GUERNON, dit Belleville, FRANÇOIS, soldat et sculpteur, né vers 1740 à Paris, fils de François Guernon, aubergiste, et de Marie Coulon ; le 10 août 1761, il épousa dans la paroisse Saint-Sulpice (Québec) Marie Dalpech, dit Bélair, et ils eurent huit enfants, puis le 28 janvier 1793, à Saint-Jacques-de-la-Nouvelle-Acadie (Saint-Jacques, Québec), une veuve, Marie Martin ; décédé le 17 août 1817 à ce dernier endroit.

François Guernon, dit Belleville, grenadier dans le régiment de Berry, s’embarque pour la Nouvelle-France au printemps de 1757. Démobilisé après la défaite des troupes françaises, il s’établit à Saint-Pierre-du-Portage (Assomption-de-la-Sainte-Vierge). Il est probable que Guernon ait fait son apprentissage de sculpteur après sa démobilisation, possiblement avec Philippe Liébert ou Antoine Cirier*.

En 1762, Guernon est payé pour un ouvrage effectué dans le chœur de l’église de Saint-Pierre-du-Portage où Liébert travaillait au décor intérieur depuis 1760. Guernon a pu rencontrer Liébert au début de ses travaux et décider d’apprendre le métier de sculpteur avec lui. À cette époque et jusque vers 1770, Guernon demeurait à Saint-Sulpice, paroisse voisine de Saint-Pierre-du-Portage. D’autre part, en 1772, Guernon, qui habite alors Montréal, est mentionné comme sculpteur pour la première fois dans le livre de comptes de la paroisse du Saint-Enfant-Jésus, à Pointe-aux-Trembles (maintenant partie de Montréal) ; d’autres sommes lui sont versées en 1773 et en 1774. Or, entre 1743 et 1781, Cirier reçoit des paiements de la fabrique de Pointe-aux-Trembles pour divers travaux et, en 1773, Liébert figure également dans les livres de comptes de cette paroisse. Les trois sculpteurs ont peut-être travaillé en étroite collaboration à cette époque. Qu’il ait appris ou non son métier avec Liébert ou Cirier, il demeure que vers 1772 Guernon entretenait des relations avec les meilleurs sculpteurs de la région de Montréal.

En 1775 ou en 1776, Guernon et sa famille s’installent dans la mission de Lac-des-Deux-Montagnes (Oka). C’est probablement au cours de ces années qu’il exécute sept reliefs destinés à orner les oratoires et les chapelles d’un calvaire établi pour les Indiens par les sulpiciens. Depuis 1742 et jusque vers 1776, sept tableaux acquis en France décoraient le calvaire de la mission et remplissaient un rôle d’enseignement religieux auprès des Indiens. Soucieux de préserver ces œuvres, le sulpicien François-Auguste Magon* de Terlaye les met à l’abri dans l’église. Mais comme il désire en conserver la valeur didactique, il commande à Guernon la reproduction fidèle des tableaux, cette fois-ci en tableaux-reliefs sur bois qui pourraient mieux résister au climat. Tout en demeurant très fidèle aux originaux, Guernon simplifie la composition de plusieurs d’entre eux.

En 1777, Guernon travaille peut-être à la décoration d’une chapelle dans l’église de la mission. À cette époque, il s’installe à Saint-Jacques-de-la-Nouvelle-Acadie sur une des deux terres que les sulpiciens lui avaient concédées, le 8 juin 1774, en haut du ruisseau Vacher. Il vendra l’autre terre à son fils, Jean-Baptiste, le 12 mars 1782.

De 1777 à 1784, Guernon exerce son métier dans l’église de Saint-Pierre-du-Portage où, en 1783, il collabore avec Jean-Louis Foureur, dit Champagne, et peut-être avec Cirier. L’année suivante, il sculpte des tabernacles pour l’église Sainte-Anne à Varennes et, en 1790, il travaille dans l’église de Saint-Sulpice. Ses derniers ouvrages connus datent de 1791–1792 et sont exécutés pour l’église de Saint-Pierre-du-Portage. D’autres œuvres ont été attribuées à Guernon. Il s’agit du tabernacle de la sacristie de Caughnawaga et de Saint Martin partageant son manteau avec un pauvre, grand relief sur bois faisant autrefois partie du décor de l’église Saint-Martin, à l’île Jésus.

François Guernon, dit Belleville, était analphabète, et on ne lui connaît aucun apprenti. Malgré cela, il semble digne d’occuper une place aussi importante que ses contemporains Liébert et Cirier dans l’histoire de l’art ancien du Québec. En effet, bon nombre de ses œuvres nous sont parvenues et elles constituent par leurs qualités un témoignage éloquent de la production des sculpteurs de la deuxième moitié du xviiie siècle.

John R. Porter

Six des sept reliefs du calvaire d’Oka existent toujours bien que deux aient été partiellement abîmés. Le relief Saint Martin partageant son manteau avec un pauvre est aujourd’hui conservé au Musée du Québec, à Québec.

AC, Joliette, État civil, Catholiques, Saint-Jacques, 28 janv. 1793, 19 août 1817 ; Saint-Sulpice, 10 août 1761, 2 mai 1762, 26 févr. 1766, 23 avril 1768 ; Minutiers, Joseph Daguilhe, 9 août 1761, 29 juin 1770 ; Terrebonne (Saint-Jérôme), État civil, Catholiques, L’Annonciation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie (Oka), 7 mars 1775, 23 avril, 20 sept. 1776 (copies aux APC).— ANQ-M, CN1-120, 8 juin 1774 ; CN1-364, 12 mars 1782.— AP, Saint-Enfant-Jésus (Pointe-aux-Trembles), Livres de comptes, 1726–1865.— ASSM, 8, A ; 36, André Cuoq, « Notes inédites pour servir à l’histoire de la mission du Lac-des-Deux-Montagnes » (copie dactylographiée) (copie aux APC).— MAC-CD, Fonds Morisset, 2, G933.5/F825.— Sculpture traditionnelle du Québec (Québec, 1967), 76.— Marius Barbeau, Trésor des anciens jésuites (Ottawa, 1957), 19, 150, 152.— Morisset, Coup d’œil sur les arts, 18, 34 ; Les églises et le trésor de Varennes (Québec, 1943), 18, 31.— J. R. Porter et Jean Trudel, Le calvaire d’Oka (Ottawa, 1974), 24s., 93–101.— Christian Roy, Histoire de L’Assomption (L’Assomption, Québec, 1967), 96–131.— Ramsay Traquair, The old architecture of Quebec [...] (Toronto, 1947), 249, 289, 292.— Olivier Maurault, « Les vicissitudes d’une mission sauvage », Rev. trimestrielle canadienne, 16 (1930) : 16.— Gérard Morisset, « Le trésor de la mission d’Oka », La Patrie, 13 nov. 1949 : 18.— L.-B. Richer, « Les chapelles d’Oka », Québec-Histoire (Québec), 1 (1971–1972), nos 5–6 : 46–48.

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John R. Porter, « GUERNON, dit Belleville, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/guernon_francois_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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