JULIEN, HENRI (baptisé Octave-Henri), lithographe, illustrateur, caricaturiste, reporter et peintre, né à Québec le 14 mai 1852, fils d’Henri Julien et de Zoé Julien ; le 17 octobre 1876, il épousa à Montréal Marie-Louise Legault, dit Deslauriers (morte en 1924), et ils eurent 18 enfants, dont sept filles et un fils atteignirent l’âge adulte ; décédé à Montréal le 17 septembre 1908.

Henri Julien appartenait à une famille dont plusieurs membres trouvèrent leur gagne-pain dans l’imprimerie : son père, d’abord tourneur (ouvrier qui tourne une presse mécanique), deviendrait contremaître chez George-Paschal Desbarats*, imprimeur de la reine, et ses deux frères, Émile et Télesphore, seraient respectivement imprimeur et graveur. Henri passa une partie de son enfance dans le faubourg Saint-Roch, en plein cœur de la ville de Québec, où il fut mis très tôt en contact avec les petits artisans, ébénistes, sculpteurs sur bois, cordonniers et potiers qui y exerçaient leur métier. Il aurait été particulièrement marqué, dès cette époque, par Jean-Baptiste Côté, qui tenait boutique non loin de chez lui et dont la réputation comme sculpteur de proues et comme animalier était reconnue. Il passait également ses vacances chez de riches cousins cultivateurs, à L’Ange-Gardien, près de Québec, y découvrant plusieurs des types de paysans canadiens-français qui alimenteraient ses dessins.

Julien suivit les pérégrinations de sa famille, elle-même dépendante des déplacements de Desbarats qui, à titre d’imprimeur de la reine, devait se trouver au siège de la capitale canadienne, à Toronto, de 1855 à 1859, à Québec, de 1859 à 1865, puis à Ottawa. Julien fit ses études primaires surtout à Québec et fréquenta le collège d’Ottawa de 1866 à 1868. Manifestant depuis sa tendre enfance un talent naturel pour le dessin et initié par sa famille au domaine de l’imprimerie, il entra, en 1869, comme apprenti graveur à l’imprimerie Leggo and Company de Montréal, dans laquelle George-Édouard Desbarats*, fils de George-Paschal, et William Augustus Leggo* fils étaient associés. Il travailla avec des dessinateurs connus comme Edward Jump, Charles Kendrick et Bohuslar Kroupa, dans les ateliers du Canadian Illustrated News, publié par Desbarats de 1869 à 1883, et de l’Opinion publique, qui parut de 1870 à 1883.

Durant les 19 années qu’il passa au service de Desbarats, de 1869 à 1888, Julien collabora à d’autres publications montréalaises à titre de caricaturiste. On retrouve notamment ses dessins dans le Canard et le Violon (hebdomadaires humoristiques et satiriques fondés par Hector Berthelot* en 1877 et 1886 respectivement), et dans le Farceur en 1883. Sous des pseudonymes comme Octavo et Crincrin, il y traçait des portraits inoubliables des hommes politiques de son temps. Julien fit aussi du dessin de reportage. Ainsi, il publia, dans le Canadian Illustrated News (du 25 juillet 1874 au 12 juin 1875) et dans l’Opinion publique (du 30 juillet 1874 au 25 février 1875), une suite de dessins sur l’Ouest canadien qu’il réalisa en accompagnant la Police à cheval du Nord-Ouest en 1874 durant l’expédition de George Arthur French* près du confluent des rivières Bow et Belly (Alberta) [V. James Farquharson Macleod*].

Ce sont cependant les 22 années que Julien passa au Montreal Daily Star, de 1886 à sa mort en 1908, qui établirent de façon incontestable sa réputation de caricaturiste politique. Nommé artiste en chef du journal, il se fit surtout connaître à titre d’illustrateur-reporter à la Chambre des communes tandis que, de la galerie de la presse, il captait sur le vif les députés, les ministres et le premier ministre. Julien atteignit la célébrité quand il réalisa une série de caricatures qui parurent de 1897 à 1900 dans le Star sous le titre de « By-Town Coons », et dans laquelle sir Wilfrid Laurier* et les membres de son cabinet sont représentés sous les traits de minstrels, ces chanteurs et comédiens qui se noircissaient le visage [V. Colin Burgess]. Mis à part le reportage d’actualité et la caricature, Julien s’adonna, en particulier après son entrée au Star, à l’illustration d’événements historiques. C’est ainsi qu’à compter de septembre 1887 et jusqu’en février 1888 il produisit une série de quelque 110 dessins sur la rébellion de 1837, qui constituent une rétrospective détaillée des événements survenus le long du Richelieu et dans la région du lac des Deux Montagnes, 50 ans plus tôt.

