LEFROY, sir JOHN HENRY, soldat, homme de science et administrateur colonial, né le 28 janvier 1817 à Ashe (comté de Hampshire, Angleterre), quatrième fils et sixième enfant du révérend John Henry George Lefroy et de Sophia Cottrell ; le 16 avril 1846, il épousa Emily Merry (décédée en 1859), fille de sir John Beverley Robinson*, et ils eurent deux fils et deux filles, puis, le 12 mai 1860, à Londres, Charlotte Anna Mountain, née Dundas ; décédé le 11 avril 1890 à Lewarne, comté de Cornwall, Angleterre.

John Henry Lefroy fréquenta des écoles privées avant d’entrer à la Royal Military Academy de Woolwich (maintenant partie de Londres) en janvier 1831. Le 19 décembre 1834, après la collation des grades, il fut nommé lieutenant en second dans le Royal Regiment of Artillery. Homme profondément religieux durant toute sa vie, il se joignit, pendant les quelques années qu’il passa ensuite en garnison à Woolwich, à des camarades officiers pour tenir des réunions hebdomadaires de lecture de la Bible et de prière, et pour diriger une école du dimanche destinée aux enfants des militaires. Il manifesta une aptitude précoce pour la science, se décrivant lui-même comme un « travailleur zélé dans un champ d’intérêt véritable », et, pendant une affectation de trois mois à Chatham en 1837, il étudia l’astronomie pratique au Royal Engineers Establishment.

En 1839, le gouvernement britannique commença pour de bon à mettre sur pied un réseau d’observatoires dans ses colonies ainsi qu’à organiser une série d’expéditions pour étudier le magnétisme terrestre, le tout sous la direction d’Edward Sabine. Lefroy se trouva parmi les trois premiers officiers choisis pour les observatoires prévus dans le Haut-Canada, l’île Sainte-Hélène et la colonie du Cap (République d’Afrique du Sud). Peu de temps après avoir été désignés, ces officiers se rendirent à Dublin afin de recevoir des instructions du plus grand expert en magnétisme de la Grande-Bretagne, le professeur Humphrey Lloyd du Trinity College. Le 25 septembre 1839, Lefroy s’embarqua pour l’île Sainte-Hélène.

L’observatoire de Toronto, qui allait devenir le poste le plus important du réseau impérial, fonctionnait depuis environ deux ans lorsque Lefroy y arriva en octobre 1842 pour prendre la relève à la direction. Il trouva que « le travail avait pris terriblement de retard ». Néanmoins, on commença presque immédiatement à préparer une expédition dans le Nord-Ouest pour vérifier les caractéristiques géomagnétiques de l’Amérique du Nord britannique et tenter de localiser le pôle Nord magnétique. Avec son assistant, William Henry, membre du Royal Regiment of Artillery, et en compagnie d’une brigade commandée par John McLean, Lefroy quitta Lachine, dans le Bas-Canada, le 1er mai 1843, entreprenant une expédition de 5 000 milles qui devait durer 18 mois et le ramener à Toronto en novembre 1844.

Lefroy et son assistant firent des observations magnétiques à plus de 300 endroits. Passant l’hiver au fort Chipewyan (Fort Chipewyan, Alberta), ils procédèrent à des observations toutes les heures, du 16 octobre 1843 au 29 février 1844, et toutes les deux minutes, pendant plusieurs heures consécutives, lors des perturbations magnétiques de haute intensité. Par la suite, au fort Simpson (Fort Simpson, Territoires du Nord-Ouest), du 26 mars au 25 mai, Lefroy « poursuivit les observations d’heure en heure aussi assidûment [...] qu’[il] l’avait fait au fort Chipewyan ». Il voyagea aussi loin au nord que le fort Good Hope (Fort Good Hope, Territoires du Nord-Ouest), sur le fleuve Mackenzie, et aussi loin à l’ouest que le fort Simpson. Dans Notes of a twenty-five years’ service [...], McLean nota : « sa conduite de gentleman et ses manières affables le faisaient aimer de nous tous » ; il l’appela aussi « le meilleur mangeur de lard [débutant] que nous ayons eu dans le pays depuis quelques années ». Les découvertes scientifiques faites au cours du voyage furent communiquées à la Royal Society de Londres par Sabine et publiées plus tard, en 1855, avec des découvertes de sir John Richardson* au fort Confidence (Territoires du Nord-Ouest) ; en 1883, Lefroy publia son Diary of a magnetic survey [...], fournissant ainsi un compte rendu personnel de son travail scientifique le plus important.

