LEVASSEUR (LeVasseur), FRANÇOIS-NOËL (généralement désigné sous le nom de Vasseur), maître sculpteur et statuaire, fils de Noël Levasseur* et de Marie-Madeleine Turpin, baptisé à l’église Notre-Dame de Québec le 26 décembre 1703 ; il épousa à Québec, le 18 aoùt 1748, Marie-Geneviève Côté, veuve de Gilles Gabriel, et le couple n’eut pas d’enfant ; décédé à l’Hôpital Général de Québec le 29 octobre 1794.
Issu d’une célèbre famille d’artisans du bois, François-Noël Levasseur, aidé de son jeune frère Jean-Baptiste-Antoine Levasseur, dit Delor, et intimement associé à lui, au point que les deux œuvres se confondent, assura la survivance de la tradition dans le domaine de la sculpture sur bois en Nouvelle-France tout au long du xviiie siècle. Bien avant lui, son arrière-grand-père, Jean Levasseur*, dit Lavigne, et Pierre Levasseur*, dit L’Espérance, frère de ce dernier, avaient monopolisé presque entièrement la menuiserie fine et la sculpture depuis le milieu du xviie siècle, époque de leur arrivée en Nouvelle-France.
François-Noël Levasseur exécuta ses premières commandes en 1740, à la mort de son père et maître, fournisseur attitré des paroisses et des communautés religieuses du début du xviiie siècle. Au moment de sa prise en charge de l’atelier, rue Saint-Louis, la concurrence était forte. Son oncle, Pierre-Noël Levasseur*, était au faîte de la gloire et réalisait des pièces de mobilier religieux d’importance et des statues d’une grande finesse dans lesquelles le mouvement baroque continuait de se faire sentir. Toutefois, les paroisses nouvellement créées, comme celles datant de la fin du xviie siècle, ne semblaient pas toutes en mesure de faire l’acquisition de ses œuvres. Il est possible que Pierre-Noël Levasseur ait été incapable de suffire à la tâche ou encore qu’il ait exigé un prix trop élevé pour ses réalisations. Le besoin de pièces sculptées plus simples, presque de série, et plus accessibles aux paroisses rurales se faisait donc sentir. C’est à cette tâche que se consacra François-Noël Levasseur.
Presque toutes les paroisses fondées avant 1775 dans le gouvernement de Québec commandèrent des pièces de mobilier ou des statues à l’atelier des Levasseur. La production de ces pièces sculptées s’étendait facilement aussi à l’intérieur du gouvernement de Trois-Rivières, tandis que celui de Montréal restait plus imperméable à l’influence des Levasseur, sauf dans le cas de la paroisse Saint-Sulpice. Le nombre des fabriques y était plus restreint et d’autres artisans, comme Paul-Raymond Jourdain*, dit Labrosse, offraient également leurs services. Les paroisses nées au cours du xviiie siècle devant parer au plus urgent, elles commandaient, pour les besoins immédiats, un tabernacle, des crucifix et des chandeliers. Puis, lorsque les locaux permanents du culte étaient construits, la décoration intérieure de l’église pouvait être complétée, en ajoutant, suivant les besoins ou les disponibilités financières, diverses pièces de mobilier qui permettaient aux paroissiens de n’avoir plus rien à envier à ceux des paroisses avoisinantes. Les livres de comptes des fabriques énumèrent alors de nombreux paiements pour l’achat de croix processionnelles, de statues, de piédouches, de reliquaires, de chaires et de tables de communion, de bancs d’œuvres, de cadres d’autel et de pots. Il semble que c’est presque un an avant la date de livraison prévue que le marché devait être conclu, et les sculpteurs ne fabriquaient rien qui n’avait été commandé expressément ou dont le dessin n’avait été approuvé préalablement. Les paiements s’effectuaient sur de très longues périodes après la livraison et pouvaient parfois être réglés en nature, suivant les besoins des sculpteurs : blé, tabac, produits du jardin.
Après la mort de leur père, François-Noël et Jean-Baptiste-Antoine continuèrent, dans un premier temps, à exécuter des pièces très proches parentes de la production paternelle. Sur un meuble de facture très simple, mais dont les proportions étaient très étudiées, ils appliquaient une ornementation pièce à pièce de type classique, principalement des feuilles d’acanthe formant rinceaux ou fleurons. Puis, avec l’acquisition d’une certaine dextérité, naquirent du ciseau des motifs de roses ou d’autres fleurs, où le relief se faisait sentir. La production connut une modification très importante par la découverte tardive du rococo. Fait cocasse, l’utilisation du motif rocaille, si caractéristique de la période terminale du rococo, se fit dans un esprit tout à fait contraire à celui dans lequel il avait été créé en France sous Louis XV. Fort de son habileté technique et imprégné d’une tradition devenue presque de la routine, François-Noël Levasseur n’avait pas compris que l’asymétrie était une des caractéristiques majeures de ce nouvel ail de la décoration et il produisit des motifs de style rocaille appliqués à ses meubles suivant des critères classiques, comme si la fidélité aux modèles légués par les devanciers primait sur toute nécessité de changement. Ce tournant de l’histoire de l’atelier se situe autour de 1749 et est d’abord illustré par le tabernacle de l’église Sainte-Famille de l’île d’Orléans.
