ÉMOND, PIERRE, maître menuisier et sculpteur, né le 24 avril 1738 à Québec, « de père et mère non mariés ensemble » ; le 6 septembre 1762, il y épousa Françoise Navarre ; décédé le 3 octobre 1808 au même endroit.

Pierre, dont la naissance est entourée de mystère, est pris en charge, probablement dès son plus jeune âge, par Pierre Émond, originaire de Rivière-Ouelle (Québec), qui lui donne son nom. Sa formation de menuisier s’effectue soit à l’atelier de François-Noël Levasseur* et de Jean-Baptiste-Antoine Levasseur*, dit Delor, déjà bien installés à Québec, soit à celui de Jean Baillairgé. La seconde hypothèse est la plus plausible, car les aspects stylistiques de l’œuvre d’Émond ont beaucoup de traits communs avec celle du fils de Baillairgé, Pierre-Florent.

L’essentiel de la carrière de Pierre Émond se déroule auprès des communautés religieuses de la ville de Québec. Il travaille notamment pour le séminaire de Québec, l’Hôtel-Dieu et l’Hôpital Général qui, après la guerre de la Conquête, doivent entreprendre des travaux de réfection de leurs bâtiments endommagés.

Émond commence sa carrière de menuisier assez tôt, soit à 21 ans, et les commandes ne lui manquent pas. Le séminaire de Québec utilisera beaucoup le talent du menuisier qui, d’ailleurs, réside à l’ombre de ses murs. En effet, dès 1761, Émond loue une « partie de maison de pierre a un étage seize et située pres les remparts et pres l’enclos de Mrs les pretres du Séminaire de cette dite ville de Québec ». En 1768, au moment où Jean Baillairgé fournit les plans de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Québec, Émond prend en charge la réfection de l’Hôpital Général où il conduit des travaux importants en 1769 et en 1770, notamment dans la chapelle, dont le plan, qui témoigne de l’occupation du bâtiment par les récollets, est entièrement modifié. Émond se fait alors remarquer par la qualité de sa technique et par sa patience à attendre le paiement de ses services. Il restera « l’ouvrier ordinaire » des religieuses de l’Hôpital Général jusqu’à sa mort.

La propriété du séminaire au Petit Cap (cap Tourmente) est mise en valeur après 1778 ; Émond surveille la construction de la maison, dite château Bellevue, dessine les plans et exécute le portail et le clocher de la chapelle, en compagnie du maçon Michel-Augustin Jourdain. Après 1799, il dirige les travaux de construction de la chapelle de l’Hôtel-Dieu et la dote d’un portique [V. Marie-Geneviève Parent, dite de Saint-François d’Assise]. À la même époque, Émond exécute divers travaux de moindre importance pour les ursulines, dont les réfections au clocher de leur chapelle, qui semblent sa spécialité. Il fournit également des plans d’églises. Entre autres, son nom est mentionné dans le marché de construction de l’église à Saint-Ambroise (Loretteville, Québec).

Mais si Émond excelle dans la menuiserie, la sculpture ornementale et la statuaire occupent, à partir de 1785, une grande partie de son temps. Mgr Briand* lui commande alors l’ornementation de sa chapelle particulière dans l’enceinte du séminaire ; cette ornementation, œuvre très raffinée, n’est en fait composée que d’un mur-retable dont la partie centrale à faible ressaut reçoit les branches d’un olivier encadrant une toile qui représente le mariage de la Sainte Vierge. En 1789, les marguilliers de Notre-Dame lui confient la sculpture du retable de la chapelle Sainte-Anne et, en 1803, celle de la chapelle de la Sainte-Famille, peut-être pour l’associer aux travaux des Baillairgé, responsables de la magistrale ornementation du chœur. Émond poursuit ses travaux d’ornemaniste jusqu’à son décès, exécutant, pour les paroisses des environs de Québec, des tabernacles, des croix, des chandeliers et d’autres objets mobiliers destinés à rehausser l’éclat des cérémonies liturgiques ou à loger, dans la sacristie, les nombreux vêtements sacerdotaux exigés par le rituel.

Parallèlement, et en accord avec son activité professionnelle, Émond agit à quelques reprises comme fondé de pouvoir et il arbitre des conflits relatifs à des constructions. En 1775, lors de l’invasion américaine, il est caporal dans la milice de la ville et banlieue de Québec. En 1790, il devient membre de la Société du feu. De plus, il signe à l’occasion, avec les notables de la place, des pétitions – notamment en ce qui concerne l’éducation adressées au gouverneur ; le 27 décembre 1797, il est élu marguillier de Notre-Dame.

