DEMERS, LOUIS (baptisé Jean), prêtre, récollet, supérieur et architecte, né le 30 décembre 1732 à Saint-Nicolas (Québec), fils de Louis Demers et de Thérèse Gagnon ; décédé le 2 septembre 1813 à Montréal.

Jean Demers, qui prit le nom de Louis lorsqu’il prononça ses vœux chez les récollets, fut ordonné prêtre le 24 septembre 1757, à peine quelques années avant que le gouvernement britannique n’interdise aux récollets du Canada de faire du recrutement. Après la Conquête, comme plusieurs de ses confrères, il s’orienta vers le ministère paroissial. Il s’agissait à la fois d’une question de subsistance et d’une question de charité à l’égard du clergé séculier, numériquement affaibli depuis la fin de 1760. Demers desservit d’abord les paroisses Saint-Michel, près de Québec, en 1760–1761, Saint-Charles (à Saint-Charles-des-Grondines) de 1762 à 1764 et de La Nativité-de-Notre-Dame (à Bécancour) de 1764 à 1767.

Nommé curé de Saint-Pierre-les-Becquets en 1767, Demers le demeura jusqu’en 1789, tout en desservant les seigneuries de Deschaillons, jusqu’en 1789, et de Gentilly de 1767 à 1774, puis de 1779 à 1789. À Saint-Pierre-les-Becquets, il fit construire un presbytère et un moulin. Par ailleurs, il paraît avoir dépassé parfois les attributions de son mandat pastoral. Des gens se plaignirent à Mgr Briand* que Demers se permettait de rédiger des contrats. Ennuyé, l’évêque de Québec lui demanda de cesser ce genre d’activité, en précisant que « cela [était] déffendu ». Demers, assisté du maître maçon Antoine Maillou, se fit aussi constructeur d’églises. Architecte sans doute moins célèbre que ne le deviendra son neveu, l’abbé Jérôme Demers*, on lui doit pourtant la deuxième église de Sainte-Anne-de-la-Pérade (La Pérade), terminée en 1771, et la première église de la paroisse Saint-Édouard (à Gentilly), construite de 1781 à 1787. La réalisation de celle-ci occasionna, en 1773, quelques démêlés entre l’évêque de Québec et des paroissiens qui s’opposaient au choix, fait par l’évêque, de l’emplacement de la future église. D’ailleurs Mgr Briand soupçonna Demers d’être de connivence avec ces « rebelles » et lui défendit de leur donner les sacrements.

En 1789, Demers, qui selon Mgr Hubert* était un « excellent religieux, plein d’amour et de zèle pour la religion », fut nommé supérieur du couvent de son ordre à Montréal. La preuve n’est pas encore faite qu’il y poursuivit ses activités d’architecte ni qu’il eut quelque talent pour la peinture. À Montréal, Demers s’associa assez étroitement aux préoccupations et aux travaux du clergé séculier. De 1792 à sa mort, il fut attaché comme aumônier à l’état-major de la milice de la ville de Montréal, mais il paraît s’être adonné surtout au ministère auprès des malades. En effet, 50 ans après sa mort, on parlait encore de sa grande charité et de la vertu miraculeuse de ses onguents et emplâtres.

En 1791, l’ordre des récollets du Canada ne comptait plus que cinq membres. Avec les années son extinction devint inéluctable. Le décret de sécularisation de Mgr Hubert, le 14 septembre 1796, qui touchait tous les profès depuis 1784, réduisit à néant l’espoir de la communauté de se perpétuer. Demers, inquiet du sort réservé aux quelques récollets qui vivaient encore, reçut du gouvernement, en août 1798, l’assurance qu’ils ne seraient point dérangés. Cependant, il dut se résigner à liquider les biens mobiliers de la communauté. En 1811, il vendit le retable et le tabernacle de l’église des récollets à la paroisse Saint-Grégoire-le-Grand, près de Nicolet, qui les conserve toujours. En 1813, il fit don du reste des biens aux marguilliers de la paroisse Notre-Dame de Montréal, aux sulpiciens et aux religieuses de la Congrégation de Notre-Dame.

Le père Louis Demers passa les dernières années de sa vie avec son frère, qui était aussi récollet, et connu sous le nom de frère Alexis, dans la maison adjacente à l’église des récollets où l’une de leurs nièces prenait soin d’eux. À sa mort, survenue le 2 septembre 1813 à l’Hôpital Général, disparaissait le dernier prêtre récollet au Canada ; il fut inhumé deux jours plus tard dans l’église Notre-Dame, parmi les prêtres du séminaire. Presque immédiatement, le gouvernement britannique confisqua la propriété des récollets de Montréal.

Maurice Fleurent

AP, Notre-Dame de Montréal, Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 4 sept. 1813 ; Saint-Édouard (Gentilly), Cahier des délibérations de la fabrique, 1784–1930 : 7–10, 14 ; Saint-Nicolas, Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 1er janv. 1733.— Arch. de l’évêché de Nicolet (Nicolet, Québec), Carton Saint-Édouard de Gentilly, 1752–1939, no 2, 13, 21 juin. 1773 ; no 5, 21 août 1773 ; Carton Saint-Pierre-les-Becquets, 1766–1886, no 1, 11 juin. 1766 ; no 3, 10 janv. 1774.— Arch. des franciscains (Montréal), Notes de O.-M. Jouve.— Le séminaire de Québec (Provost), 459.— Allaire, Dictionnaire, 1 : 153.— Tanguay, Dictionnaire, 3 : 527.— Jean Belisle, « Le mythe récollet : l’ensemble de Montréal » (thèse de m.a., univ. de Montréal, 1974).— Marcel Deshaies, Ma paroisse : Bécancour (s.l., 1977).— Lucien Dubois, Histoire de la paroisse de Gentilly (s.l., 1935), 93.— Mariette Fréchette-Pineau, « L’église de Saint-Grégoire de Nicolet (1802) » (thèse de m.a., univ. de Montréal, 1970), 55s.— O.-M. Jouve, Les franciscains et le Canada : aux Trois-Rivières (Paris, 1934), 302–305.— Hormidas Magnan, La paroisse de Saint-Nicolas : la famille Pâquet et les familles alliées (Québec, 1918), 25s.— Morisset, Coup d’œil sur les arts, 52.— Luc Noppen, Les églises du Québec (1600–1850) (Québec, 1977), 232.— É.-T. Paquet, Fragments de l’histoire religieuse et civile de la paroisse Saint-Nicolas (Lévis, Québec, 1894).— Marcelle Rivard, Gentilly, 1676–1976 (s.l., 1976), 41.— J.-E. Roy, Hist. de Lauzon, 1 : VIII.— Trudel, L’Église canadienne, 1 : 98, 123–125, 219, 351, 353, 360 ; 2 : 184s., 192, 199, 213s., 426 ; Le Régime militaire dans le gouvernement des Trois-Rivières 1760–1764 (Trois-Rivières, Québec, 1952), 153.— Charles Trudelle, Le frère Louis (Lévis, 1898), 22.— S. Lesage, « Les récollets en Canada », Rev. canadienne, 4 (1867) : 303–318.

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Maurice Fleurent, « DEMERS, LOUIS (baptisé Jean) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/demers_louis_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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