STONE, JOEL, homme d’affaires, juge de paix, fonctionnaire et officier de milice, né le 7 août 1749 à Guilford, Connecticut, fils de Stephen Stone et de Rebecca Bishop ; le 23 mars 1780, il épousa à New York Leah Moore, et ils eurent un fils et une fille qui atteignirent l’âge adulte, puis pendant l’été de 1799 Abigail Cogswell, veuve d’Abraham Dayton ; décédé le 20 novembre 1833 à Gananoque, Haut-Canada.

Joel Stone passa ses premières années près de Litchfield, dans le Connecticut, où il participait aux travaux de la ferme familiale. En 1774, il s’associa à une compagnie de marchands généraux à Woodbury ; il s’installa dans la paroisse voisine de Judea et, dès 1776, il s’attira la colère des révolutionnaires en manifestant publiquement ses sentiments loyalistes. Ses biens furent confisqués et il s’enfuit à New York. Volontaire dans les troupes britanniques, il fut capturé à l’île Long en 1778 et emprisonné à Fairfield, dans le Connecticut. Évadé le 23 juillet, il recommença peu à peu à travailler comme marchand, à New York cette fois, et devint capitaine dans la milice de la ville en 1780. Trois ans plus tard, il s’embarqua pour l’Angleterre dans l’espoir d’être indemnisé pour les biens et les effets personnels (quelque £1 500, selon son estimation) qu’il avait perdus dans le Connecticut. Il espérait aussi être en mesure d’accélérer le règlement d’une cause qui se tenait devant la Cour de la chancellerie au sujet d’un héritage laissé à sa femme. En raison de complications bureaucratiques et légales, il ne revint en Amérique du Nord, et plus précisément à Québec, qu’en octobre 1786.

Impressionné par les perspectives que lui ouvrait la colonie, Stone s’installa à Cornwall (Ontario) avec sa famille au printemps de 1787 et ouvrit une petite distillerie. Il demanda une concession à l’embouchure de la Gananoque, mais les avantages géographiques de l’emplacement amenèrent sir John Johnson à faire une demande semblable. Le différend qui s’ensuivit dura plusieurs années. Finalement, en 1790, Stone obtint une concession de 700 acres sur le côté ouest de la rivière.

Malgré sa détermination à récupérer dans le Haut-Canada l’équivalent de ses pertes passées, Stone dut bien vite douter d’y parvenir, car plusieurs malheurs le frappèrent entre 1788 et 1790. Des pénuries généralisées de grain nuisirent sérieusement à sa distillerie, et les difficultés financières qui en résultèrent furent aggravées par l’échec de son mariage. Il avait entrepris des démarches pour obtenir une séparation légale de sa femme en juin 1789 et, après avoir entendu dire qu’elle projetait de quitter Montréal pour revenir à Cornwall, il écrivait à son frère, en octobre : « Si cette femme vient ici [...] je m’arrangerai pour m’en aller tout droit dans le Connecticut avec mes enfants. » Il s’y rendit effectivement en 1791 et plaça son fils et sa fille dans une école de Hartford, sous la garde de sa sœur, « en attendant de [se] débarrasser des mauvais exemples de [sa] propre famille ». En outre, il tenta une dernière fois d’obtenir la restitution de ses biens confisqués. Ayant échoué, il retourna dans le Haut-Canada au bout de plusieurs mois.

Une fois installé à Gananoque, Stone, toujours ambitieux, devint graduellement le principal propriétaire terrien de l’endroit et l’habitant le plus en vue. En 1791, il ouvrit une scierie qui lui permit de diversifier encore davantage ses intérêts commerciaux. Dès 1795, il négociait avec des marchands de Kingston et de Montréal et détenait un bail sur l’île Howe pour y installer des fours à chaux. Toujours en quête de distinctions, il obtint plusieurs postes clés dans l’administration de la région, dont celui de juge de paix en 1796, de receveur des douanes en 1802 et de commissaire de la voirie en 1814. Il rendit son village plus accessible en mettant en service un traversier sur la Gananoque en 1801. Peu à peu, il élargit son champ d’activité et devint marchand général.

Pour Stone la guerre de 1812 apparut en quelque sorte comme le paroxysme d’une succession de malheurs, dont le premier avait été la mort de son fils en 1809. Situé sur la seule route d’approvisionnement du Haut-Canada, Gananoque fut l’une des premières cibles des raids américains, qui y causèrent des dommages considérables en septembre 1812. Stone, colonel du 2nd Leeds Militia, était absent au moment de l’attaque, mais on rapporte que les envahisseurs firent feu dans sa maison et blessèrent sa femme Abigail.

Pendant les années d’après-guerre, la personnalité de Joel Stone se transforma. Converti depuis peu au méthodisme sous l’influence d’Abigail, il se montra de plus en plus soucieux de ses responsabilités religieuses et morales. En 1815, il céda officiellement la quasi-totalité de ses intérêts commerciaux à son gendre, Charles McDonald, et s’absorba dans ses devoirs civiques et judiciaires. Ses dernières années se passèrent dans le calme de l’introspection. L’auteur de sa nécrologie dans la Chronicle & Gazette parla de lui comme d’« un gentleman profondément regretté et authentiquement loyal ».

Elizabeth M. Morgan

AO, ms 519.— APC, MG 23, HII, 1.— Litchfield Hist. Museum (Litchfield, Conn.), Joel Stone papers.— MTL, Joel Stone papers.— QUA, Joel Stone papers.— Loyalist narratives from Upper Canada, J. J. Talman, édit. (Toronto, 1946).— Chronicle & Gazette, 29 juin–30 nov. 1833.— Kingston Chronicle, 1819–1833.— Kingston Gazette, 1812–1818.— H. W. Hawke, Historic Gananoque (Belleville, Ontario, 1974).— Kenneth Donovan, « Taking leave of an ungrateful country » : the loyalist exile of Joel Stone », Dalhousie Rev., 64 (1984–1985) : 125–145.— H. S. McDonald, « Memoir of Colonel Joel Stone, a United Empire Loyalist and founder of Gananoque », OH, 18 (1920) : 59–90.

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Elizabeth M. Morgan, « STONE, JOEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stone_joel_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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