MARTIN, GEORGE (connu sous le nom agnier de Shononhsé:se’, qui signifie « il est de la longue maison » ou « la maison est trop longue pour lui »), chef agnier et interprète, né le 23 décembre 1767 à Canajoharie (près de Little Falls, New York) ; décédé le 8 février 1853 à Salt Springs, près de Brantford, Haut-Canada.

On sait très peu de chose de la jeunesse de George Martin. Au début des années 1780, il épousa Catherine Rollston, qui aurait été d’ascendance hollandaise. Elle avait été enlevée par les Agniers à l’âge de 13 ans, amenée dans les établissements indiens situés sur les bords de la rivière Mohawk et adoptée par l’importante famille agnière de Teyonnhehkewea. On la nomma Wan-o-wen-re-teh (qui signifie « qui lance par-dessus la tête »). Les Martin eurent une fille, Helen, qui épousa plus tard John « Smoke » Johnson*, et peut-être un ou plusieurs fils.

D’après une notice nécrologique, Martin prit part à la guerre de la Révolution américaine, après quoi il s’établit avec sa femme à la rivière Grand (Ontario), chez les Indiens des Six-Nations. À cet endroit, ils bâtirent une maison au sommet d’un escarpement élevé qui dominait la rivière, et l’on appela leurs terres « Martin Settlement ». Martin étant interprète, c’est sur sa propriété que le gouvernement britannique distribuait chaque année des présents aux Indiens des Six-Nations, pour les récompenser de leur loyauté constante. Une anecdote racontée par Evelyn Helen Charlotte Johnson, arrière-petite-fille de Martin, laisse entendre que celui-ci avait un caractère violent et qu’il exerçait une certaine influence au sein de la communauté. Toutefois, contrairement à son contemporain Joseph Brant [Thayendanegea*], il ne fut pas l’un des principaux porte-parole des siens au cours de négociations engagées avec d’autres tribus indiennes ou avec le gouvernement, et il ne joua aucun rôle comme négociateur ou signataire lors des cessions de terres qui concernaient les Indiens des Six-Nations. En sa qualité d’interprète, il servit d’intermédiaire entre les Indiens des Six-Nations et les fonctionnaires du gouvernement à l’occasion de diverses contestations, mais ce travail suscita presque invariablement un certain ressentiment à son égard.

Martin servit d’« interprète confidentiel » auprès de William Claus*, surintendant général adjoint des Affaires indiennes, de 1799 à la mort de ce dernier en 1826. Pendant la guerre de 1812, et vraisemblablement avant, il travailla à titre d’interprète du département des Affaires indiennes et, comme le déclara plus tard Joseph Brant Clench, on « nota [son] zèle, [sa] bravoure et [sa] bonne conduite en général ». Bien qu’il lui soit arrivé une fois de transmettre un message du chef tsonnontouan Red Jacket [Shakóye:wa:thaˀ*], de l’état de New York, lequel message demandait à certains Indiens des Six-Nations du Haut-Canada de ne pas combattre aux côtés des Britanniques, il demeura résolument loyal. À l’incitation de Joseph Willcocks*, il aida à persuader les Indiens des Six-Nations d’envoyer des guerriers à Amherstburg, dans le Haut-Canada, prendre les armes avec le général Isaac Brock* à la fin de l’été de 1812. En sa qualité d’interprète, Martin se trouva sur les lieux d’au moins deux victoires des Britanniques : d’abord à Beaver Dams (Thorold) dans le Haut-Canada en juin 1813 [V. William Johnson Kerr*], et, ensuite, au fort Niagara (près de Youngstown, New York) en décembre. Au début de janvier 1814, en tant que l’un des chefs des Six-Nations, il signa avec John Brant [Tekarihogen*], Henry Tekarihogen* et d’autres une pétition adressée à Claus, dans laquelle ils suggéraient que les Indiens qui, d’après eux, avaient refusé de combattre avec les Britanniques, ou qui avaient dissuadé d’autres guerriers de prendre les armes, ne « reçoivent aucun présent que ce soit à la prochaine distribution ».

