LEFFERTY (Lafferty), JOHN JOHNSTON (Johnson), médecin, officier de milice et homme politique, né vers 1777 dans l’une des colonies américaines, probablement le New Jersey ; le 17 août 1800, il épousa Mary Johnson, et ils eurent quatre fils et trois filles ; décédé le 26 octobre 1842 à Drummondville, Haut-Canada.
John Johnston Lefferty était, semble-t-il, le fils de Bryan Lefferty, avocat et juge du comté de Somerset, dans le New Jersey, qui était apparenté à la famille de sir William Johnson*. Il arriva dans le Haut-Canada en 1797 et s’installa dans la presqu’île du Niagara, où il pratiqua la médecine. L’année suivante, dans une lettre écrite de Lachine, au Bas-Canada, son parrain, sir John Johnson*, demanda à William Claus* quelle sorte d’aide il pouvait lui apporter : « S’il veut bien m’envoyer une liste des remèdes utiles à sa pratique, disait-il, je la ferai parvenir chez moi et veillerai à ce qu’il les obtienne. » Pendant la guerre de 1812, Lefferty servit comme aide-chirurgien dans la milice ; les troupes américaines détruisirent sa maison, située à Lundy’s Lane (Niagara Falls, Ontario), en y mettant le feu.
En 1818, Lefferty était copropriétaire d’une boutique d’apothicaire à St Catharines. Il accéda à la notoriété en se faisant élire député de la circonscription de 2nd and 3rd Lincoln à la neuvième législature (1825–1828). Il se distingua alors par ses critiques contre le gouvernement de sir Peregrine Maitland* ; selon ses propres termes, il parla « beaucoup des fonctionnaires pendant la discussion sur la question des non-naturalisés et sur le canal Welland, mais non sur d’autres sujets ». Une fois, durant le débat sur les non-naturalisés, le président de l’Assemblée, John Willson*, dut le rappeler à l’ordre parce qu’il avait insulté le procureur général John Beverley Robinson*. En une autre occasion, un peu plus tard, Lefferty déclara : « Dans sa proclamation, [sir Isaac Brock*], de regrettée mémoire, avait déclaré que tous ceux qui restaient au pays pendant la [...] guerre [de 1812], défendaient noblement la province et combattaient pour leur roi avaient droit au titre de sujets. » Lefferty avait alors ajouté qu’il « préférait laisser son bras pourrir au bout de son épaule plutôt que de consentir à se considérer comme un étranger. » John Clark, lui aussi député de Lincoln, attribuait l’indépendance relative de la chambre d’Assemblée aux efforts d’hommes comme John Rolph*, Marshall Spring Bidwell* et « le savant et très éloquent docteur de Lundy’s Lane – fierté de ses électeurs ».
Toutefois, comme Lefferty le notait lui-même, il n’attaqua guère le gouvernement que sur les deux sujets mentionnés. Sur plusieurs questions politiques, il était en complet désaccord avec les autres critiques de l’exécutif. Ainsi il ne s’opposait pas à la coutume qui voulait que les shérifs désignent les jurys d’accusation, ce qui lui valut une violente sortie de la part de Peter Perry*. En 1826, il appuya un projet de loi qui autorisait les ministres de l’Eglise méthodiste et d’autres confessions à célébrer des mariages ; cependant, l’année suivante, il dénonça une mesure apparemment semblable. Plusieurs fois, il affronta Perry, Rolph et Bidwell qui s’opposaient à l’adoption de lois sévères contre les débiteurs en fuite. Sa position, dans ce cas, s’inspirait peut-être de son expérience de médecin. Il qualifia de « parfaitement absurde » le projet de loi que Perry présenta en vue d’imposer des corvées aux propriétaires absentéistes, car quiconque posséderait £4 000 de terres en friche devrait fournir 160 jours de travail. De plus, à mesure que son expérience parlementaire s’accrut, il en vint à considérer comme une perte de temps les débats sur des projets de loi que l’Assemblée adopterait sans difficultés mais qui, selon lui, seraient sûrement rejetés par le Conseil législatif. En dépit de ses dissensions avec les autres critiques du régime Maitland, il protesta vivement, avec l’opposition, contre la destitution du juge John Walpole Willis* en 1828.
Avant les élections de 1824, William Lyon Mackenzie* avait allégué, avec raison, que Lefferty avait été l’un des premiers à soutenir, puis à répudier Robert Gourlay*. Par la suite, sans doute à cause de son indépendance d’esprit, il le qualifia de « législateur excentrique ». Cette étiquette ne nuisit toutefois pas à Lefferty qui, en 1828, se classa bon deuxième des quatre élus de la circonscription de 3rd Lincoln. Pendant un débat à la dixième législature (1829–1830), James Hunter Samson l’accusa d’avoir tourné casaque : autrefois « injurieux à l’endroit des fonctionnaires d’York », il « se met[tait] à les défendre ». Lefferty expliqua que le gouvernement de la province avait désormais « un autre chef et qu’il en était satisfait ». D’après lui, sir John Colborne* avait fait « plus pour la province, dans la brève période qui s’[était] écoulée depuis son arrivée, qu’aucun des gouverneurs qui l’a[vaient] précédé ».
