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LÉGARÉ, JEAN-LOUIS, homme d’affaires, fonctionnaire et propriétaire de ranch, né le 25 octobre 1841 à Saint-Jacques-de-l’Achigan (Saint-Jacques, Québec), fils de François-Xavier Légaré et de Julie Melançon ; le 15 ou le 22 avril 1873, il épousa à la mission de Saint-Florent (Lebret, Saskatchewan) Marie Ouellette (décédée en 1876), et ils eurent un fils ; décédé le 1er février 1918 à Willow Bunch, Saskatchewan.
En 1866, à l’âge de 25 ans, Jean-Louis Légaré quitta le Bas-Canada rural en quête de travail et d’aventure. Ses voyages le menèrent d’abord dans l’est des États-Unis puis au Minnesota, où il occupa divers emplois de manœuvre. Il continua ensuite son chemin vers l’ouest, jusqu’à Pembina et Devils Lake (Dakota du Nord), où il travailla comme commis et transporteur pour des trafiquants métis. En 1871, il ouvrit un poste de traite à Montagne de Bois (Wood Mountain, Saskatchewan) et, deux ans plus tard, il épousa Marie Ouellette, fille d’un important marchand métis. Après une noce qui dura deux jours, les époux quittèrent la vallée de la Qu’Appelle dans des traîneaux décorés et tirés par des chiens, et gagnèrent leur maison à Montagne de Bois.
Le rythme de la vie de Légaré fut bouleversé pendant l’hiver de 1876 par l’arrivée d’une multitude de Sioux (ou, plus exactement, de Dakotas) dans la région de Montagne de Bois. Leur chef était Sitting Bull [Ta-tanka I-yotank*], et ils cherchaient un refuge après avoir mis en déroute l’unité de cavalerie du lieutenant-colonel George Armstrong Custer à la rivière Little Bighorn (Montana). La première rencontre entre Légaré et les Sioux eut lieu quand quelques-uns d’entre eux entrèrent dans son poste et déclarèrent être venus faire de la traite. Légaré et ses cinq employés métis se montrèrent obligeants envers ce groupe et, le lendemain, 70 tentes étaient installées dans le voisinage. Dès le printemps suivant, a-t-on estimé, jusqu’à 4 000 Sioux se trouvaient à Montagne de Bois.
Pendant quatre ans, la présence de ces exilés causa de graves soucis à la Police à cheval du Nord-Ouest. Sous le surintendant James Morrow Walsh*, celle-ci rouvrit son poste à Montagne de Bois abandonné en 1875. Au début, Légaré s’enrichit grâce aux nouveaux arrivants, car il leur échangeait des provisions contre des peaux de bison, mais ils ne tardèrent pas à être une charge pour lui. Comme les troupeaux de bison disparaissaient de la région, les réfugiés n’avaient guère de quoi faire de la traite et, de plus en plus pauvres, ils en étaient réduits à lui quémander des vivres. Légaré prêta son concours aux autorités canadiennes et américaines en vue de convaincre les Sioux de retourner aux États-Unis et organisa même un festin à ses frais en 1878. Cependant, rien n’aboutissait et, à la suite d’un incendie qui ravagea la prairie en 1880, les problèmes de Légaré s’aggravèrent. En effet, la plupart des Métis de Montagne de Bois partirent, soit vers le sud, soit pour un lieu d’hivernage situé à 45 milles au sud-est qu’ils baptisèrent Talle de Saules (Willow Bunch). Légaré décida de suivre ce groupe ; il se bâtit une maison et ouvrit un magasin à ce nouvel emplacement. Malheureusement pour lui, un bon nombre de Sioux s’y installèrent aussi.
