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LUARD, RICHARD GEORGE AMHERST, officier, né le 29 juillet 1827 en Angleterre, fils de John Luard et d’Elizabeth Scott ; le 8 octobre 1863, il épousa à Hale, Surrey, Hannah Chamberlin, et ils eurent six fils et une fille ; décédé le 24 juillet 1891 à Eastbourne, Sussex, Angleterre.
Aîné des enfants d’un officier, Richard George Amherst Luard fit ses études au Royal Military College de Sandhurst et devint enseigne dans le 51st Foot le 6 juillet 1845. La même année, il passa au 3rd Foot, où il accéda au grade de capitaine et fut durant trois ans adjudant. En 1854, une nouvelle mutation l’amena au 77th Foot, avec lequel il servit en Crimée jusqu’en 1855, année où il devint sous-adjoint à l’adjudant général. Cité dans des dépêches pour sa participation au siège de Sébastopol (URSS), il reçut le grade honoraire de major en novembre 1855. De retour au Royaume-Uni, il fut en 1856–1857 major de brigade du district de Dublin. En 1857–1858, il refit du service actif à titre de major de brigade au cours d’une expédition en Chine et fut de nouveau cité dans des dépêches. Promu au grade effectif de major en 1857, il reçut l’année suivante le grade honoraire de lieutenant-colonel.
De retour en Angleterre, Luard fut aide de camp de l’officier général commandant du district du Sud-Ouest en 1859–1860, puis inspecteur adjoint des volontaires jusqu’en 1865 ; il obtint une promotion au grade honoraire de colonel en 1864. Après une période de demi-solde et une promotion au grade de major général, il fut, de mai 1873 à septembre 1875, secrétaire militaire adjoint, à Halifax, du lieutenant général William O’Grady Haly*, officier général commandant de l’Amérique du Nord britannique. Ensuite, jusqu’en 1877, il servit dans le district Nord, en Grande-Bretagne, en qualité d’adjudant adjoint et de quartier-maître général.
Le 5 août 1880, Luard fut nommé officier général commandant de la milice canadienne. Comme son prédécesseur, le lieutenant général sir Edward Selby Smyth, il avait été choisi par le duc de Cambridge, commandant en chef de l’armée britannique, et non par le gouvernement du Canada. Authentiquement qualifié, il avait déjà l’expérience d’une troupe de volontaires à temps partiel et avait servi au Canada. Malheureusement, il manquait de tact et avait un caractère redoutable. On a même laissé entendre qu’il était censé devenir colonel d’un régiment britannique, mais que le duc de Cambridge voulait donner cette place à un candidat plus sympathique.
Luard ne mit pas de temps à évaluer la tâche qui l’attendait. Dès janvier 1881, dans son premier rapport au nouveau ministre de la Milice et de la Défense, Adolphe-Philippe Caron*, il préconisait la création d’écoles permanentes d’infanterie (depuis 1871, deux unités de ce genre entraînaient l’artillerie de la milice) et l’intensification de l’entraînement de toutes les troupes. Afin de financer son plan sans excéder les crédits adoptés par le Parlement, il proposait de réduire presque de moitié le nombre de miliciens pour le faire passer à 20 000. Parallèlement, il voulait améliorer la milice. Bien qu’il ait reçu des louanges pour les unités de certaines villes – par exemple les Queen’s Own Rifles de Toronto, dont le commandant était William Dillon Otter* – il soulignait la nécessité de resserrer la discipline dans l’ensemble et était prêt à châtier, pour l’exemple, les hommes dont la conduite était indigne d’un soldat. Il déplorait que certaines des unités les plus riches portent des « habits extraordinaires », et plaidait en faveur d’un uniforme adapté à la fonction. Après avoir constaté que les officiers d’état-major des districts manquaient de vigueur et subissaient des influences politiques, il instaura un régime de rotation et la retraite obligatoire à 63 ans.
Ni les officiers de la milice, ni les officiers d’état-major des troupes permanentes ne prisèrent les décisions de Luard ; elles menaçaient également le rôle d’instrument local de favoritisme politique que jouait la milice, engendrant ainsi un conflit entre Luard et Caron. Celui-ci, de son côté, se mêlait de questions qui, selon Luard, étaient strictement militaires. Dès le début de 1882, la tension était telle que le gouverneur général, lord Lorne [Campbell*], écrivit au duc de Cambridge pour lui demander de muter Luard, qui ne pouvait guère se permettre de démissionner. Exaspéré, le premier ministre, sir John Alexander Macdonald, souhaitait, quant à lui, que Luard conserve le commandement. « Il est à espérer, écrivit-il à Lorne, que grâce aux bons conseils de Votre Excellence, le général touchera sa rémunération et la méritera en faisant le moins possible. De mon côté, je veillerai à réprimer le zèle intempestif de Caron. » Lorne et Cambridge savaient bien que, si Luard était démis de ses fonctions, les Canadiens proposeraient peut-être leur propre candidat, qui ne serait pas nécessairement un officier de l’armée britannique régulière.
Entre-temps, par ses éclats, Luard s’aliénait les miliciens, de même que la population canadienne. La première fois qu’il passa en revue la milice de London, en Ontario, pendant l’été de 1881, il réprimanda publiquement le lieutenant-colonel Robert Campbell, du 27th (Lambton) Battalion of Infantry, qui portait un uniforme non réglementaire confectionné par un tailleur de Sarnia. Le gouverneur général dut intervenir pour faire oublier l’incident. En 1882, tandis qu’il assistait aux concours de la Dominion Rifle Association au parc de Rockcliffe (Ottawa), Luard mit lui-même aux arrêts, soi-disant pour tricherie, le major Erskine Scott, commandant intérimaire du 8th Battalion of Rifles, éminent citoyen de Québec, bon conservateur et ami du ministre. Caron décréta par la suite que Scott n’était pas soumis au code militaire à ce moment-là, mais Luard écrivit une lettre aux journaux à propos de l’incident et tenta ensuite, en usant de tous ses pouvoirs, d’empêcher que Scott soit promu commandant du bataillon.
