HOWATT, CORNELIUS, fermier et homme politique, né en 1810 à la ferme familiale de Tryon, Île-du-Prince-Édouard, fils de James Howatt et d’Ellen Miller ; vers 1840, il épousa Jane Bell, et ils eurent sept fils et deux filles ; décédé le 7 mai 1895 à North St Eleanors, Île-du-Prince-Édouard.
Cornelius Howatt, cultivateur à bail de Tryon, fut élu pour la première fois à la chambre d’Assemblée de l’Île-du-Prince-Édouard en 1859 ; il y siégerait jusqu’à sa défaite aux élections de 1876. Durant trois des années qu’il passa à l’Assemblée, soit de 1874 à 1876, il en fut président, succédant à ce poste à Stanislaus Francis Perry. Quoique sa carrière politique n’ait pas été particulièrement remarquable selon les critères généralement appliqués, on se souvient de lui pour son opposition passionnée à la Confédération.
À la fin des années 1860 et au début des années 1870, Howatt n’était qu’un des nombreux hommes politiques de l’île à s’opposer à la Confédération, mais il se distinguerait bientôt par la ténacité de son opposition. En effet, la situation confuse du début des années 1870 les inciterait presque tous à appuyer l’union avec le Canada, ou du moins à y consentir ; Howatt cependant ne changea pas d’avis. Le seul autre homme politique qui ait persisté aussi longtemps que lui dans cette opposition fut Augustus Edward Crevier Holland, son collègue député du 4 e district du comté de Prince.
En s’opposant à la Confédération, l’Assemblée de l’Île-du-Prince-Édouard se faisait l’écho de la volonté populaire. En mars 1871, le lieutenant-gouverneur William Cleaver Francis Robinson avait estimé que les neuf dixièmes de la population de la colonie rejetaient l’union, quelles qu’en soient les conditions. L’enthousiasme des insulaires pour le chemin de fer allait toutefois décider de leur sort. En avril 1871, le gouvernement de James Colledge Pope* adopta une loi qui prévoyait la construction d’un chemin de fer, mais au début de l’année 1873, la construction de la ligne avait entraîné une dette si énorme que le gouvernement de Robert Poore Haythorne dut rouvrir les négociations avec le gouvernement canadien. Quand il présenta aux électeurs de l’île, en avril, les conditions de l’union convenues à Ottawa, Haythorne essuya une défaite, mais la plupart des députés opposés à la Confédération avaient compris qu’il était vain de poursuivre la lutte. Néanmoins, Howatt insista pour faire la proposition suivante : « que la chambre est d’avis crue les meilleurs intérêts et la prospérité future de l’Île-du-Prince-Édouard seraient assurés par le refus de conditions d’entrée dans l’union avec le Dominion du Canada ». Holland appuya la proposition, mais celle-ci fut rapidement rejetée par 24 voix contre 2. Bien des députés estimaient que les irréductibles du 4 e district de Prince s’entêtaient inutilement. Howatt soutint cependant qu’un jour son geste serait justifié ; il souhaitait que sa proposition serve à « établir qui avait [raison] et qui n’avait pas raison ».
L’opposition de Howatt à l’union était dans une large mesure le fruit de la prospérité et de l’optimisme qu’avait connus l’île dans les années 1860. Une fois les temps les plus difficiles de la colonisation et de l’adaptation passés, beaucoup ressentaient avec fierté que la colonie était devenue une société économiquement autonome et politiquement « indépendante ». C’est d’ailleurs ce qui se dégage de l’important discours que Howatt prononça à l’Assemblée pendant la session de 1866. « Enlever à un pays sa constitution est une chose grave, disait-il. Nous avons maintenant la direction de nos propres affaires ; et si un parti ne nous plaît pas, nous pouvons [en élire] un autre ; mais dès que nous entrerions dans la Confédération nous cesserions d’avoir toute emprise même sur les questions qui nous concernent. Les autres colonies parlent maintenant de nous avec le plus grand mépris, alors, quelle chance aurions-nous. Tout ce que nous obtiendrions, ce serait en mendiant. » Jusqu’en 1873, Howatt répéta cette rengaine, insistant sur le fait que la Confédération signifiait l’« anéantissement politique » et qu’un jour viendrait où la population de l’île regretterait profondément sa décision de s’unir au Canada.
Il est intéressant de noter qu’un siècle plus tard, en 1973, un petit groupe d’insulaires formait la société des Brothers and Sisters of Cornelius Howatt, dans le but avoué d’étudier d’un point de vue critique le rôle de l’île dans le Canada. À cause de ce groupe, Howatt, qui avait presque été oublié, retrouva sa place dans la conscience historique et devint un personnage central dans une réinterprétation de l’époque de la Confédération selon laquelle la résistance de l’île à l’union n’était pas tant la manifestation d’une peur viscérale du changement, ou un stratagème pour obtenir de meilleures conditions du gouvernement canadien, que l’expression des sentiments très positifs de fierté et de patriotisme qui s’étaient développés dans la colonie.
Durant toute sa carrière politique, Howatt fut une sorte de populiste rural dont les positions traduisaient, comme il l’affirmait fréquemment, la sagesse naturelle des fermiers qu’il représentait. C’est ainsi qu’il formulait son opposition à la Confédération. En 1867 par exemple, il avait espéré que vienne le jour « où les hommes de « la campagne » feraient leur devoir » et empêcheraient que la Confédération ne soit imposée à la population. Comme la plupart des habitants de l’Île-du-Prince-Édouard, Howatt était né et avait grandi en milieu rural, et c’est là qu’il avait vécu et travaillé la plus grande partie de sa vie. Il était donc normal que la seule chose qui lui ait permis d’acquérir quelque notoriété – son rejet de la Confédération – n’ait été dans une large mesure que le reflet de ce que pensaient les simples citoyens de l’île. Howatt n’avait jamais eu beaucoup de pouvoir ou d’influence en qualité d’homme politique et, après l’entrée de l’Île-du-Prince-Édouard dans la Confédération, il disparut rapidement de la vie politique de l’île.
Cornelius Howatt avait perdu quatre enfants de son vivant. Parmi les fils qui lui restaient, seul Nelson, qui prendrait sa suite à la ferme, demeura dans l’île. Sa fille Helen épousa John Howatt Bell*, qui fut premier ministre de l’île de 1919 à 1923.
Les principales sources imprimées utilisées pour rédiger cette biographie sont les Debates and proc. de l’Î.-P.-É., House of Assembly, et différents journaux, dont le Charlottetown Herald, l’Islander, l’Examiner (Charlottetown), l’Island Argus (Charlottetown), le Summerside Progress (Summerside, Î.-P.-É.), et le Broad-Axe (Charlottetown). La notice nécrologique la plus complète est celle de l’Island Farmer (Summerside), 9 mai 1895. Une courte biographie, écrite par David Weale, Cornelius Howatt, farmer and Island patriot, a paru à Charlottetown en 1973.
David E. Weale, « HOWATT, CORNELIUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/howatt_cornelius_12F.html.
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Auteur de l'article: | David E. Weale |
Titre de l'article: | HOWATT, CORNELIUS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |