HUNTER, JOHN HOWARD, éducateur, fonctionnaire et auteur, né le 22 décembre 1839 près de Bandon (république d’Irlande), fils de William Hunter et de Charlotte Howard ; en 1862, il épousa Annie Gordon, fille de John Gordon, d’Inverness, Écosse, et ils eurent quatre fils et trois filles ; décédé le 6 octobre 1910 à Toronto.

En Irlande, John Howard Hunter s’initia d’abord aux mathématiques et aux sciences, puis étudia deux ans au Queen’s College de Cork. En 1859, il immigra au Canada afin de poursuivre ses études à la University of Toronto : il reçut une licence ès arts en 1861 et une maîtrise ès arts l’année suivante. Toujours en 1862, peu après son mariage, il devint le premier directeur de la Beamsville Grammar School. Nommé en 1865 directeur de la grammar school et de l’école publique de Dundas, il passa en 1871 à la direction de la St Catharines Grammar School, puis, en 1874, à celle de l’Ontario Institution for the Education and Instruction of the Blind à Brantford. Il serait remercié de ses services en 1881 à la suite d’une controverse.

Hunter avait le tour d’irriter les élites éducationnelles et gouvernementales de la province, caractéristique qui valut à cet homme tranquille mais remarquable la douteuse distinction d’être, comme l’a dit l’un de ses premiers biographes, « [l’]homme le plus accablé d’invectives dans la province » à la fin du xixe siècle. En 1868, il avait convoqué une assemblée publique de l’Ontario Grammar School Masters’ Association, qu’il avait formée l’année précédente, pour protester contre les privilèges de l’Upper Canada College de Toronto. La même année, il avait publié des opuscules dans lesquels il accusait cet établissement de piller les fonds en fiducie réservés à l’instruction, de mal dépenser les dotations et de soudoyer les élèves des grammar schools au moyen de bourses. Un très vaste mouvement d’approbation avait accueilli ces publications. On avait présenté à l’Assemblée provinciale une motion en vue de priver le collège de ses dotations, mais le tumulte s’était apaisé.

Même si l’on reconnaîtrait à Hunter le mérite d’avoir, dès 1871, persuadé le gouvernement de subventionner plus généreusement les grammar schools, l’affaire de l’Upper Canada College ne marqua pas la fin de ses attaques contre le système ontarien d’enseignement. Dès 1869, il dénonçait l’ingérence du surintendant en chef de l’Éducation, Egerton Ryerson*, dans les questions relevant des autorités locales. Il publia deux analyses des projets de loi scolaire de 1868–1869, qui comprenaient selon lui des mesures trop sévères, dont l’emprisonnement des parents qui n’envoyaient pas leurs enfants à l’école, et pressa Ryerson de s’opposer à celles-ci. Peu après sa nomination à St Catharines en 1871, il se mit à protester que le conseil provincial de l’Instruction publique et le conseil de la University of Toronto n’étaient pas représentatifs. Par des articles qu’il écrivit dans l’Ontario Teacher et dans le Canadian Monthly and National Review de Toronto en 1873, il contribua, d’après certains, à la réforme du conseil provincial. Toujours en 1873, dans l’Ontario Teacher, il reprocha à l’université de tenir ses réunions du conseil à huis clos.

Hunter contraria les bureaucrates tout au long de son séjour à l’école de Brantford pour les aveugles. Pourtant, certains observateurs du milieu de l’éducation avaient bien accueilli sa nomination, et son apport à la formation des aveugles était certainement digne d’éloges. On lui reconnaît le mérite d’avoir initié les élèves à la télégraphie et au procédé d’imprimerie à points saillants, dit point de New York (utilisé à l’école durant le demi-siècle suivant), d’avoir inventé une tablette à écrire en caoutchouc souple et d’avoir appliqué la méthode d’enseignement de la musique conçue par le spécialiste américain William Bell Wait. De même, il offrit aux élèves un programme à la fois intéressant et exigeant, et publia plusieurs textes scolaires pour les aveugles. Ses rapports annuels étaient très recherchés par des écoles du même genre, tant en Europe qu’aux États-Unis.

