LŸDIUS (Lidius, Lydieus), JOHN HENDRICKS (baptisé Johannes Hendricus, aussi appelé John Henry et Jean-Henri), trafiquant et interprète, baptisé le 9 juillet 1704 à Albany, New York, fils de Johannes et d’Isabella Lÿdius ; il épousa à Montréal, le 13 février 1727, Geneviève Massé, et ils eurent neuf enfants ; décédé en mars 1791 à Kensington (maintenant partie de Londres).
Le père de John Hendricks Lÿdius servit, à titre de pasteur, ses coreligionnaires calvinistes d’Anvers (Belgique). Le 20 juillet 1700, il arrivait à Albany, où il allait être, pendant les dix années suivantes, ministre de l’Église hollandaise réformée d’Albany. Il fit aussi du ministère auprès des Iroquois. Le jeune Lÿdius semble avoir vécu une vie nomade dans le nord de la province de New York avant de faire son apparition à Montréal en 1725. Les dirigeants français crurent qu’il s’était enfui au Canada pour échapper à ses créanciers. Il se convertit au catholicisme et, en 1727, épousa une Canadienne, dont certains prétendent qu’elle avait du sang indien. Il gagna sa vie en trafiquant avec les Iroquois, entre autres.
En 1727, l’intendant Claude-Thomas Dupuy* commença de s’alarmer devant le nombre des artisans et des marchands de langue anglaise vivant à Montréal, et, deux ans plus tard, le ministre de la Marine donna l’ordre de publier en Nouvelle-France l’édit royal d’octobre 1727 qui interdisait aux étrangers de prendre part au commerce des colonies. Le gouverneur Beauharnois* et le commissaire ordonnateur Hocquart demandèrent au ministre de faire exception pour Lÿdius, d’autant qu’il était bien vu des Iroquois, dont il parlait la langue, et qu’il pouvait soulever des difficultés si on le contraignait à retourner dans les colonies britanniques. Ils suggérèrent en outre de le nommer interprète, au salaire de 300# par année. En mars 1730, le ministre accorda simplement la dispense désirée, « tant quil se conduira bien et fidelement ». Mais Lÿdius se vit bientôt privé de son immunité et fut poursuivi pour avoir contrevenu à l’édit. Toutefois, le véritable problème en cause, dans ce procès, était davantage le commerce illégal avec les colonies britanniques que le droit d’exercer, tout en étant étranger, une activité commerciale. Il semble peu vraisemblable que les activités de Lÿdius venaient tout juste d’être découvertes. Puisqu’il trafiquait avec les Indiens, on aurait dû savoir qu’il était mêlé à la traite illicite fort active entre Albany et Montréal. Au cours de l’audience, Lÿdius nomma d’autres Montréalais, même Pierre de Lauzon*, le missionnaire jésuite de Sault-Saint-Louis (Caughnawaga), qui auraient participé à la contrebande. Apparemment, les missionnaires de Sault-Saint-Louis et du Lac-des-Deux-Montagnes s’étaient plaints aux autorités de ce que Lÿdius avait soudoyé leurs Indiens, attisé leur esprit belliqueux et ridiculisé les croyances catholiques. Il avait refusé le baptême pour son fils et présidé à l’inhumation d’un Anglais protestant. La cour jugea qu’il était relaps et contrebandier ; il fut emprisonné en août 1730.
Les Indiens des missions désiraient le relâchement de Lÿdius, mais, le 28 septembre, le Conseil supérieur le condamna à 3 000# d’amende et au bannissement. Il fut mis à bord du Héros en partance pour Rochefort et, si sa femme reçut l’autorisation de l’accompagner, leur fils nouveau-né fut gardé dans la colonie comme pupille de la couronne. Selon Beauharnois et Hocquart, ce bannissement ferait une vive impression « sur ceux qui sont dans l’habitude de faire le commerce étranger ou de le favoriser ». Même s’il n’avait pas payé son amende, Lÿdius ne resta pas longtemps en prison à Rochefort. En persuadant le Conseil de Marine qu’il était Hollandais et qu’il avait laissé à Montréal des biens évalués à 12 000#, il obtint la permission de partir pour les Pays-Bas, à condition de ne jamais retourner en Nouvelle-France. En 1731, Beauharnois et Hocquart eurent le désagréable devoir d’informer les autorités françaises qu’elles avaient été trompées : Lÿdius n’avait laissé aucun bien à Montréal.