Pendant ses voyages, Lefroy rencontra certaines des personnalités marquantes et les plus colorées du Nord-Ouest, dont sir George Simpson* et le révérend James Evans*, et il commença de s’intéresser à la « situation générale des Indiens », spécialement au « désir ardent qui anim[ait] beaucoup d’entre eux de [recevoir] l’instruction chrétienne ». Ses journaux de l’expédition sont remplis de notes sur la géologie, les gens, les coutumes et les traditions. Il consigna ses observations personnelles, moralistes et anecdotiques dans son Autobiography [...], qui fut publiée après sa mort par son épouse « pour diffusion privée seulement » : elles se trouvent aussi dans In search of the magnetic north [...], recueil de ses lettres expédiées du Nord-Ouest, qui fut édité en 1955.

Peu après leur mariage en 1846, Lefroy et sa femme quittèrent Toronto, accompagnés de George William Allan et de sa nouvelle épouse (fille elle aussi de sir John Beverley Robinson), pour faire leur voyage de noces en Europe. Pendant son séjour en Angleterre, Lefroy visita Sabine qui désirait vivement introduire la photographie dans les opérations d’enregistrement magnétique à Toronto ; Lefroy, cependant, croyait que cela était « tout à fait prématuré ». Ce n’était pas leur premier désaccord. Dans son autobiographie, Lefroy se plaint que Sabine ne lui a attribué aucun mérite pour l’effort intense que représentaient les observations d’heure en heure au fort Chipewyan et que, lorsque les dépenses du voyage se révélèrent beaucoup plus élevées qu’on ne l’avait prévu, Sabine « jeta le blâme sur [lui], allant même jusqu’à nier qu’il [l’]ait jamais autorisé à passer l’hiver dans le Nord-Ouest ». Quoi qu’il en soit, Lefroy revint à Toronto le 21 novembre 1846 et passa quelques années à « essayer de faire de l’enregistrement des phénomènes magnétiques par la photographie une méthode concluante » et à poursuivre aussi le travail courant à l’observatoire. Les observations faites par Lefroy à Toronto pendant son mandat furent peut-être les plus complètes de toutes celles qu’on réalisa à travers le réseau britannique. Avant de retourner en Angleterre en avril 1853, Lefroy participa au transfert de l’observatoire au gouvernement de la province du Canada le 31 mars 1853 ; il travailla avec les membres du Canadian Institute, dont il était président, à persuader le gouvernement d’acheter les instruments et les livres de l’observatoire et de maintenir à ses frais la haute tenue des opérations qui suscitait une intense fierté au pays [V. George Templeman Kingston].

Pendant son séjour à Toronto, Lefroy œuvra dans de nombreuses sphères d’activité, reliées pour la plupart au milieu scientifique. Le 9 juin 1848, il fut élu fellow de la Royal Society et, par la suite, fellow de la Royal Geographical Society, de la Geological Society et de la Society of Antiquaries, toutes quatre sociétés londoniennes. Il occupa le poste de vice-président en 1851–1852, puis de président en 1852–1853 du Canadian Institute, dont la fondation en 1849 avait été un signe important du ferment scientifique que l’on retrouvait au Canada en ce temps-là. Lefroy fonda et dirigea le premier club du livre de Toronto, qui comptait parmi ses membres certains citoyens éminents de la ville. Lors de voyages aux États-Unis, Lefroy fit la connaissance de quelques-uns des principaux hommes de science américains, y compris Alexander Dallas Bache, Joseph Henry et Jean-Louis-Rodolphe Agassiz. Il publia aussi des articles sur des sujets scientifiques ainsi que sur les peuples autochtones dans des revues américaines et canadiennes.

De retour en Angleterre, jouissant d’une réputation fondée sur son travail à Toronto, Lefroy devint conseiller scientifique en artillerie au ministère de la Guerre pendant la guerre de Crimée ; il participa à la réforme des forces armées et fut membre de nombreux comités militaires, avant d’être nommé inspecteur général des écoles de l’armée et plus tard directeur général de l’Ordnance Survey, poste qu’il occupa de 1868 à 1870. Pendant cette période, il se mêla de plus en plus à l’activité de la Royal Artillery Institution et collabora à sa revue professionnelle. Après avoir pris sa retraite de l’armée le 1er avril 1870, avec le grade honoraire de major général, il remplit les fonctions de gouverneur des Bermudes de 1871 à 1877 et, pendant une courte période, à partir de 1880, celles de gouverneur de la Tasmanie. Après son retour en Angleterre, il publia un certain nombre d’articles sur une grande variété de sujets, principalement d’ordre militaire. On lui décerna la médaille de compagnon de l’ordre du Bain en 1870 et celle de chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1877.

