BERTHELOT, HECTOR, avocat, journaliste, éditeur et écrivain, né le 4 mars 1842 à Trois-Rivières, Québec, fils de Louis-Flavien Berthelot, marchand, et de Jane Mason ; décédé célibataire le 15 septembre 1895 à Montréal.

Bien que né à Trois-Rivières, à l’occasion du déplacement de ses parents de Québec à Montréal, Hector Berthelot s’est souvent défendu d’être un Trifluvien pour si peu, d’autant que « ce pays d’immobilisés » ne lui convient pas, ainsi qu’il l’affirmera dans une conférence largement autobiographique qu’il prononce, le 27 décembre 1889, au Cabinet de lecture paroissial, à Montréal. Au terme de ses études primaires, il fait ses éléments français au collège de Chambly, en 1853, puis ses éléments latins et sa syntaxe au séminaire de Saint-Hyacinthe, en 1854 et 1855. Il termine ses études classiques au collège Sainte-Marie, à Montréal. À compter de 1861, il fait son stage de clerc dans l’étude de George-Étienne Cartier* et de François-Pierre Pominville. Admis au barreau, à Québec, le 4 janvier 1865, il renonce toutefois à l’exercice de sa profession. Il ne se sent, avoue-t-il, aucun goût pour la chicane, pas plus d’ailleurs que pour la vie militaire, même s’il a obtenu un brevet de lieutenant de l’école militaire de Québec, en 1865, et réalisé quelques traductions d’ouvrages sur l’art militaire pour le major Louis-Timothée Suzor*, en 1863 et 1864.

Berthelot s’oriente très tôt vers le journalisme. À Montréal, il débute dans la carrière comme chroniqueur, d’abord au Pays, en avril 1861, puis à la Guêpe. À Québec, il fait ses débuts d’humoriste en 1863 à la Scie, un journal humoristique bilingue « pour agacer les mauvais rouges ». Il collabore, en qualité de chroniqueur parlementaire, au Courrier de Saint-Hyacinthe, que dirige alors Honoré Mercier. On le retrouve par la suite à Ottawa, où il mène « une vie de bâton de chaise », selon sa propre expression, exerçant tour à tour la profession d’avocat, de professeur, de photographe, de chroniqueur pour le journal l’Ordre de Montréal et de commis-encanteur. En affirmant qu’il s’est fixé à Montréal en 1870, Berthelot contredit Ernest E. Cinq-Mars qui, dans son histoire de Hull, prétend qu’il a exercé la profession d’avocat dans cette ville de 1870 à 1873. Quoi qu’il en soit, en 1874, il est reporter au Bien public de Montréal. À la chute du journal, en 1876, il passe à la Minerve qu’il quitte en 1878, car le Canard qu’il a fondé à l’automne de 1877 lui réclame trop de travail. C’est surtout par cet hebdomadaire humoristique et satirique, où il exerce ses talents d’humoriste et de caricaturiste, que Berthelot se fait rapidement connaître. Même si quelques feuilles du journal ont déjà été publiées à l’occasion de croisières sur le vapeur Canada, le premier numéro paraît le 6 octobre 1877. Les 500 exemplaires s’envolent rapidement. Le tirage atteint 5 000 exemplaires en novembre et 10 000 en décembre, témoignage du vif succès de l’hebdomadaire, qui est d’ailleurs l’un des premiers journaux humoristiques à se doter d’une presse à vapeur et à publier des illustrations en couleur. En août 1879, Berthelot cède son journal à Honoré Beaugrand* pour fonder le Vrai Canard le 23. Il le remplace par le Grognard, autre hebdomadaire humoristique, le 12 novembre 1881, afin que le public ne confonde plus le Vrai Canard et le Canard, qui ne cesse de publier des âneries et des insultes qu’on ne manque pas, à son grand déplaisir, de lui attribuer. Des difficultés financières le forcent toutefois à se départir de son journal le 8 mars 1884.