On serait peut-être tenté de croire que la Conquête entraîna une diminution de la production à l’atelier de sculpture : il n’en est rien. De nombreuses pièces de mobilier avaient été déplacées et cachées durant la guerre, quelques-unes étaient avariées et, la paix revenue, tout devait être remis en état. L’atelier Levasseur connut une activité plus grande que jamais et la production continua jusqu’en 1782, même après la mort de Jean-Baptiste-Antoine survenue en 1775. Aucun changement notable n’intervint alors dans la manière de procéder, et les grandes pièces de mobilier, comme les tabernacles, furent toujours ornées du même motif rocaille, alors que cette vogue était complètement passée en France.
Après le décès de Pierre-Noël Levasseur, survenu en 1770, il semble que François-Noël se soit consacré davantage à la production d’ouvrages en ronde-bosse. Les premières statues sorties de l’atelier avaient d’abord été destinées à figurer sur les tabernacles, dans des niches prévues à cet effet. Se distinguant par un hiératisme contrastant avec le mouvement représenté dans les œuvres de Pierre-Noël Levasseur, elles gardaient sous le traitement polychrome une facture plus grossière, presque paysanne. Mais, après la Conquête, sortent de l’atelier de la rue Saint-Louis des statues de toutes dimensions, notamment parce que les fabriques devaient remplacer celles des portails de leur église disparues au cours de la guerre ou fortement abîmées par le temps.
Malgré l’importance de l’atelier des Levasseur, il ne reste pas de traces de l’engagement des ouvriers ou des apprentis nécessaires à son bon fonctionnement. On sait cependant que les sculpteurs faisaient appel à des ouvriers d’expérience travaillant ailleurs dans la ville, dont un tourneur, pour compléter les travaux de commande. Les pièces créées à l’atelier furent dorées d’abord par les ursulines, puis, à la fin du Régime français et après la Conquête, par les augustines de l’Hôpital Général.
Vivant depuis le 28 septembre 1782 dans les appartements habituellement occupés par le chapelain de l’Hôpital Général, François-Noël Levasseur passa les 12 dernières années de sa vie auprès de sa nièce, sœur Marie-Joseph de Saint-François-d’Assise, qui, sans doute aidée du vieil artisan, réalisa quelques travaux de sculpture pour sa communauté à cette époque. Le dernier sculpteur important de la dynastie des Levasseur s’éteignit à l’âge de 90 ans. D’autres artisans du bois étaient toutefois prêts à prendre la relève, notamment les Baillairgé [V. Jean Baillairgé*].
Les historiens de l’art ont été plutôt complaisants à l’endroit de l’œuvre de François-Noël Levasseur. Bien sûr, les réalisations de son atelier ont été abondantes et elles ont été conservées en grand nombre, ce qui prédispose à un jugement favorable. Mais si on replace l’œuvre dans son contexte, on s’aperçoit que les pièces produites rue Saint-Louis marquent une sclérose des traditions de la sculpture sur bois. La simplification excessive des lignes et la tendance à la répétition des motifs décoratifs semblent indiquer une absence de recherche. Les artisans sont isolés des centres de création, Paris par exemple, et les grands modèles ne leur sont pas facilement accessibles. Cette situation entraîne une dégradation de leur créativité même s’ils conservent une dextérité à toute épreuve.
AHGQ. Hôpital, Registre des décès, 30 oct. 1794.— ANQ-Q, État civil. Catholiques, Notre-Dame de Québec, 26 déc. 1703, 9 janv. 1775 ; Greffe de C.-H. Du Laurent, 18 août 1748.— ASQ, Polygraphie, XXVI : 17.— IBC, Centre de documentation, Fonds Morisset, Dossier F.-N. Levasseur.— Recensement de Québec, 1744, 10.— Labrèque, Inv. de pièces détachées, ANQ Rapport, 1971, 188.— Tanguay, Dictionnaire, V :391.— Raymonde [Landry] Gauthier, Les tabernacles anciens du Québec des
Raymonde Gauthier, « LEVASSEUR (LeVasseur, Vasseur), FRANÇOIS-NOËL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/levasseur_francois_noel_4F.html.
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Auteur de l'article: | Raymonde Gauthier |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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