L’irréparable survint au cours d’une inspection au camp de milice de Cobourg, en Ontario, en septembre 1883. Luard était extrêmement sévère à l’endroit de « soldats amateurs. « Pendant les manœuvres de campagne, rapporta le Globe de Toronto, si la plus légère irrégularité se produisait, le général semblait sortir de ses gonds. » Après l’inspection, au cours d’un goûter offert aux officiers, le lieutenant-colonel Arthur Trefusis Heneage Williams*, commandant du 46th (East Durham) Battalion of Infantry et député conservateur, prit la mouche parce qu’il avait cru entendre un invité, le colonel Casimir Stanislaus Gzowsky, parrain de la Dominion Rifle Association, insulter les parlementaires. Luard se mit à engueuler Williams, qui usa par la suite de son influence pour le faire démettre de ses fonctions. Le nouveau gouverneur général, lord Lansdowne [Petty-Fitzmaurice*], persuada Luard de prendre un congé puis de démissionner, Cambridge de lui offrir un nouveau poste et Williams de retirer la plainte qu’il avait déposée aux Communes.
Les affrontements de ce genre et la controverse qui entoura la destitution de Luard ont eu tendance à faire oublier les mesures progressistes adoptées durant son mandat. Comme il l’avait proposé, on ouvrit des écoles permanentes pour la milice (en fait, une petite armée régulière), mais le mérite de les avoir créées ne peut pas lui revenir. Depuis que l’armée britannique avait quitté les provinces centrales du Canada, en 1871, on avait périodiquement fait des propositions dans ce sens. En 1883, Macdonald et Caron jugèrent opportun de mettre en œuvre celle du colonel Walker Powell*, adjudant général et homme populaire, puis, en avril, Caron fit adopter par la chambre des Communes un projet de loi sur la milice qui autorisait le gouvernement à former une troupe de cavalerie, trois compagnies d’infanterie et trois batteries d’artillerie, toutes pour le service régulier. Luard ne fut pour ainsi dire pas consulté sur la création de ces écoles et sur le choix des candidats.
Le 5 mars 1884, Luard quitta Ottawa pour aller prendre le commandement d’une brigade à Aldershot, en Angleterre ; le 1er décembre, il fut promu lieutenant général. En outre, depuis 1881, il était colonel honoraire du 2nd Gloucester Engineer Volunteers. Dans les dernières années de sa vie, il devint compagnon de l’ordre du Bain et juge de paix dans le Sussex. En 1885, deux de ses fils, qui avaient étudié au Royal Military College of Canada, devinrent officiers de l’armée britannique.
Bien que Richard George Amherst Luard ait su discerner les faiblesses de la milice canadienne et ait proposé des moyens réalistes pour les corriger, son influence au Canada fut presque entièrement négative. Il irrita les soldats amateurs, dont la bonne volonté était essentielle à l’existence de la milice, et il ne comprit pas la dimension politique de celle-ci. Fait plus grave encore du point de vue des Britanniques, il avait miné le respect, édifié aux prix de grandes difficultés par son prédécesseur, que se devait d’inspirer tout officier britannique en qualité d’officier général commandant. C’est pourquoi le gouvernement du Canada envisagea sérieusement de nommer, après lui, un officier à la retraite qui habitait au pays, le major général John Wimburn Laurie, même si finalement ce fut le colonel Frederick Dobson Middleton qu’il choisit.
AN, MG 26, A : 32065–32068 ; MG 27, I, B4, 1 : 769–771, 773–774, 779–781, 792–793, 1427–1430, 1499–1502, 1509–1510, 1551–1552, 1563–1566, 1637–1642, 1787–1792 ; D3, files 3082, 6246 ; MG 29, E72 (mfm).— Canada, Défense nationale, Directorate of History (Ottawa), Desmond Morton, « The Canadian militia, 1867–1900 ; a political institution » (2 vol., copie dactylographiée, 1964) ; chambre des Cummunes, Débats, 1881–1884 ; Dép. de la Milice, Militia orders (Ottawa), 5 août, 8, 15 oct. 1880 ; Report on the state of the militia (Ottawa), 1883 ; Parl., Doc. de la session, 1880–1881, no 9 ; 1882, no 9.— Gentleman’s Magazine (Londres), juill.–déc. 1863 : 638.— Globe, 24, 26 sept. 1883.— Burke’s landed gentry (1871 ; 1921 ; 1952).— DNB.— Dominion annual reg., 1882 : 59–60, 200–201 ; 1884 : 321 ; 1885 : 230, 232.— Hart’s army list, 1883.— O. A. Cooke, « Organization and training in the, central Canadian militia, 1866–1885 » (thèse de m.a., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1974).— Desmond Morton, Ministers and generals : politics and the Canadian militia, 1868–1904 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1970).— R. A. Preston, Canada and « Imperial Defense » ; a study of the origins of the British Commonwealth’s defense organization, 1867–1919 (Durham, N.C., 1967) ; Canada’s RMC ; a history of the Royal Military College (Toronto, 1969).
O. A. Cooke, « LUARD, RICHARD GEORGE AMHERST », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/luard_richard_george_amherst_12F.html.
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Auteur de l'article: | O. A. Cooke |
Titre de l'article: | LUARD, RICHARD GEORGE AMHERST |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |