MARTINET, dit Bonami, LOUIS, frère récollet et instituteur, né le 5 décembre 1764 à Montréal, fils d’Henri Martinet, militaire, et de Marie-Joseph Descaris ; décédé le 9 août 1848 à Québec.
Louis Martinet, dit Bonami, demeura quelques années au couvent des récollets à Montréal avant de revêtir l’habit de cette communauté le 6 juin 1785. On ignore où il fit son noviciat mais, le 14 juin 1786, il prononçait ses vœux au couvent des récollets à Québec et, le 26 décembre de la même année, il recevait le sacrement de confirmation des mains du coadjuteur, Mgr Jean-François Hubert*.
Le sort de la communauté des récollets avait été compromis après la Conquête. En octobre 1763, le gouverneur James Murray* recevait des instructions au sujet des ordres religieux. Il devait, autant que possible, empêcher les récollets et les jésuites de recruter de nouveaux membres. En raison d’une certaine tolérance des gouverneurs à l’égard des récollets, ceux-ci admirent au moins dix nouveaux membres entre 1784 et 1794, mais aucun d’eux ne reçut la prêtrise. Les récollets ne furent point chassés de leur monastère, mais celui-ci servit aussi de prison et de dépôt des archives officielles du gouvernement, et ils partagèrent leur église avec les protestants, probablement à partir de 1762.
Cependant, le frère Louis devait être témoin de l’événement qui précipita la fin de la communauté au Bas-Canada. Le 6 septembre 1796, le feu détruisit l’église et le couvent des récollets. Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé raconta que durant quelques jours on vit errer les pauvres récollets près des ruines. Le 14 septembre, Mgr Hubert décrétait la sécularisation des récollets de Québec qui avaient fait profession après 1784. Ceux-ci ne vivraient plus en communauté, mais devraient respecter, dans la mesure du possible, les vœux prononcés à leur profession. Peu de temps après, le supérieur, le père Félix Berey Des Essarts, et les 15 frères prirent des directions différentes [V. Pierre-Jacques Bossu*, dit Lyonnais ; Louis Demers*].
Martinet, dit Bonami, que l’on continua à appeler frère Louis, s’établit à Québec, dans le faubourg Saint-Roch, et devint instituteur. À l’automne de 1806, Mgr Joseph-Octave Plessis* lui confia le poste d’économe du séminaire de Nicolet. Le supérieur Jean Raimbault ne fut point satisfait de ses services : le frère Louis aurait manqué de vigilance et laissé paraître une certaine apathie dans ses fonctions. Il revint donc à Québec en 1807 pour reprendre son poste de maître d’école. François-Xavier Garneau*, Stanislas Drapeau* et Antoine Plamondon* comptèrent parmi ses élèves. Après s’être retiré de l’enseignement vers 1830, il fabriqua des hosties durant de nombreuses années pour plusieurs paroisses de la région de Québec.
Le frère Louis possédait de grands terrains dans le faubourg Saint-Roch ; les religieuses de l’Hôpital Général lui en avaient concédé une partie. Il fut l’un des syndics au moment de la construction de la première église Saint-Roch et l’un des signataires, en 1826, d’une requête qui demandait la création de la paroisse Saint-Roch.
Vers 1846, Louis de Gonzague Baillairgé* découvrit, dans le grenier de la demeure du frère Louis, une bannière qu’il prétendit être le drapeau de Carillon. Le frère Louis l’avait récupérée après l’incendie de l’église des récollets, où le père Berey Des Essarts l’aurait déposée à son retour de la bataille de Carillon (près de Ticonderoga, New York) en 1758 [V. Louis-Joseph de Montcalm*], bataille que les Français remportèrent. Le drapeau de Carillon, aujourd’hui conservé au petit séminaire de Québec, fut vénéré comme une relique dans la seconde moitié du xixe siècle ; on ne le sortait qu’à l’occasion de très grands événements. Octave Crémazie* en fit le sujet de l’un de ses plus célèbres poèmes. En 1915, Ernest Gagnon*, sous le pseudonyme de Pierre Sailly, révélait qu’il s’agissait d’une bannière religieuse et non d’un drapeau. Sa présence à la bataille de Carillon demeure hypothétique.
Le frère Louis, qui avait toujours continué à porter le costume des récollets, était devenu un personnage presque légendaire à Québec. Aux yeux des gens, il représentait l’époque de la Nouvelle-France. L’abbé Charles Trudelle garda un souvenir vivace de cet homme au teint basané, aux yeux vifs et noirs, qui, en s’appuyant sur une canne, se rendait régulièrement au séminaire. À l’automne de 1845, le frère Louis fut atteint de paralysie. Il mourut le 9 août 1848 et on l’inhuma dans l’église Saint-Roch. Ainsi disparaissait le dernier survivant des récollets à Québec. Les frères mineurs, appelés franciscains cette fois, seront de retour dans cette ville au tout début du xxe siècle.
ANQ-M, CE1-51, 5 déc. 1764.— ANQ-Q, CE1-22, 12 août 1848 ; CN1-212, 15 sept. 1827, 2 mai 1829, 3 avril, 15 juin 1832 ; CN1-213, 20 juill. 1843, 20 janv. 1844, 15, 23 mai, 8 août 1846, 14, 21–22 août, 1er sept. 1848 ; CN1-230, 3 mai 1805, 6 nov. 1806, 21 août 1813, 15 mai 1815.— Arch. des franciscains (Montréal), Dossier Louis Martinet, dit Bonami.— ASQ, Polygraphie, XXXI : 1–2.— Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, Henri Têtu et C.-O. Gagnon, édit. (18 vol. parus, Québec, 1887– ), 2 : 499–500.— Le Journal de Québec, 10 août 1848.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Panet », ANQ Rapport, 1934–1935 : 358 ; « Inv. de la corr. de Mgr Plessis », 1927–1928 : 246 ; 1932–1933 : 77.— Jacques Archambault et Eugénie Lévesque, le Drapeau québécois (Québec, 1974).— P.[-J.] Aubert de Gaspé, Mémoires (Ottawa, 1866 ; réimpr., Montréal, 1971).— Douville, Hist. du collège-séminaire de Nicolet, 1 : 30, 34, 38–39 ; 2 : 3*.— J.-C. Gamache, Histoire de Saint-Roch de Québec et de ses institutions, 1829–1929 (Québec, 1929), 39–40, 263.— O.-M. Jouve, les Frères mineurs à Québec, 1615–1905 (Québec, 1905).— J. M. LeMoine, l’Album du touriste [...] (2e éd., Québec, 1872), 40–41.— J.-B. Meilleur, Mémorial de l’éducation du Bas-Canada (2e éd., Québec, 1876).— Morisset, Peintres et Tableaux, 2 : 75–76, 117.— Marcel Trudel, l’Église canadienne sous le Régime militaire, 1759–1764 (2 vol., Québec, 1956–1957), 2.— Charles Trudelle, le Frère Louis (Lévis, Québec, 1898).— L’Abeille (Québec), 24 févr. 1881.— « Le Frère Louis », BRH, 7 (1901) : 206.— Lormière [ ], « le Frère Louis », BRH, 7 : 267.— Nicolet [ ], « le Frère Louis », BRH, 4 (1898) : 125.— Pierre Sailly [Ernest Gagnon], « le Prétendu Drapeau de Carillon », Rev. canadienne, nouv. sér., 16 (juill.-déc. 1915) : 304–309.
Jean-Marie Lebel, « MARTINET, dit Bonami, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/martinet_louis_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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