De toutes les initiatives parlementaires de Lefferty, la plus notable survint à la fin de sa carrière. Au début de 1830, il présenta un projet de loi qui habilitait les magistrats à imposer l’observance du dimanche. Lefferty s’élevait contre les activités comme la chasse ou le patinage le jour du Seigneur. « Il était courant aussi, ajoutait-il, que des gens quittent leur travail, se rassemblent dans des cabarets le samedi soir, boivent et fassent la fête jusqu’au lendemain soir, si bien que non seulement ils ne respectaient pas le sabbat, mais se mettaient dans l’impossibilité de bien faire leur travail le lundi, ou même toute la semaine. C’était non seulement un manquement à la morale mais un danger pour l’industrie du pays. » Au cours du débat, il dépassa même l’intention de son projet de loi et fit observer : « les gens devraient être obligés d’assister quelque part à un office public le jour du sabbat ». Cette déclaration déplut fortement à ses collègues de la chambre et au moins à un journal et ses correspondants.
Aux élections de 1830, William Crooks et Bartholomew Crannell Beardsley* devinrent députés de la circonscription de 2nd and 3rd Lincoln. Peut-être Lefferty ne se porta-t-il pas candidat. Aux élections générales qui se tinrent quatre ans plus tard, le shérif Alexander Hamilton, directeur du scrutin, le déclara élu par une voix. Son adversaire, David Thorburn, en appela de cette décision à la nouvelle Assemblée, dominée par les critiques du gouvernement, et un comité exigea de Hamilton qu’il modifie son rapport – ce qu’il fit en protestant. Allan Napier MacNab*, vigoureux partisan de l’exécutif, dirigea en chambre la bataille contre l’adoption du rapport. Mais l’Assemblée, à l’occasion d’un vote où les députés se rangèrent clairement selon leur filiation partisane, soutint Thorburn. Il est donc peu étonnant qu’un historien, en relatant l’incident, ait considéré Lefferty comme l’un des « éléments forts » de la « caste dirigeante ».
Lefferty était un personnage éminent dans la région de Niagara. En 1810, un homme qui allait être happé par les chutes avait été sauvé grâce à sa présence d’esprit. Amateur de bons chevaux, il était renommé pour chanter « invariablement « Twelve bottles more » et reprendre sans arrêt la même anecdote ». Sa maison de Lundy’s Lane, avant d’être ravagée par le feu dans les années 1820, contenait une foule de « curiosités rares, animées ou inanimées », dont un assortiment d’animaux, des poteries et des ossements indiens, des os de dinosaure et d’autres animaux, divers objets militaires, des livres rares, des patins, un nid de guêpes, « une machine électrisante », des journaux de l’Assemblée, des résolutions sur la question des non-naturalisés, des pharmacopées, des exemplaires soigneusement classés du Colonial Advocate (« remarquable et convaincant exemple de [...] sagesse et de bon sens », selon Mackenzie) et « 3 569 fioles de médecin, bouteilles et pots remplis de liquides, d’onguents et de poudres de différentes sortes ».
C’est peut-être l’un de ses adversaires politiques, Robert Stanton*, qui décrivit le mieux ce législateur affable à l’esprit indépendant qu’était John Johnston Lefferty. En 1826, il parla de son « visage joufflu et bienveillant, plein de drôlerie et d’hilarité » et ajouta : « tout compte fait, son caractère contient une bonne dose du lait de l’humaine tendresse – en chambre, il jacasse et ne cesse de rire, et la seule raison pour laquelle on l’entend est que sa voix est la plus puissante de l’Assemblée – aussi n’est-ce pas à tort que, facétieusement, on le surnomme le représentant des chutes du Niagara ».
AO, MS 74, John Clark à William Chisholm, 26 janv. 1826 ; MS 78, Robert Stanton à John Macaulay, 29 janv. 1826, 6 févr. 1835.— MTRL, W. W. Baldwin papers, B. C. Beardsley à Baldwin, 1er août 1828.— John Clark, « Memoirs of Colonel John Clark, of Port Dalhousie, C.W. », OH, 7 (1906) : 157–193.— Canadian Freeman, 1er déc. 1825.— Christian Guardian, 12 déc. 1829, 27 nov. 1830.— Colonial Advocate, 8 juill. 1824, 29 déc. 1825, 4 janv. 1827, 1er févr. 1828.— Kingston Chronicle, 4 janv. 1826, 9 févr. 1827.— Patriot (Toronto), 3, 6, 19 févr. 1835.— Upper Canada Herald, 9, 16 janv. 1827, 12 févr., 18 mars 1828, 20, 27 janv., 10 févr., 17 mars 1830.— Armstrong, Handbook of Upper Canadian chronology (1967).— « 1828 Upper Canada election results table », R. S. Sorrell, compil., OH, 63 (1971) : 67–69.— Canniff, Medical profession in U.C.— Ernest Green, « John DeCou, pioneer », OH, 22 (1925) : 92–116.
Peter A. Russell, « LEFFERTY (Lafferty), JOHN JOHNSTON (Johnson) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lefferty_john_johnston_7F.html.
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Auteur de l'article: | Peter A. Russell |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
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