Toutefois, c’est la représentation de la vie quotidienne de l’habitant canadien-français qui fit la renommée de Julien, au Canada, aux États-Unis, en France et en Angleterre. C’est dans ses scènes paysannes, à travers ses types d’habitants, que Julien transposa et fixa son interprétation du Canadien français de l’époque. Ces illustrations de la vie quotidienne à la campagne s’échelonnent de 1875 environ jusqu’à sa mort.

Enfin, Julien entretint des contacts fréquents avec les hommes de lettres de son temps, dont Louis Fréchette, Benjamin Sulte*, Paul Stevens* et Alfred Duclos* De Celles, qui faisaient appel à ses talents de dessinateur pour illustrer les contes et les récits qu’ils publiaient. C’est avec le dessin de la Chasse-galerie sous forme de canot volant, qu’il exécuta à la demande d’Honoré Beaugrand pour agrémenter le conte du jour de l’An du même nom, publié dans la Patrie du 31 décembre 1891, que sa carrière internationale prit son envol : en effet, en 1892, le Century Illustrated Magazine de New York diffusa cette illustration avec une version anglaise du récit de Beaugrand. À partir de 1893, toujours en parallèle à son travail au Star, Julien réalisa les illustrations de l’Almanach du peuple, notamment pour les contes de Louis Fréchette et d’Édouard-Zotique Massicotte*.

De 1900 à sa mort, Julien se mit aussi à la peinture, surtout l’aquarelle. À la suite de commandes de l’étranger, il reprit des scènes légendaires et des portraits de Canadiens français, en utilisant des techniques et des matériaux différents. Ces peintures se présentent donc surtout comme des variations sur des sujets qu’il avait déjà touchés. Il travaillait à des croquis pour la parade du tricentenaire de Québec au moment de sa mort en 1908.

Artiste prolifique et autodidacte, Henri Julien a réussi à se hisser, à l’âge de 34 ans, au poste d’artiste en chef du Montreal Daily Star. Toute sa carrière, tant d’illustrateur et de peintre que de caricaturiste, est marquée de la triple influence du milieu canadien français, de la société canadienne anglaise et du monde journalistique. Son attachement à ses racines et les contacts déterminants qu’il a établis dès son plus jeune âge avec les habitants de la campagne québécoise ont inspiré les sujets qu’il affectionna tout au long de sa carrière. Sa rapidité d’exécution et l’exactitude de la représentation ont fait de Julien un reporter hors pair et un artiste de renom.

Nicole Guilbault

C’est au Musée du Québec, à Québec, qu’on trouve la toile la plus célèbre d’Henri Julien, la Chasse-galerie, ainsi que plus de 150 dessins et quelques peintures. D’autres établissements, comme le Musée des Beaux-Arts de Montréal, le Musée des Beaux-Arts du Canada, à Ottawa, le Musée des Beaux-Arts de l’Ontario, à Toronto, le Musée McCord, à Montréal, le Musée du séminaire de Québec, le Glenbow Museum, à Calgary, la Vancouver Art Gallery et la Winnipeg Art Gallery, possèdent des œuvres de Julien. Plusieurs collectionneurs privés en ont aussi en leur possession.

Les journaux auxquels Julien a collaboré, surtout le Canadian Illustrated News, l’Opinion publique et le Montreal Daily Star, tous publiés à Montréal, ainsi que l’Almanach du peuple (Montréal), de 1873 à 1905, demeurent les témoins privilégiés de son activité de dessinateur.

Plusieurs de ses dessins ont été reproduits, notamment dans un Album, publié après sa mort, à Montréal en 1916, dans l’ouvrage de R.-L. Séguin, l’Esprit révolutionnaire dans l’art québécois : de la déportation des Acadiens au premier conflit mondial (Montréal, 1972), où l’on retrouve presque toute sa série sur la rébellion de 1837, et dans G. F. G. Stanley, « The man who sketched the great march », dans Men in scarlet, H. A. Dempsey, édit. (Calgary, [1974 ?], 27–49.

Pour avoir une liste détaillée des sources et des ouvrages concernant Julien, on consultera notre thèse, « Henri Julien, illustrateur de légendes » (thèse de m.a., univ. Laval, 1978), qui a été publiée sous le titre Henri Julien et la tradition orale (Montréal, 1980).  [n. g.]

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Nicole Guilbault, « JULIEN, HENRI (baptisé Octave-Henri) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/julien_henri_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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