HESPELER, WILLIAM (Wilhelm), homme d’affaires, fonctionnaire, homme politique et juge de paix, né le 29 décembre 1830 dans le grand-duché de Bade (Allemagne), deuxième fils de Johann Georg Hespeler et d’Anna Barbara Wick ; le 21 décembre 1854, il épousa Mary H. Keatchie (décédée en 1872), de Galt (Cambridge, Ontario), et ils eurent trois enfants dont deux atteignirent l’âge adulte, puis le 15 décembre 1874, Mary Meyer (décédée en 1883), de Seaforth, Ontario, et finalement le 6 avril 1887, à Port Arthur (Thunder Bay, Ontario), Catherine Robertson, née Keatchie (décédée en 1920), sœur de sa première femme ; aucun enfant ne naquit de ses deuxième et troisième mariages ; décédé le 18 avril 1921 à Vancouver.

William Hespeler grandit au sein de la bourgeoisie du pays de Bade ; son père était un marchand aisé et sa mère était apparentée à l’aristocratie hongroise. Les neuf enfants – deux garçons et sept filles – reçurent une solide éducation en allemand, en français et en anglais. Ils baignèrent dans la tradition marchande de la famille et acquirent un goût de l’aventure que seul tempérait le conservatisme social inhérent à leur classe. Les Hespeler croyaient non seulement au progrès technique mais aussi au progrès politique. Cependant, l’échec de la révolution de 1848 anéantit leurs espoirs de voir une réforme démocratique se produire dans le Bade. Convaincus que servir la collectivité était un devoir, ils prendraient souvent part à la vie civique et politique.

Au fil d’une série de migrations amorcée par le frère aîné de William, Jacob, la plupart des membres de la famille Hespeler finirent par s’établir dans le Haut-Canada, plus précisément dans la région de Berlin (Kitchener) et de Waterloo. Arrivé en 1850 dans cette enclave à forte population allemande, William Hespeler démontra par son mariage avec une Canadienne d’ascendance presbytérienne écossaise, Mary H. Keatchie, qu’il n’entendait pas restreindre ses relations au cercle de ses compatriotes et coreligionnaires (il était luthérien). De même, il prouva bientôt qu’il avait le sens des affaires. Après avoir travaillé dans l’entreprise de minoterie, de distillerie et de commerce de son frère à Preston (Cambridge), il mit sur pied en 1854 une entreprise du même genre à Waterloo avec George Randall. Quelques années plus tard, les associés bâtirent la Granite Mills et la Waterloo Distillery. Dès 1861, cette société florissante produisait 12 000 barils de farine et 2 700 barils de whisky ; elle employait 15 hommes.

Dans les années 1870, la carrière de Hespeler prit un tour nouveau. Une source indique que, naturalisé sujet britannique, il servit un moment comme brancardier au cours de la guerre franco-allemande de 1870–1871. Il revint ensuite au Canada mais, dès le printemps de 1872, il avait confié son entreprise aux soins d’un employé, Joseph Emm Seagram*, et emmené dans le Bade sa femme malade et ses deux enfants survivants. Le 2 février 1872, le gouvernement canadien l’avait nommé agent spécial d’immigration auprès de l’Allemagne. Avec le concours d’agents expéditionnaires de l’Allan Line [V. sir Hugh Allan*], il recrutait de nouveaux colons, surtout dans la province d’Alsace, ravagée par la guerre. Cet été-là, le gouvernement du Canada l’envoya dans le sud de la Russie, d’où voulaient émigrer un grand nombre de mennonites germanophones. Malgré la vive opposition des autorités russes et l’inertie des diplomates britanniques, Hespeler organisa la venue de plusieurs milliers de mennonites au Canada [V. Gerhard Wiebe*].