Lÿdius fit route vers la province de New York, et, en 1732, les Iroquois lui donnèrent une terre sur la rivière à la Loutre (ruisseau Otter, Vermont) en reconnaissance des travaux apostoliques de son père. Toutefois, c’est sur la rivière Hudson, au grand portage entre la vallée de l’Hudson et le lac Champlain que Lÿdius construisit un établissement, appelé fort Lÿdius (Fort Edward, New York). Ce fort était situé sur la route de traite entre New York et La Nouvelle-France, ce qui en gêna plusieurs. En 1735, à la suite d’une réunion, des commerçants de langue hollandaise vivant à Albany firent savoir aux Indiens des missions françaises qu’ils ne toléreraient pas ce poste. Ce furent les Français, toutefois, qui passèrent à l’action. Après la déclaration de la guerre entre la Grande-Bretagne et la France en 1744, un petit établissement voisin du fort fut surveillé et, en novembre 1745, une expédition conduite par Paul Marin* de La Malgue l’incendia. Lÿdius s’échappa et fit plusieurs voyages à Boston, cet hiver-là, pour plaider en faveur de la destruction du fort Saint-Frédéric (près de Crown Point, New York), la forteresse française la plus rapprochée de son poste. Ayant échoué dans ses démarches, il essaya d’organiser lui-même une incursion contre le Canada. À titre de trafiquant et d’agent de la couronne, il fournit gratuitement des provisions à des Indiens amis en les encourageant à lancer des partis de guerre contre les Français.
Lÿdius fut ensuite attaqué par les commissaires des Affaires indiennes de la province de New York, qui le blâmèrent pour le peu de zèle des Iroquois envers la cause britannique. En 1747, au Conseil de la province de New York, il fut accusé d’avoir « abjuré sa foi protestante au Canada, d’y [avoir] épousé une catholique et de détourner l’amitié des Indiens pour les Anglais ». Même si on a pu le considérer comme un opportuniste peu fiable, Lÿdius était grandement estimé de certains pour sa connaissance des Iroquois. Il fut un conseiller de William Johnson, colonel des Six-Nations, qui semble l’avoir recommandé au poste de secrétaire des Affaires indiennes de la province de New York, en 1749. Mais, s’il pouvait s’accommoder de Lÿdius en tant que subordonné, il ne pouvait l’endurer en tant que rival. En 1755, Johnson se plaignit du fait que le gouverneur William Shirley utilisait Lÿdius comme son agent militaire auprès des Six-Nations. Ce trafiquant, écrivait-il, est « un homme extrêmement odieux au public en général et à moi en particulier [...] cet homme justement dont les Indiens se sont plaints vivement dans leur conseil public. C’est à cet homme qu’il a donné une commission de colonel [avec autorité] sur les Indiens et il l’a installé là-bas pour s’y opposer à mes intérêts et à mon administration. »
Le « conseil public » avait eu lieu à Mount Johnson (près d’Amsterdam, New York), et quand Lÿdius s’y introduisit, à la recherche de recrues en vue d’une expédition contre le fort Niagara (près de Youngstown, New York), un Onneiout le dénonça comme « un démon [... qui] a volé nos terres ». Ces terres étaient situées sur la Susquehanna, dans la vallée de Wyoming, en Pennsylvanie. Elles avaient été achetées par Lÿdius, en 1754, pour le compte de la Connecticut Susquehannah Company. Il avait déjà acquis des Indiens un territoire assez considérable, pour son propre usage, mais, dans ce cas, il avait traité séparément avec six sachems iroquois, plutôt qu’à l’occasion d’une conférence, comme le voulait l’usage [V. Karaghtadie*]. Lÿdius se rendit en Angleterre, via Québec, en 1764, afin d’y présenter sa version de l’affaire de la Susquehanna. Ses transactions foncières, son ancienne association avec les Français et le départ de Shirley firent de Lÿdius un personnage isolé dont on se méfiait.
En 1776, il retourna en Angleterre pour y solliciter une compensation, de la part du gouvernement, pour des dépenses engagées et des services rendus auparavant, et pour visiter les Pays-Bas. En Hollande, il attrapa un refroidissement qui le rendit impotent ; il fut alité pendant trois ans avant de s’établir, en 1788, à Kensington, Angleterre, où il donna un récit enjolivé de sa carrière, exagérant l’importance de ses propriétés foncières, de ses succès linguistiques, de ses ancêtres. Il prétendait être baron de Quade, portait une cocarde, une coiffure militaire et un complet noir parfois orné de la médaille de l’ordre prussien de l’Aigle rouge. On l’a décrit comme « un homme de grande taille, bien fait [...] un whig à toute épreuve », de religion calviniste. Il garda un vif intérêt pour les affaires courantes jusqu’à sa mort à l’âge de 91 ou 92 ans. Il laissait deux héritiers : une fille et une petite-fille.
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Peter N. Moogk, « LŸDIUS (Lidius, Lydieus), JOHN HENDRICKS (baptisé Johannes Hendricus) (John Henry, Jean-Henri) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lydius_john_hendricks_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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Date de consultation: | 1 décembre 2024 |