Du point de vue du style, Émond appartient au Régime français, sculptant pour des clients que ne préoccupe pas le changement. Si ses œuvres témoignent d’une grande qualité d’exécution – la chapelle de Mgr Briand est éloquente à cet égard –, Émond ne manifeste pas un désir de renouveau plus important que ne l’exige sa situation d’artisan attitré des communautés religieuses. De plus, la présence à Québec de François Baillairgé*, formé en France et fort au fait des nouvelles tendances, vient couper court aux démonstrations éventuelles de concurrence.

Pierre Émond continue de travailler jusqu’à son décès en 1808. Il ne laisse pas d’enfants et ne semble pas avoir formé d’apprentis. L’inventaire de ses biens fait état de la présence de quelques livres parmi ses effets personnels, dont un traité d’architecture et deux d’astronomie. La tradition de la Nouvelle-France meurt avec lui ; les Baillairgé, François, puis Thomas*, sont déjà d’une autre école.

Raymonde Gauthier

ANQ-Q, CE1-1, 24 avril 1738, 6 sept. 1762, 5 oct. 1808 ; CN1-16, 22 juill. 1806, 31 juill. 1807, 28 mai, 16 juin, 30 août, 26 déc. 1810 ; CN1-25, 23 avril 1778 ; CN1-26, 31 déc. 1805, 31 déc. 1806 ; CN1-83, 2 mai 1785, 26 janv., 11 févr., 19 nov. 1792 ; CN1-92, 31 mars, 8 avril 1785, 2 mai 1786, 29 oct., 6 nov. 1795, 19 avril 1802 ; CN1-99, 10 mars 1808 ; CN1-178, 23 janv. 1797, 28 janv. 1798, 23 mai 1808, 13 mars 1809 ; CN1-205, 20 janv. 1780, 5 sept. 1781, 8 avril, 14 nov. 1783, 18 févr. 1784, 27 avril 1785, 16 juill. 1798 ; CN1-224, 21 janv. 1783 ; CN1-230, 21 avril 1795, 27 nov. 1798, 14 nov. 1799, 14 mars, 6, 21 mai 1803, 7, 9 mai 1805 ; CN1-248, 5 sept 1762, 31 mai 1764 ; CN1-250, 18 juill., 12 oct. 1761 ; CN1-284, 13 mai 1789, 26, 31 mars, 13 mai 1791, 19 nov. 1792, 17 oct. 1795, 2 mars 1797, 11 mars, 30 oct. 1800, 30 janv. 1801, 24 mars, 1er oct. 1804, 11 août 1807, 17 févr. 1808.— Arch. de l’Hôpital Général de Québec, Communauté, Journal, I : ff.113, 132, 161.— Arch. du monastère de l’Hôtel-Dieu de Québec, Lettres, carton 5, nos 1–5.— ASQ, Évêques, nos 29–38.— MAC-CD, Fonds Morisset, 2, E54.5/P622.— Raymonde [Landry] Gauthier, Les tabernacles anciens du Québec des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles ([Québec], 1974).— Morisset, Coup d’ail sur les arts. Luc Noppen, Les églises du Québec (1600–1850) (Québec, 1977), 29, 35, 164, 176, 188, 190, 246 ; Notre-Dame de Québec, son architecture et son rayonnement (1647–1922) (Québec, 1974), 145–155.— Luc Noppen et al., La maison Maizerets, le château Bellevue : deux exemples de la diffusion de l’architecture du séminaire de Québec aux XVIIIe et XIXe siècles (Québec, 1978).— Jean Palardy, The early furniture of French Canada (Toronto, 1963).— J. R. Porter, L’art de la dorure au Québec du XVIIe siècle à nos jours (Québec, 1975).— Ramsay Traquair, The old architecture of Quebec [...] (Toronto, 1947).— Gérard Morisset, « La chapelle de monseigneur Briand », La Patrie, 18 févr. 1951 : 26s. ; « Le sculpteur Pierre Émond (1738–1808) », SRC Mémoires, 3e sér., 39 (1946), sect. i : 91–98 ; « Le sculpteur Pierre Émond (1738–1808) », La Patrie, 30 août 1953 : 28s.

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Raymonde Gauthier, « ÉMOND, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/emond_pierre_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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