Récompensé par le ministre fédéral de l’Agriculture, John Henry Pope*, au moyen d’un poste d’agent fédéral d’immigration au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest (fonction qu’il exercerait jusqu’en 1882), Hespeler, veuf depuis peu, élut domicile à Winnipeg en 1873. Du fait de son travail, qui consistait notamment à fournir un refuge temporaire et des provisions d’urgence aux nouveaux arrivants ainsi qu’à leur assigner des terres, il était en contact étroit avec les établissements mennonites et les premières communautés islandaises [V. Jón Bjarnason*]. En outre, il organisait des secours pour les réfugiés juifs [V. Benjamin Zimmerman]. Le principe de laisser-faire appliqué par le gouvernement en matière d’installation des immigrants ne lui convenait pas ; son attitude à lui était paternaliste. Il n’avait aucun scrupule à distribuer le secours gouvernemental tout en veillant à ses propres intérêts de marchand céréalier. Planifier de nouveaux établissements – Niverville par exemple – et essayer des innovations agricoles le passionnaient. Avec son fils, il érigea en 1879 ce qui, dit-on, fut le premier élévateur à grain de l’Ouest canadien. Il explorait adroitement les possibilités que cette région pionnière offrait à un entrepreneur comme lui en acquérant des lots ruraux et urbains, en négociant des hypothèques et des prêts et en servant d’intermédiaire entre le milieu des affaires de Winnipeg et les établissements mennonites. De 1886 à 1905, il serait directeur de la Manitoba Land Company. Il ne tarda pas à être reconnu comme un spécialiste du développement de l’Ouest canadien.

Dans la seconde moitié des années 1870, Hespeler – remarié et au sommet de sa forme – manifesta son civisme de multiples façons. Il fut élu échevin du quartier sud de Winnipeg en 1876 et 1878, entra au conseil d’administration de l’Hôpital Général de Winnipeg (il en serait président durant plus d’une décennie à compter de 1889) et, le 25 novembre 1876, fut nommé au conseil provisoire du Keewatin, aux prises avec une épidémie de variole qui allait durer jusqu’en 1877. En 1876 également, il fut nommé juge de paix. Sa participation à la vie de la communauté anglo-saxonne de Winnipeg ne l’empêchait pas de fréquenter la petite population allemande de la ville. Sa deuxième femme, Mary Meyer, était d’origine allemande. Lui-même appartint à des cercles allemands d’activités sociales et de chant à la fin des années 1870 et vers 1885.

En 1882, le gouvernement allemand, à la recherche d’un consul honoraire pour Winnipeg et les Territoires du Nord-Ouest, choisit tout naturellement Hespeler. Ce poste non rémunéré lui permit de continuer à s’occuper de ses affaires et l’aiderait à surmonter deux drames personnels : la mort de sa deuxième femme en 1883 et celle de sa fille, Georgina Hope, épouse d’Augustus Meredith Nanton, en 1886. À titre de consul, il maintenait des liens avec la communauté allemande de la ville, qui était de plus en plus nombreuse. En 1888 par exemple, il soutint la création d’une congrégation allemande de foi luthérienne à Winnipeg. L’année suivante, il contribua au lancement d’un journal germanophone, le Nordwesten. Bien que sa fonction consulaire ait représenté une charge de plus en plus lourde au début du nouveau siècle, il l’exercerait jusqu’en juillet 1907. Il reçut en 1903 l’ordre de l’Aigle rouge pour ses 20 années de service.

À 69 ans, Hespeler entama une carrière politique. Sa réputation de minutie et de bon sens, de même que ses relations suivies avec la communauté mennonite, lui assurèrent la victoire dans la circonscription rurale de Rosenfeld aux élections provinciales du 7 décembre 1899. Il s’était présenté comme candidat indépendant à tendance conservatrice mais, une fois élu, il se déclara opposé au gouvernement du premier ministre conservateur Hugh John Macdonald. Le 29 mars 1900, il assuma la présidence de l’Assemblée législative ; il devenait ainsi l’un des premiers – et non le premier, comme on l’a prétendu – à occuper ce poste dans un corps législatif de l’Empire britannique sans être sujet britannique de naissance. Modeste, il quitta la politique quelques années après afin de céder la place à un candidat plus jeune.