On ne sait pas au juste à quel moment Martin devint chef mais, lors d’un conseil tenu le 22 février 1815, il fut nommé chef de guerre et assuma alors de nouvelles responsabilités. Il se vit aussi confier la mission de veiller à ce que les non-Indiens ne s’aventurent pas sur les terres des Indiens des Six-Nations. Il se mit immédiatement à la tâche, écrivant le jour même à Claus qu’Augustus Jones* et Kanonraron (Aaron Hill) – deux « individus fourbes et vils » – tentaient, avec l’aide de Henry Tekarihogen, d’inciter les chefs des Six-Nations à céder leurs droits sur quelques sources salines de la réserve. Martin continua à tenir Claus au courant de ce qui se passait à la rivière Grand dans les années subséquentes. En septembre 1816, il écrivit que son peuple traversait « des heures très difficiles [...] Presque tout le maïs [étant] mort, certaines familles n’aur[aient] absolument rien à manger [durant l’]hiver. » Cependant, à son avis, il était peu probable que les « amis » du gouvernement britannique quittent la rivière Grand, à moins que celui-ci ne leur accorde « de meilleures terres ailleurs ». Faisant allusion à des rumeurs qu’il ne pouvait pas confirmer, il disait croire que seuls « ceux qui n’étaient pas amis du gouvernement » se proposaient d’aller s’établir ailleurs, sans doute à la rivière « Wabash » dans la région de l’Ohio, ou dans l’Ouest du Haut-Canada.

Martin était un ferme adhérent de l’Église d’Angleterre. En décembre 1823, il informa Claus des activités du « prêcheur méthodiste », probablement le révérend Alvin Torry, qui tentait de convertir des Indiens des Six-Nations. « Je crois, écrivait-il, qu’aucun d’eux ne s’est joint [aux méthodistes, sauf] votre ami Thomas Davis [Tehowagherengaraghkwen*] [...] et quelques familles qui habitent près de chez lui, d’après ce qu’on m’a dit, et [...] quelques Massesawgas. » Parmi ces derniers se trouvait Peter Jones. En 1830, Martin et d’autres Indiens de Mohawk Village (Brantford) demandèrent à l’évêque anglican de Québec, Charles James Stewart*, de consacrer la chapelle du village, à la restauration de laquelle ils avaient contribué en aidant à recueillir les fonds requis. Stewart visita l’établissement à la suite de cette demande et consacra la chapelle le 17 octobre 1830.

Il semble qu’au début des années 1840, Martin, alors âgé d’environ 80 ans, avait pris sa retraite. Étant donné que son ami William Claus était mort depuis longtemps et que l’on nommait des surintendants en résidence pour faire affaire directement avec les Indiens des Six-Nations, l’influence de Martin s’amoindrit et son gendre John « Smoke » Johnson lui succéda comme interprète. À ce qu’on prétend, Martin et d’autres Indiens des Six-Nations avaient appuyé le gouvernement pendant la rébellion de 1837–1838 dans le Haut-Canada. Toutefois, il ne prit aucune part aux négociations qui préparèrent la cession, en 1841, des terres appartenant aux Six-Nations et situées aux abords de la rivière Grand. Ces terres devaient être régies parla couronne, au nom des Six-Nations [V. Tekarihogen]. Il ne participa pas, non plus, à d’autres affaires importantes intéressant les Indiens au cours des années 1840.

George Martin, qui fut élevé comme un guerrier dans la vallée de la rivière Mohawk et qui combattit en tant qu’allié des Britanniques, était un homme façonné par le xviiie siècle plutôt que par le xixe siècle. À sa mort survenue en 1853, le Globe le dépeignit comme « le dernier des vieux guerriers de la rivière Grand qui aient pris part aux deux grands conflits entre l’Angleterre et les États-Unis ». Il laissa à ses successeurs, John « Smoke » Johnson et le fils de celui-ci, George Henry Martin Johnson*, une tradition de loyauté à la couronne en temps de guerre et de collaboration comme interprète en temps de paix, malgré parfois une très forte opposition.

David T. McNab

APC, MG 19, F1, 10 : 25, 153–159 ; RG 1, L3, 377 : M6/23.— Canada, Indian treaties and surrenders [...] [1680–1906] (3 vol., Ottawa, 1891–1912 ; réimpr., Toronto, 1971), 1.— The valley of the Six Nations [...], introd. de C. M. Johnston, édit. (Toronto, 1964), 193, 196, 203, 219, 248, 259, 284.— Globe, 15 févr. 1853.— Hamilton Gazette, and General Advertiser (Hamilton, Ontario), 28 févr. 1853.— Weekly North American (Toronto), 10 mars 1853.— Betty Keller, Pauline : a biography of Pauline Johnson (Vancouver et Toronto, 1981), 4, 8, 15.— Millman, Life of Charles James Stewart, 86.— E. H. C. Johnson, « Chief John Smoke Johnson », OH, 12 (1914) : 102–113 ; « The Martin settlement », Brant Hist. Soc., [Papers] (Brantford, Ontario), 1908–1911 : 55–64.

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David T. McNab, « MARTIN, GEORGE (Shononhsé:se’) (1767-1853) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/martin_george_1767_1853_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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