Cette renommée internationale n’empêchait pas Hunter de s’en prendre aux fonctionnaires du département de l’Éducation au sujet du fonctionnement de son école. La hausse spectaculaire des inscriptions, qu’il encourageait, augmentait de façon dramatique les besoins matériels. Maintes fois, il réclama des fournitures supplémentaires et de nouveaux bâtiments, mais le département n’était pas prêt à financer davantage cette école expérimentale. En 1879, Hunter accusa l’économe de l’école, Walter Nicholl Hossie, de faire de l’obstruction et de commander des produits de qualité inférieure. Bon nombre des allégations de Hunter se révélèrent fondées ; pourtant, l’inspecteur provincial des prisons, asiles et établissements publics de charité, John Woodburn Langmuir*, prévint le directeur récalcitrant de modifier son « attitude envers l’économe et d’autres administrateurs de l’établissement ». L’économe ne tarderait pas à avoir sa revanche. Un élève s’étant plaint de mauvais traitements, le gouvernement, poussé par les protestations de l’opinion, institua une enquête en 1881. Au cours des audiences, des élèves témoignèrent que Hunter surveillait les choses de loin sans guère s’intéresser aux affaires courantes de l’école. Les instituteurs l’accusèrent de les encourager à se méfier des fonctionnaires de l’éducation et d’être hautain avec le personnel. Pour finir, Hossie fit observer que Hunter passait trop de temps à s’amuser avec ses inventions et négligeait les cours. Langmuir, tout en concédant que Hunter était bon pédagogue, conclut que ses compétences administratives étaient insuffisantes. Il recommanda donc de le remercier de ses services et de le muter ailleurs dans la fonction publique. En avril 1881, Alfred Hutchinson Dymond remplaça Hunter.

Peu de temps après son départ, Hunter devint le premier inspecteur des assurances de l’Ontario. Cette fois, son esprit pratique serait un atout. Une tâche énorme l’attendait : accorder un ensemble de lois disparates sur les sociétés d’assurances et de crédit, et imposer des restrictions à une industrie qui, même en Europe et aux États-Unis, était encore très peu réglementée. Dans les années 1870, le gouvernement d’Oliver Mowat avait donné à l’Ontario ses premières lois sur les sociétés d’assurances. (Elles ne s’appliquaient pas aux compagnies à charte fédérale ; celles-ci avaient été soumises à une réglementation du dominion à compter de 1875 [V. John Bradford Cherriman].) Hunter procéda à une vaste réforme des assurances en partant de ces lois.

D’abord, Hunter prépara un recueil des textes législatifs en vigueur. Puis des lois cadres furent adoptées en 1881–1882. Ensuite, à la faveur de l’Insurance Corporations Act de 1892, il fit modifier l’Ontario Insurance Act de 1876 pour placer sous l’autorité de son service toutes les entreprises et sociétés qui offraient des assurances dans la province (y compris les associations de bienfaisance, de prévoyance et de secours mutuel). Dans l’espoir de fermer la porte aux sociétés américaines frauduleuses, il profita également de la loi de 1892 pour modifier la loi de 1874 sur les sociétés de bienfaisance et frapper d’interdiction toute société étrangère qui ne faisait pas déjà affaire en Ontario. Cette même loi de 1892 fit de lui le premier agent provincial des registres des sociétés de secours mutuel et l’inspecteur de ces sociétés. En consultant ses rapports annuels, on ne peut douter que le secteur des assurances devint très réglementé au cours de son mandat.