Au début de 1881, quand un autre surintendant de la Police à cheval du Nord-Ouest, Lief Newry Fitzroy Crozier*, essaya en vain à son tour de convaincre Sitting Bull et son peuple de quitter le Canada, Légaré résolut de prendre les choses en main avec son appui. En deux occasions, il persuada des groupes de Sioux de l’accompagner au fort Buford (près de Williston, Dakota du Nord), où, convaincus des bonnes intentions des Américains, ils décidèrent de rester. Sitting Bull lui-même hésitait à regagner les États-Unis, mais il y consentit finalement et se joignit à un groupe d’environ 200 Sioux qui partirent pour le fort Buford à la mi-juillet. En entrant dans le fort, il aurait dit aux officiers américains : « Il paraît que le gouvernement veut que je rentre, Jean[-]Louis me l’a dit, alors j’ai pris sa parole et je suis revenu avec mon ami. »
Légaré avait persuadé Sitting Bull de retourner aux États-Unis en partie parce qu’il s’inquiétait de sa propre situation financière et en partie par compassion pour les exilés. Il escomptait, de la part des gouvernements canadien et américain, une juste récompense pour ses efforts. Une suite de déceptions l’attendaient. En août 1882, après consultation avec le commissaire de la Police à cheval Acheson Gosford Irvine et le commissaire aux Affaires indiennes Edgar Dewdney, le département de l’Intérieur lui accorda une indemnité de 2 000 $. Légaré, qui avait bien noté toutes ses dépenses, soutenait avoir plutôt droit à près de 46 000 $. Il n’eut pas plus de succès aux États-Unis. En 1882, il réclama 13 412 $ au gouvernement américain, mais deux projets de loi successifs visant à l’indemniser furent rejetés par la Court of Claims, malgré leur adoption par le Congrès. Finalement, en 1905, le gouvernement des États-Unis lui versa 5 000 $. Au xxe siècle, la famille Légaré a continué de réclamer des dédommagements aux États-Unis et au Canada.
Tout au long de sa lutte pour obtenir réparation, Légaré fit valoir aux représentants du gouvernement canadien que, si des désordres survenaient parmi les peuples autochtones de l’Ouest, il « exercer[ait] une influence pacificatrice » sur les Métis de Talle de Saules, « comme [il l’avait] fait et [s’était] efforcé de le faire jusqu’[alors] ». Il tint parole pendant les événements de 1885 [V. Louis Riel*] puisqu’il offrit ses services aux autorités locales. En expliquant que les Métis de Talle de Saules et de Montagne de Bois étaient « affamés [et] qu’ils souhait[aient] demeurer sur les lieux, afin de n’être aucunement mêlés à la rébellion, et qu’ils seraient heureux [d’avoir] un emploi quelconque », il persuada les autorités de le laisser organiser une unité d’éclaireurs métis. Certains vénérables Métis, dont Ambroise Ouellette, s’opposèrent à ses efforts de recrutement, mais le prêtre de l’endroit les soutint. L’unité de Légaré finit par compter une quarantaine d’hommes et, du 15 avril à la fin de mai, de concert avec la Police à cheval du Nord-Ouest, elle patrouilla la région située entre Moose Mountain à l’est et le lac La Vieille (lac Old Wives) à l’ouest. La police était satisfaite du travail des patrouilles métisses, car elles « remplissaient la double fonction d’occuper « une main-d’œuvre oisive » et de surveiller toute la contrée ». Cependant, après la chute de Batoche, elle préféra avoir des éclaireurs métis sous sa propre autorité, car elle trouvait difficile de collaborer avec Légaré.
Dans les années 1880, Légaré établit un ranch de bovins, le premier dans la région de Talle de Saules, mais, après le dur hiver de 1892–1893, il se consacra surtout à l’élevage des chevaux. Avant 1907, il eut en moyenne 700 bovins et 1 000 chevaux. Il tenta sa chance dans des entreprises commerciales, notamment une éphémère fromagerie et la vente d’os de bison, obtint du gouvernement des contrats de vente de provisions aux autochtones et négocia des certificats de concession de terres accordées aux Métis.
Légaré était un homme imposant : il mesurait six pieds quatre pouces, portait une « grosse barbe noire » et avait un maintien « calme et digne ». Il occupa plusieurs fonctions dans son milieu : juge de paix, recenseur, maître de poste, administrateur scolaire et conseiller de la Société Saint-Jean-Baptiste. Fervent catholique, il donna en 1906 à la paroisse Saint-Ignace-des-Saules un terrain de 80 acres pour la construction d’une nouvelle église et d’un presbytère. En outre, il aida le clergé local à accueillir les Canadiens français qui venaient s’installer. Dès le début des années 1900, ceux-ci déclassaient les Métis comme groupe majoritaire à Talle de Saules. Parmi les nouveaux arrivants se trouvaient ses deux frères et une de ses sœurs.
Jean-Louis Légaré se considérait comme un chef de file dans sa communauté et fut reconnu comme tel, aussi bien à son époque qu’après sa mort. En 1960, la localité de Willow Bunch a inauguré en son honneur un parc régional et, en 1970, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a installé une plaque commémorative qui résume sa vie.
Un certain nombre d’objets concernant Jean-Louis Légaré sont conservés au Willow Bunch Museum, Willow Bunch, Saskatchewan.
AN, RG 10, 3691, dossier 13893 ; RG 15, DII, 1, 281, dossier 49185 ; RG 18, 2185.— Arch. de la Soc. hist. de Saint-Boniface, Manitoba, Demandes de scrip [certificat de concession de terres] des Métis des Territoires du Nord-Ouest, 1886, 1900–1901 ; Reg. de Pembina, Dakota du Nord (copie).— Brigham Young Univ. Library, Special Coll. Div., Arch. and mss Dept. (Provo, Utah), W. M. Camp coll., box 1, folder 14 (Légaré à Camp, 27 oct. 1910).— National Arch. (Washington), RG 123 (Records of the United States Court of Claims), J.-L. Légaré (mfm aux AN, MG 10, A3).— Saskatchewan Arch. Board (Regina), R-2.1009 (Haultain and Robson [cabinet d’avocats]), file no IV.15 (papiers sur les éclaireurs à Willow Bunch et Wood Mountain dirigés par Légaré et A. R. McDonald, 11 mai 1896) (mfm) ; R-430.1 (Arsène Godin fonds, « In memoriam », 4 févr. 1918) ; R-SHS 11.B (Johnny Chartrand, « Souvenirs de la capitulation de Sitting Bull au gouvernement américain en 1881 » (1944), et « Corr. avec le gouvernement américain pour une pension, janvier-août 1945 ») ; R-SHS 34.D (renseignements biographiques et correspondance concernant J.-L. Légaré, 1937–1946) [y compris la correspondance et sa pétition de 1886 pour l’obtention d’un dédommagement de la part du gouvernement américain].— Canada, Parl., Doc. de la session, 1886, rapport du commissaire de la Police à cheval du Nord-Ouest, 1885, app. D.— R. B. Deane, Mounted police life in Canada : a record of thirty-one years’ service (Londres, 1916 ; réimpr., Toronto, 1973).— Walter Hildebrandt et Brian Hubner, The Cypress Hills : the land and its people (Saskatoon, 1994).— Barry Potyondi, In Palliser’s triangle : living in the grasslands, 1850–1930 (Saskatoon, 1995).— Clovis Rondeau, la Montagne de Bois, 1870–1920, [2e éd.], Simone LeGal et al., trad., publié sous la même reliure avec l’ouvrage d’Adrien Chabot, Willow Bunch, 1920–1970, sœur Gabrielle-Madeleine [Irène Bonin], trad. (2 vol. en un, [Willow Bunch], 1970).— R. M. Utley, The lance and the shield : the life and times of Sitting Bull (New York, 1993).— Wood Mountain Hist. Soc., They came to Wood Mountain ([éd. rév., Wood Mountain, Saskatchewan, 1980 ?]).
Brian Hubner et Diane Paulette Payment, « LÉGARÉ, JEAN-LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/legare_jean_louis_14F.html.
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Titre de l'article: | LÉGARÉ, JEAN-LOUIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |