HENRY, EDME (Edmund), notaire, homme politique, officier de milice, agent foncier, homme d’affaires et fonctionnaire, né le 15 novembre 1760 à Longueuil (Québec), fils d’Edme Henry, chirurgien-major dans le régiment du Royal Roussillon, et de Geneviève Fournier ; il épousa Eunice Parker, puis le 9 octobre 1828, à Laprairie (La Prairie, Québec), Marie-Clotilde Girardin ; décédé le 14 septembre 1841 au même endroit et inhumé dans la crypte de l’église paroissiale.
Après la guerre de Sept Ans, le père d’Edme Henry s’établit aux îles françaises de Saint-Pierre et Miquelon et laissa alors sa femme et ses enfants à Montréal. Henry fréquenta le collège Saint-Raphaël de 1772 à 1778 puis étudia le droit pendant trois ans chez Simon Sanguinet*. Mandaté comme notaire le 2 juillet 1783, il commença à pratiquer à Montréal. De 1787 à 1793, il dut interrompre ses activités professionnelles pour régler des affaires familiales à Saint-Pierre et Miquelon. Après la conquête de ces îles par les forces britanniques de James Ogilvie* en 1793, il fit valoir son statut de sujet britannique et obtint l’autorisation de rentrer au Bas-Canada avec sa famille et ses biens.
Après le renouvellement de sa commission de notaire le 17 février 1794, Henry ouvrit un cabinet à Laprairie, où il ne tarda pas à se distinguer. Élu député de la circonscription de Huntingdon en 1810, il le demeura jusqu’en 1814 mais assista rarement aux sessions. Lorsque le gouverneur en chef sir George Prevost* l’interrogea à titre personnel sur les motifs de la désaffection des Canadiens pour le gouvernement, il répondit que le mécontentement venait surtout de la jalousie que suscitait le favoritisme et que les insatisfaits, à leur tour, semaient des doutes dans l’esprit du clergé quant aux intentions gouvernementales. Les deux groupes s’opposaient donc de conserve aux projets gouvernementaux. À titre de solutions, il proposait que le gouvernement se décentralise davantage et surtout qu’il tente de multiplier ses appuis dans les régions rurales, parmi les gens du commun plutôt qu’auprès de l’élite.
Si Henry s’absentait de l’Assemblée, c’était en partie à cause de ses engagements militaires. Major du bataillon de milice de Beauharnois à compter du 15 mai 1812, il participa à la bataille de Châteauguay en octobre 1813 [V. Charles-Michel d’Irumberry* de Salaberry] et prit le commandement du bataillon de milice de Boucherville après que le lieutenant-colonel Charles William Grant fut tombé aux mains des Américains en décembre. Le 2 juillet 1822, il fut promu lieutenant-colonel du 2e bataillon de milice du comté de Huntingdon. Le 27 juillet 1825, en reconnaissance de ses états de service, on lui concéda 1 000 acres de terre dans le canton de Kilkenny.
À titre de notaire, Henry connut sa période la plus active de 1794 à 1814 : le total des actes qu’il dressa alors s’élève à 4 352. Son neveu Louis Barbeau étudia à ses côtés de 1800 à 1804 puis, reçu notaire cette année-là, devint son associé. Le seigneur Gabriel Christie* avait été l’un des premiers clients d’Henry. En 1803, une fois que le fils de Christie, Napier Christie Burton, eut hérité de lui, Henry fut mandaté avec Samuel Potts pour percevoir les dettes de la succession. En 1815, lorsqu’il devint évident que Christie Burton ne reviendrait pas au Bas-Canada, Henry devint son agent foncier ; il le demeura jusqu’à la mort du seigneur, le 2 janvier 1835. Il fut aussi nommé agent de la couronne à la seigneurie de la Prairie-de-la-Madeleine, le 15 janvier 1821. Il conserva sa commission de notaire jusqu’en 1831, mais à compter de 1815 il ne dressera que 20 actes et consacrera beaucoup de son temps à son travail d’agent foncier.
Ce rôle contribua à donner à Henry de l’influence dans la région de Laprairie, tout comme son mariage, en 1828, à Marie-Clotilde Girardin, veuve d’un important marchand du même endroit, Jean-Baptiste Raymond*. Il usa alors de sa position d’agent foncier pour acquérir lui-même des terres et accorder à ses parents et amis d’avantageuses concessions et devint ainsi l’un des plus gros propriétaires des environs. Ses biens comprenaient un moulin qui fonctionnait à la vapeur, situé peut-être dans la réserve seigneuriale de Napierville, dont il revendiquait d’ailleurs la propriété, un emplacement de moulin dans le canton de Stanbridge, 60 maisons dans le canton de Sherrington, une grande maison de pierre à Laprairie et plus de 2 500 acres de terre dans diverses parties de la province, dont sa concession du canton de Kilkenny.
Naturellement, Henry était favorable à l’expansion du réseau routier et à la construction d’ouvrages comme le canal de Chambly. À deux reprises, on le nomma commissaire des ponts et de la voirie : le 28 mai 1829, pour assurer l’ouverture d’un chemin entre Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu) et Laprairie, puis le 1er juin 1830, pour superviser le macadamisage de certaines routes à ce dernier endroit. De plus, il surveilla le tracé d’une grande route qui traversait en diagonale les seigneuries de Bleury et Sabrevois, toutes deux propriétés de Christie Burton.
En qualité d’agent de ce dernier, Henry fonda en 1815 les villages de Christieville (Iberville), Napierville et Henryville. Il fit arpenter la superficie restante des seigneuries et la concéda ; en outre, il loua les emplacements de moulin à des scieurs de bois et à des marchands intéressés à les exploiter. Cependant les censitaires lui reprochaient de vendre les terres non concédées au lieu de les offrir gratuitement. Apparemment, il ne tenait pas de registres détaillés et, comme il avait l’habitude de signer des reçus sur des « bouts de papier » qui s’égaraient facilement, il arrivait que certains censitaires se plaignent par la suite d’avoir été contraints de payer plus d’arriérés qu’ils n’en devaient. Toutefois, tant qu’Henry demeura agent foncier, les plaintes furent étouffées. Robert Hoyle*, député de la circonscription de L’Acadie, préférait taire sa position sur le régime seigneurial et disait : « Il me serait pénible de provoquer ou d’offenser inutilement M. Henry, l’agent, en dévoilant beaucoup de choses. » Le mandat d’Henry prit fin en 1835 mais, en qualité d’exécuteur testamentaire de Christie Burton, il devait encore percevoir les arriérés de fermage. Il fit en sorte qu’ils soient vendus, à très bas prix, au petit-fils de sa femme, l’avocat montréalais Alfred Pinsoneault, fils de Paul-Théophile Pinsonaut*. En pressant le versement des arriérés et en les transformant en obligations portant intérêt, Henry accrut le ressentiment que les censitaires de Christie Burton éprouvaient déjà envers le régime seigneurial et contribua à faire naître des tensions, surtout dans les seigneuries de Léry et de Bleury. Ces deux endroits furent d’ailleurs d’importants foyers de rébellion en 1837–1838.
Par ailleurs, à part le développement foncier, Edme Henry exerçait d’autres activités. Avec entre autres Joseph Masson, le mari de sa belle-fille, il était copropriétaire du vapeur Edmund Henry et fonda à Laprairie, en 1837, la Henry’s Bank, qui eut une succursale à Montréal. L’été de la même année, son caissier (directeur général) « décampa en emportant la caisse », soit une somme de 130 000 $, ce qui l’obligea à déclarer faillite. Finalement, il parvint à payer tous ses créanciers, car plusieurs des propriétés qui lui avaient appartenu étaient hypothéquées en faveur de la banque, mais ce dur coup ébranla sans doute grandement sa fortune. En 1840, probablement pour protéger ses propres droits de propriété, sa femme lui intenta une poursuite ; sa terre du canton de Kilkenny, sa maison de Laprairie et un emplacement de moulin à Napierville firent l’objet d’une vente judiciaire. Il mourut l’année suivante en laissant tout le reste de ses biens à sa femme. Comme il avait renoncé à faire dresser un inventaire, on ignore quelle était la valeur de sa succession. Cependant, il est certain que sa position sociale et son influence dans la région de Laprairie avaient été beaucoup plus importantes que ce chiffre ne l’aurait indiqué. En raison de sa profession et de ses relations personnelles, Henry avait en effet occupé une position stratégique dans sa région.
Le minutier d’Edme Henry, contenant des actes passés entre 1783 et 1831, est conservé aux ANQ-M, sous la cote CN1-200.
ANQ-M, CE1-2, 9 oct. 1828 ; CE1-12, 20 janv. 1760 ; CM1, 1/8, 14 janv. 1842 ; CN1-107 ; CN1-134, 8 oct. 1828 ; CN1-233 ; CN1-299 ; CN4-20.— APC, MG 8, F99 ; MG 19, A2, sér. 3, 183 ; MG 24, B 141, 20 déc. 1832 ; MG 30, D1, 15 : 426–444 ; RG 1, L3L : 18706–18723, 43541–43553, 51572–51582, 73487–73497, 83161–83180, 97121–97130 ; RG 4, B8 :127–129, 268–275, 546–551, 10445.— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. des journaux, 1843, app. F.— Quebec Gazette, 2 mai 1838.— Officers of British forces in Canada (Irving).— Françoise Noël, « Gabriel Christie’s seigneuries : settlement and seigneurial administration in the upper Richelieu valley, 1764–1854 » (thèse de ph.d., McGill Univ., Montréal, 1985).— F.-J. Audet, « Edme Henry », BRH, 33 (1927) : 150–154.— C. S. Howard, « Canadian banks and bank-notes : a record », Canadian Banker (Toronto), 57 (1950), n° 1 : 30–67.
Françoise Noël, « HENRY, EDME (Edmund) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/henry_edme_7F.html.
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Auteur de l'article: | Françoise Noël |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
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