Berthelot ne renonce pas pour autant à sa profession. Journaliste dans l’âme, il poursuit sa collaboration aux grands journaux montréalais : le Monde, le Courrier de Montréal, l’Étendard, le Montreal Star, la Patrie et la Presse. Il fonde à Longueuil, le 8 août 1885, le Bourru, « journal agaçant » qui se propose de « juger sans passion et à distance les événements importants qui troublent de temps à autre [le] monde politique et municipal ». L’hebdomadaire disparaît dès le 12 septembre suivant. Un an plus tard, le 25 septembre 1886, il fonde, à Montréal cette fois, le Violon, « le journal qui fait danser » et qui fait flèche de tout bois, comme tous les autres périodiques qu’a fondés et dirigés Berthelot. Le journal paraît jusqu’au 28 janvier 1888. Berthelot collabore à la Vie illustrée, « journal littéraire, satirique, humoristique, artistique, de société et de sport », publié à Montréal. Enfin, à l’occasion de l’élection provinciale déclenchée par Honoré Mercier, il lance l’Iroquois, le 24 mai 1890, qui disparaît quelques semaines plus tard, le 21 juin.

Berthelot a connu une carrière journalistique extraordinairement bien remplie. Ce succès, il le doit à son talent d’humoriste – on dit qu’il fut le plus grand de son époque, voire de son siècle – et de caricaturiste. Son personnage, Ladébauche, qu’il crée le 9 novembre 1878, n’est pas étranger au succès qu’il remporte auprès de ses lecteurs. Dans des éditoriaux signés Ladébauche, il ne manque jamais de les tenir, à sa façon, au courant de la politique fédérale, provinciale, même municipale. Ladébauche suit quotidiennement les activités politiques, sociales, culturelles et s’intéresse aux problèmes de l’heure : la question des écoles du Manitoba – il prend fait et cause pour les catholiques de cette province –, celle des chemins de fer du Nord, la chute des « rouges ». Il écorche les hommes politiques, décoche des flèches empoisonnées aux journaux rivaux, en particulier les journaux ultramontains, ridiculise les mœurs de ses concitoyens, s’amuse même aux dépens de ses propres amis. Dans la Presse du 4 juillet 1931, Éphrem-Réginald Bertrand, sous le pseudonyme de Gilles Reynald, jugera que « son Ladébauche ou sa Cane du parc Viger vous ont des analyses subtiles sur la mentalité et les activités de la population [... Le père Ladébauche] désespère d’empêcher jamais les femmes de s’émanciper ; il ose croire, en 1895, qu’elles en seront rendues au bout de 50 ans, à sacrer, boire, fumer le cigare. » Berthelot n’oublie pas les sociétés, les associations, les clubs. L’humoriste, doublé du caricaturiste, a ses têtes de Turc : le juge Bourgoin au long cou emmanché d’un long bec, représenté un jour comme une tête à ressort surgissant d’une boîte à surprise avec l’inscription « suite au prochain numéro » ; l’échevin Charles Thibault*, qu’il caricature toujours avec des pieds immenses, disproportionnés, qui rappellent à un père de famille éploré les cercueils de ses deux bessons. Manquant un jour de matière pour remplir son journal, il « prend une galée de pâtés (fouillis de lettres par quoi s’exercent les apprentis), y intercalle des « (applaud) », des bouts de mots ronflants, des points de suspension et d’exclamation : voilà un magnifique discours de Thibault », qui demande, comme tous les autres discours du célèbre échevin, au moins une semaine pour être digéré. Il épie constamment le « Grand Vicaire Trudel [François-Xavier-Anselme Trudel*] », rédacteur du Nouveau Monde, de Montréal, pour qui, avec Jules-Paul Tardivel* de la Vérité de Québec, il a une grande prédilection. Ses attaques, même sous le couvert de l’humour, ne se font pas sans risque : en 1889, il doit prononcer une conférence humoristique au Cabinet de lecture paroissial pour amasser des fonds afin de payer les frais de 422,67 $ pour diffamation que lui réclame une autre tête de Turc célèbre, le député Odilon Goyette, de Saint-Constant, qu’il a violemment attaqué dans un dialogue du Violon. À défaut de paiement avant le 4 janvier 1890, le juge l’a condamné à trois mois de prison.

