeg. Certes, la Compagnie d’assurance du Grand-Ouest sur la vie était le fruit d’un effort collectif, mais il est arrivé rarement, dans l’histoire des entreprises canadiennes, qu’un homme ait la chance de voir son œuvre atteindre une prospérité si remarquable en aussi peu de temps.
Arch. of the Great-West Life Assurance Company (Winnipeg), Agents’ cash ledger-book, 1892–1897 ; Journal ledger, 1899–1900 ; Alexander MacDonald, « Historical review of the Great-West Life Assurance Company », 1925, et « Review of the Great-West Life Assurance Company », 1925 ; Policyholder application reg., 1892–1898 ; Provisional board of directors, minutes, 1892 ; Reassurance company reg., 1893–1908.— Manitoba Free Press, 29 mars 1915.— Annuaire, Toronto, 1877–1880.— R. E. Bennett, A house of quality it has ever been : history of the Great-West Life Assurance Company (Winnipeg, 1992).— Brock family records, A. M. Cawthra Brock, compil. (Toronto, 1927).— P. J. Brock, William Rees Brock, 1838–1917 ; paradise regained : an odyssey in Canadian business (Toronto, 1983).— George Bryce, A history of Manitoba ; its resources and people (Toronto et Montréal, 1906).— Canada, Commission royale des assurances sur la vie, Rapport (Ottawa, 1907).— Robertson’s landmarks of Toronto : a collection of historical sketches of the old town of York from 1792 until 1833, and of Toronto from 1834 to [1914] [...], J. R. Robertson, édit., (6 vol., Toronto, 1894–1914).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).
Richard E. Bennett, « BROCK, JEFFRY HALL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brock_jeffry_hall_14F.html.
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Auteur de l'article: | Richard E. Bennett |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
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Date de consultation: | 28 novembre 2024 |