Grâce à ses activités commerciales, Hespeler avait bâti une fortune qui lui promettait une vieillesse confortable en compagnie de sa troisième femme, Catherine Robertson. Toujours membre du conseil d’administration de plusieurs institutions financières, il aurait pu passer ses dernières années à goûter le fruit de son labeur dans le luxueux immeuble d’habitation de Fort Rouge (Winnipeg) que le fameux architecte John D. Atchison avait conçu pour lui en 1906. La Première Guerre mondiale l’en empêcha. Mis au ban à cause de ses origines allemandes, sa réputation chuta. Il refusa pourtant de se laisser intimider par le chauvinisme agressif de cette période et consacra ses énergies à aider des immigrants allemands de fraîche date qui avaient perdu leur emploi. La ville, comme le reste du Canada, ne tardèrent pas à l’oublier.

Après la mort de sa troisième femme en 1920, William Hespeler s’installa à Vancouver pour se rapprocher de son fils, Alfred. Décédé quelques mois plus tard, cet homme qui, rappelait sa nécrologie, « a[vait] déjà été si important dans la vie de la province » fut inhumé au cimetière anglican St John à Winnipeg, parmi les pionniers de la ville.

Angelika Sauer

AO, RG 80-5-0-42, no 2961.— Manitoba, Legislative Library (Winnipeg), Biog. scrapbooks.— Univ. of Waterloo Library, Special Coll. Dept. (Waterloo, Ontario), GA 104 (Seagram Museum fonds), sousfonds 1 (Joseph E. Seagram and Sons, Ltd fonds) ; sousfonds 2 (Seagram family fonds).— Berliner Journal (Berlin [Kitchener, Ontario]), 1858–1872.— Dumfries Reformer (Galt [Cambridge, Ontario]), 27 déc. 1854.— Manitoba Free Press, 19 avril 1921.— Nordwesten (Winnipeg), 1889-1921.— Winnipeg Tribune, 15 avril 1911, 29 mai 1930.— Alexander Begg et W. R. Nursey, Ten years in Winnipeg : a narration of the principal events in the history of the city of Winnipeg from the year A.D. 1870 to the year A.D. 1879, inclusive (Winnipeg, 1879).— George Bryce, A history of Manitoba ; its resources and people (Toronto et Montréal, 1906).— Mme George Bryce [Marion Samuel], « Historical sketch of the charitable institutions of Winnipeg », Manitoba, Hist. and Scientific Soc., Trans. (Winnipeg), no 54 (févr. 1899) : 1–31.— Canada, Parl., Doc. de la session, rapports du dép. de l’Agriculture, 1871–1882.— Ernst Correll, « Mennonite immigration into Manitoba : sources and documents, 1872, 1873 » Mennonite Quarterly Rev. (Goshen, Ind.), 11 (1937) : 196–227, 267–283.— CPG, 1901.— Werner Entz, « William Hespeler, Manitoba’s first German consul », German-Canadian yearbook (Toronto), 1 (1973) : 149–152.— Arthur Grenke, « The formation and early development of an urban ethnic community : a case study of the Germans in Winnipeg » (thèse de ph.d., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1975).— Angelika Sauer, « Ethnicity employed : William Hespeler and the Mennonites », Journal of Mennonite Studies (Winnipeg), 18 (2000) : 82–94.— W. H. E. Schmalz, « The Hespeler family », Waterloo Hist. Soc., Annual report (Kitchener), 57 (1969) : 21–29.— F. H. Schofield, The story of Manitoba (3 vol., Winnipeg, 1913).

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Angelika Sauer, « HESPELER, WILLIAM (Wilhelm) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hespeler_william_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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