L’une des plus spectaculaires mystifications de Berthelot est celle du samedi 14 février 1885, quand il annonce, dans le Canard, sa propre mort, après avoir été lâchement assailli par deux bandits armés de cannes chargées de plomb. Dans son testament qu’il a eu le temps de rédiger quelques minutes avant de mourir, une mort des plus dignes « dans la religion catholique et romaine », il « demande pardon à toutes personnes dont [il a] pu froisser les susceptibilités pendant [sa] carrière de journaliste ». Il s’adresse particulièrement au rédacteur de l’Étendard qui fut sa cible préférée et, « pour réparer le mal qu[’il a] commis », il demande à Trudel de prendre la rédaction du journal « afin de ramener [ses] abonnés dans la voie des saintes doctrines ». « Je déplore, poursuit-il, tous les paradoxes, et les subtilités sataniques dont je me suis servi pour attaquer les principes de l’Étendard. Je reconnais mes erreurs et je supplie le Grand Vicaire de me les pardonner. » Il se moque même de sa victime préférée en reproduisant, à la fin de son texte, un télégramme de Trudel, daté de la veille, annonçant qu’il accepte la rédaction du journal et qu’il enverra son premier article le lendemain.

À la mort d’Hector Berthelot, le 15 septembre 1895, les journaux sont unanimes pour déplorer la disparition d’un grand humoriste et d’un brillant journaliste qui s’est amusé à dénoncer les travers de la société. Jean Bâdreux (pseudonyme d’Henri Roullaud) s’est fait le porte-parole de ses confrères journalistes quand, dans le Monde du 16 septembre, il se borne « à saluer tristement l’un des [leurs] qui n’avait que des amis dans la presse et [qui], malgré ses coups souvent cruels, n’avait pas un ennemi parmi ceux que sa verve satirique a quelquefois asticotés ».

Aurélien Boivin

Littérateur à ses heures, Hector Berthelot fait paraître dans les pages du Vrai Canard de Montréal son seul roman, les Mystères de Montréal, roman de mœurs. La première partie est publiée du 20 décembre 1879 au 31 juillet 1880 ; la deuxième paraît du 13 novembre 1880 au 5 mars 1881. Ce roman est ensuite reproduit dans le Canard de Montréal du 23 mai 1896 au 18 février 1897, avant d’être publié en 1898 en volume chez A.-P. Pigeon, l’éditeur du Canard qui avait cessé sa publication le 24 septembre 1887 mais que Berthelot avait relancé le 25 novembre 1893. Ce roman est largement commenté dans le tome 1 du DOLQ. L’annonce qu’il fit de sa propre mort parut sous le titre de « Mort de Berthelot ». Berthelot est aussi l’auteur de : « Conférence donnée au Cabinet de lecture paroissial le 27 décembre 1889 », le Canard, 26 oct., 9, 16 et 30 nov. 1895.

En 1916, Édouard-Zotique Massicotte* édite, en deux volumes, sous le titre de Montréal, le bon vieux temps, plus de 70 chroniques consacrées à l’histoire de Montréal que Berthelot avait publiées dans la Patrie en 1884 et en 1885. La bibliographie des textes publiés par Hector Berthelot reste à faire.

AN, MG 30, D1, 4 : 519.— ANQ-M, CE1-51, 17 sept. 1895.— ANQ-MBF, CE1-48, 5 mars 1842.— L’Électeur, 17 sept. 1895.— La Minerve, 16 sept. 1895.— Le Monde (Montréal), 1617 sept. 1895.— La Patrie, 16 sept. 1895.— La Presse, 1617, 22 sept. 1895.— J. Hamelin et al., la Presse québécoise.Oxford companion to Canadian hist. and lit. (Story), 67.— P.-G. Roy, les Avocats de la région de Québec, 4041.— Wallace, Macmillan dict., 52.— E.-E. Cinq-Mars, Hull, son origine, ses progrès, son avenir (Hull, Québec, 1908), 137.— Alfred Duclos De Celles, « Hommes d’esprit d’autrefois », Almanach du peuple, 1919 : 299–306.— Joseph Jolicœur, Histoire anecdotique de Hull [...] (Hull, Québec, [1977]).— Henriette Tassé, la Vie humoristique d’Hector Berthelot (Montréal, 1934).— Gilles Reynald [Éphrem-Réginald Bertrand], « Hector Berthelot, l’ineffable humoriste ou le témoin goguenard et avisé d’un siècle qui s’en va », la Presse, 27 juin, 1er, 4, 8, 13 juill. 1931.

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Aurélien Boivin, « BERTHELOT, HECTOR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/berthelot_hector_12F.html.

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Auteur de l'article:    Aurélien Boivin
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    28 novembre 2024