Pour ne pas être sans défense en cette nouvelle ère de réglementation gouvernementale, plusieurs des grandes confréries ontariennes qui se spécialisaient dans les assurances formèrent en 1892 la Canadian Fraternal Association [V. Oronhyatekha]. Ce regroupement ne tarda pas à découvrir que les recherches novatrices de Hunter en matière d’actuariat pouvaient servir à légitimer les affaires des confréries. Hunter fut souvent invité à prendre la parole aux assemblées annuelles de l’association et, au fil des ans, il collabora étroitement avec l’organisme afin de déterminer les primes, la dette actuarielle, les normes de solvabilité, les fonds de prévoyance et la situation financière des membres âgés. En janvier 1897, il publia une table actuarielle fondée sur l’expérience acquise de 1847 à 1893 par la Compagnie d’assurance du Canada sur la vie [V. Hugh Cossart Baker*]. Les confréries américaines et canadiennes jugèrent que cette table – la première du genre établie selon les classes sociales de l’Occident – les aiderait grandement à rentabiliser leurs activités d’assurance-vie. Le National Fraternal Congress des États-Unis l’adopterait en 1899.

Hunter se vit confier des attributions supplémentaires en 1897 en tant que premier agent des registres des sociétés de crédit, poste créé afin de surveiller les fonds provenant de la spéculation immobilière. Dans chacun de ses rapports annuels d’inspecteur des assurances, il recommanda une infinité d’améliorations à la législation sur les assurances ; ses recommandations allaient servir de guide à la rédaction des lois tout au long du xxe siècle. À la fin de sa vie, Hunter était considéré comme l’une des plus grandes autorités nord-américaines en matière de droit des assurances et d’actuariat. Qualifié pour figurer dans la Canadian Law List de Toronto dès 1890, il fut nommé conseiller du roi en 1902. En avril 1910, à l’assemblée du Canadian Fraternal Congress, on laissa entendre que ses travaux sur les normes de solvabilité lui donnaient droit au titre de « père des confréries ontariennes ». De toute évidence, les structures bureaucratiques lui déplaisaient toujours autant : il affirma qu’il était heureux d’être à l’assemblée, car il pouvait ainsi sortir de « l’affreux train-train du bureau ».

Ce que Hunter fit dans le domaine de l’éducation et des assurances a eu tendance à faire oublier ses écrits littéraires. D’abord formé comme professeur d’anglais, il publia dans le Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Review des articles souvent pleins de grandes envolées poétiques, notamment un éloge du poète Louis Fréchette. Au moyen de quelques articles parus en 1882–1883 dans Picturesque Canada [V. George Monro Grant], il tenta, a noté un biographe, de faire revivre « des épisodes romanesques de l’histoire dont on avait perdu la trace ou le souvenir ». En 1882, le gouvernement de l’Ontario lui demanda de compiler et de préparer pour la publication une série de Royal readers à l’intention des écoles normales et des établissements gouvernementaux.

À l’automne de 1910, John Howard Hunter travaillait à son bureau de Queen’s Park lorsqu’il fut pris d’un malaise. Il rentra donc chez lui, à deux pas de là, rue St Mary. Moins d’une semaine plus tard, il mourut d’une pneumonie. Inconsolable, sa veuve, Annie, décéda à son tour moins de trois mois plus tard. Le testament de Hunter révèle qu’il avait beaucoup investi dans des débentures municipales et des sociétés d’aménagement de terrains. Pourtant, il n’avait pas jugé utile de prendre une police d’assurance-vie.

Gayle M. Comeau-Vasilopoulos

Les publications de John Howard Hunter sur les assurances comprennent Public general acts of the Ontario Legislature relating to insurance ; with notes of amendments and an analytical index ; also a list of special acts of incorporation (Toronto, 1881) et The Ontario Insurance Act, 1887, (50 V[icy.] c.53) : being an act for consolidating and amending the arts respecting insurance companies, to which are prefixed notes on the new provisions (Toronto, 1887). Hunter a aussi préparé les chapitres d’introduction d’ouvrages sur les assurances et sur la législation en matière de droits immobiliers rédigés par son fils William Howard Hunter (détails ci-dessous).

En plus des divers rapports mentionnés dans le texte, Hunter a publié, en 1868, à Dundas, Ontario, un placard et deux opuscules sur l’affaire de l’Upper Canada College : The Upper Canada College question : Mr. Hunter’s reply to a recent article in the Toronto « Telegraph » ; The U. C. College question : an examination, in what is believed to be intelligible language, of three not very intelligible points [...] compiled by order of the Ontario Grammar School Masters’ Association ; et The Upper Canada College question : opinions of the press with strictures on articles that have recently appeared in certain Toronto newspapers ; il a aussi fait paraître un article intitulé « School administration in Ontario », Canadian Monthly and National Rev. (Toronto), 4 (juill.–déc. 1873) : 517–527, et un autre, « The education of the blind » dans Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Rev. (Toronto), 5 (juill.–déc. 1880) : 171–182. Les articles rédigés par Hunter pour Picturesque Canada : the country as it was and is, G. M. Grant, édit. (2 vol., Toronto, 1882-[1884]) s’intitulent « From Ontario westward », « Central Ontario », et « South-eastern Québec », 441–542, 621–654, et 675–696.

AO, RG 22, Ser. 305, nos 23213, 23641 ; RG 63, A-11, box 850, file 50 ; box 851, file 1 ; C-2, boxes 365–367.— Mount Pleasant Cemetery (Toronto), Tombstone inscription, plot 7, lot 8.— Daily Expositor (Brantford, Ontario), 4, 8, 13 mai, 20 juin 1874, 23 mars, 23 déc. 1876.— Evening Telegram (Toronto), 7 oct. 1910.— Hamilton Spectator, 2 sept. 1868.

Appletons’ cyclopœdia of American biography, JG. Wilson et al., édit.(10 vol., New York, 1887–1924), 3 : 322.— Canadian Fraternal Assoc., Journal of proc. (Guelph, Ontario), 1910 ; Minutes of the preliminary convention, of the constituting meeting, and of the first annual session [...] (Toronto, 1892 ; exemplaire aux AO).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— E. J. Dunn, The builders of fraternalism in America (Chicago, 1924 ; exemplaire conservé au Independent Order of Foresters Museum, Toronto).— W. H. Hunter, The Insurance Corporations Act, 1892, with practical notes and appendices [...] (Toronto, 1892) ; [...] to which is now added as appendix D, 56 Vic., chap. 32 (an act respecting the insurance law) (autre éd., Toronto, 1893).— Ontario, Inspector of Insurance and Registrar of Friendly Societies, Detailed report (Toronto), 1879–1910 (publiés aussi dans Ontario, Legislature, Sessional papers) ; Inspector of Prisons and Public Charities, Annual report (Toronto), rapports de l’Ontario Institution for the Education and Instruction of the Blind, Brantford, 1874–1881, et de Howard, à titre de principal, 1874–1880 (publiés aussi dans les Sessional papers) ; Législative Assembly, General index to the journals and sessional papers [...] from the session of 1867/8 to the session of 1882/3 [...], A. H. Sydere, compil. (Toronto, 1888), 522 ; Registrar of Loan Corporations, Loan corporations statements [...1 (Toronto), 1897–1910 (aussi publiés dans les Sessional papers) ; The revised statutes of Ontario [...] (2 vol., Toronto, 1877), c.172 ; Statutes, 1876, c.23 ; 1879, c.25 ; 1892, c.39 ; 1897, c.36, c.38.— Ontario Teacher (Strathroy, Ontario), 1 (1873) : 111–114, 296–303.— Margaret Ross Chandler, A century of challenge : the history of the Ontario School for the Blind (Belleville, Ontario, 1980), 74–90.— Toronto the prosperous : special number of the « Mail and Empire » [...] showing the commercial, manufacturing, financial and professional interests ([Toronto, 1906] ; exemplaire à la MTRL), 29.— Torrens title cases : being a collection of important cases decided by the courts of England, Australasia and Canada [...] to which is prefixed a summary of Torrens title legislation, with introduction, W. H. Hunter, compil. (Toronto, 1895 ; réimpr. sur microfiche, 7 fiches, Honolulu, [1981]).— Who’s who (Londres), 1910.

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Gayle M. Comeau-Vasilopoulos, « HUNTER, JOHN HOWARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hunter_john_howard_13F.html.

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Auteur de l'article:    Gayle M. Comeau-Vasilopoulos
Titre de l'article:    HUNTER, JOHN HOWARD
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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