Lefroy revint deux fois au Canada, la première pour un court séjour en 1877, après que la maladie l’eut forcé à quitter les Bermudes pour l’Angleterre. Il effectua sa dernière visite en 1884 et, à titre de président de la section de géographie de la British Association for the Advancement of Science, il prononça l’allocution d’ouverture lors de la réunion annuelle de l’association à Montréal. Pendant son séjour, il reçut un doctorat honorifique en droit du McGill College, et confiait que cela lui donnait « enfin droit à la toque et à la toge, objets de [son] bition ». Lefroy et sa seconde épouse furent reçus à Québec par le gouverneur général lord Lansdowne [Petty-Fitzmaurice*] et à Toronto par le lieutenant-gouverneur John Beverley Robinson*, beau-frère de Lefroy. Il se rendit dans l’Ouest canadien avec l’intention de voir les Rocheuses, mais à Winnipeg ses forces déclinèrent et il dut retourner en Angleterre. Les conditions du voyage avaient bien changé : la traversée du lac Supérieur, qui autrefois lui avait pris une semaine, s’effectua en une journée par bateau à vapeur. Le jour où il débarqua en Angleterre, on le déclara atteint de « faiblesse cardiaque » et de bronchite. Le reste de ses jours fut marqué de fréquentes crises « toujours supportées avec patience et bonne humeur ».

L’appréciation la plus significative, peut-être, de l’importance de Lefroy comme homme de science vint de son ancien guide, Humphrey Lloyd, qui, en 1874, décrivit son travail comme étant « probablement la contribution la plus remarquable à [la] connaissance des phénomènes de perturbations magnétiques ». Bien que ses réalisations scientifiques fussent davantage le résultat de l’application que de l’inspiration, son travail à Toronto et dans le Nord-Ouest suscita beaucoup d’admiration, à la fois pour lui et l’observatoire, aussi bien en Grande-Bretagne qu’au Canada.

Carol M. Whitfield et richard A. Jarrell

Sir John Henry Lefroy est l’auteur de : Autobiography of General Sir John Henry Lefroy, C.B., K.C.M.G., F.R.S., etc., colonel commandant Royal Artillery, [C. A.] Lefroy, édit. (Londres, [1895]) ; Diary of a magnetic survey of a portion of the dominion of Canada chiefly in the northwestern territories executed in the years 1842–1844 (Londres, 1883) ; In search of the magnetic north : a soldier-surveyor’s letters from the north-west, 1843–1844, G. F. G. Stanley, édit. (Toronto, 1955) ; « The president’s annual address », Canadian Journal, 1 (1852–1853) : 121–124 ; « Sir Henry Lefroy’s journey to the north-west in 1843–4 », W. S. Wallace, édit., SRC Mémoires, 3e sér., 32 (1938), sect. ii : 67–96 ; et, en collaboration avec John Richardson, de Magnetical and meteorological observations at Lake Athabasca and Fort Simpson, by Captain J. H. Lefroy, Royal Artillery ; and at Fort Confidence, in Great Bear Lake, by Sir John Richardson, C.B., M.D. (Londres, 1855).

APC, MG 24, H25.— PRO, Meteorological Office, BJ 3 (Sabine papers) (mfm aux APC).— John McLean, Notes of a twenty-five year’s service in the Hudson’s Bay territory (2 vol., Londres, 1849 ; réédité sous le titre de John McLean’s notes of a twenty-five year’s service in the Hudson’s Bay territory, W. S. Wallace, édit., Toronto, 1932).— « Memorial of the Canadian Institute to the three branches of the legislature to continue the Royal Magnetic Observatory under provincial management », Canadian Journal, 1 : 145–147.— « The observatory », Canadian Journal, 1 : 282s.— DNB.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 220s.— W. S. Wallace, « A soldier-scientist in the north-west », Queen’s Quarterly, 45 (1938) : 394400.

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Carol M. Whitfield et richard A. Jarrell, « LEFROY, sir JOHN HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lefroy_john_henry_11F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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