LIÉBERT, PHILIPPE (baptisé Philippe-Pierre), peintre et sculpteur, né le 9 août 1733 à Nemours, France, fils de Philippe Liébert et d’Anne Des Porques ; le 31 mars 1761, il épousa à Pointe-aux-Trembles (maintenant partie de Montréal) Françoise Lenoir, fille de Vincent Lenoir, menuisier, et ils eurent dix enfants ; décédé le 27 septembre 1804 à Montréal.
La date et les circonstances de l’arrivée de Philippe Liébert au Canada sont inconnues, mais en 1760 son nom figure aux livres de comptes des paroisses Saint-Pierre-du-Portage (Assomption-de-la-Sainte-Vierge), à L’Assomption, et de la Purification-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie, à Repentigny. En effet, en 1760 et 1761, il exécute, probablement en collaboration avec Antoine Cirier*, le retable de l’église de Repentigny. Le tabernacle, qui comporte des prédelles ornées de rinceaux et de crêtes de coq, est surmonté de colonnes classiques avec piédestaux et entablement, d’une monstrance en saillie et d’une niche dominant deux reliquaires. Pour réaliser cette première œuvre, Liébert s’est inspiré à la fois du style exubérant de Gilles Bolvin* et du style plus délicat de Cirier. L’ensemble dégage une impression de timidité et d’inexpérience. Par la suite, Liébert n’utilisera ce type de composition que pour les autels latéraux.
Commencé en même temps mais achevé plus tard, soit en 1764, le retable de l’église de L’Assomption permet à Liébert d’affiner son style. Après avoir tracé les plans du tabernacle, de la balustrade et du tombeau d’autel, il les exécute dans une sorte de style « Louis XIV assez orné, mâtiné de motifs régence et ponctué parfois de certains détails Louis XV ». Il fournit de plus à la paroisse six chandeliers, les autels latéraux et la chaire.
Toutefois, c’est à partir de 1764 que Liébert réalisera sa première grande œuvre en exécutant la décoration du sanctuaire de l’église de Sault-au-Récollet (Montréal-Nord), qui se poursuivra jusqu’en 1793. Il y sculpte un retable « à la récolette » qui se situe dans la tradition instaurée par Claude François*, dit frère Luc, notamment pour la chapelle de l’Hôpital Général de Québec en 1671. Les quatre colonnes, dont deux supportent le baldaquin, les portes de la sacristie décorées de reliefs peints et les appliques sculptées de la voûte caractérisent le retable. Liébert s’est dégagé de l’influence de Bolvin et de Cirier, et ce retable témoigne d’une importante évolution de son style.
Ces premiers contrats font connaître Liébert qui devient alors le sculpteur à la mode dans la région de Montréal. Il supplante Paul-Raymond Jourdain*, dit Labrosse, qui meurt en 1769, et Cirier qui s’enlise dans les dettes et sombre dans l’oubli. En 1765, on lui confie l’exécution d’une chaire, d’un banc d’œuvre et de stalles pour l’église Notre-Dame, à Montréal. Cinq ans plus tard, il sculpte les aiguilles de la grande horloge du séminaire de Saint-Sulpice, à Montréal, puis l’année suivante, il exécute les trois retables de l’église Saint-Louis, à Terrebonne. En 1777, pour les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph de l’Hôtel-Dieu de Montréal, il sculpte et décore de bas-reliefs un tabernacle dédié à saint Joseph. Entre 1783 et 1791, il réalise à l’église de Varennes un autel, un tabernacle et des cadres destinés à quatre tableaux récents de François Malepart* de Beaucourt.
Liébert est désormais parfaitement maître de son art. Avec ses apprentis, dont Joseph Pépin* et Urbain Desrochers*, il produit ses œuvres maîtresses. À Saint-Martin, dans l’île Jésus, par exemple, entre 1787 et 1798, il est mandaté pour réaliser les autels latéraux, deux bas-reliefs, la chaire, le banc d’œuvre, trois jeux de chandeliers, le chandelier pascal d’inspiration Louis XV et le maître-autel. En 1790, les sœurs grises de l’Hôpital Général de Montréal lui commandent un maître-autel et un autel latéral dédié au Sacré-Cœur ; cette dernière œuvre retient l’attention par son galbe exceptionnel et l’harmonie de la distribution de décors sculptés en relief sur des surfaces unies. Entre 1791 et 1798, il exécute pour l’église de Saint-Cuthbert un « autel à la romaine », une chaire et un banc d’œuvre.
De 1792 à 1799, Liébert produit pour l’église de Vaudreuil un maître-autel caractérisé par une ordonnance forte mais sans surcharge, qui dénote l’extrême aisance de l’artiste. Derrière le pied du crucifix dominant la porte du tabernacle se trouve un ecce homo, identifié familièrement comme le « beau Dieu » de Vaudreuil, qui constitue un des principaux chefs-d’œuvre du sculpteur.
Le 18 mai 1795, Liébert s’associe avec son gendre Jean Gaston, pâtissier. Tous deux louent de Basile Proulx une maison située rue Saint-Jacques, à Montréal, qu’ils occupent ensemble afin d’y faire valoir leur profession respective. Ils partagent les gains et les pertes, les achats de matériel et autres dépenses, tels les gages des garçons de boutique et des domestiques, les frais de ménage et de nourriture. L’entente prévoyait une association de dix ans, mais dès le 1er octobre de la même année, la société est dissoute. Gaston doit alors à son beau-père 900#, couvrant l’investissement mobilier de son café. L’année suivante, Liébert déménage pour aller s’établir dans l’enclos des sœurs grises avec lesquelles il signe un bail à vie. Bien que le prix de location soit modique, les religieuses y trouvent leur profit en effectuant la dorure des pièces sculptées par Liébert. Entre 1799 et 1803, Liébert, en vertu d’un contrat avec la fabrique de Sainte-Rose, dans l’île Jésus, réalise les chandeliers, le crucifix et un maître-autel à baldaquin, décoré de deux statuettes exceptionnelles représentant sainte Rose et la Madone à l’enfant.
De nombreux autres contrats moins importants échurent à Liébert durant sa longue carrière. S’il est plus facile de retracer sa sculpture religieuse à partir des livres de comptes des paroisses, il est beaucoup moins aisé de savoir s’il s’est adonné à d’autres facettes de son art. Si l’on se fie aux coutumes de l’époque et à son inventaire après décès, on peut croire que Liébert a touché à la sculpture civile, à l’ébénisterie d’art, voire à l’architecture religieuse et domestique.
Au printemps de 1804, Philippe Liébert annule son bail avec les sœurs grises et s’installe dans le faubourg Saint-Laurent, où il meurt le 27 septembre, laissant une succession de plus de 9 000#. Artisan accompli et prolifique, Liébert, à qui l’on attribue également certaines peintures, tels les portraits de Louis Normant* Du Faradon, de mère d’Youville [Dufrost*] et d’Étienne Montgolfier*, représente un moment fort dans l’art de la fin du xviiie siècle.
AC, Joliette, Minutiers, Eugène Archambault, 2 déc. 1834.— AD, Seine-et-Marne (Melun), État civil, Nemours, 9 août 1733.— MAC-CD, Fonds Morisset, 2, L716.4/P551.
Michel Cauchon, « LIÉBERT, PHILIPPE (baptisé Philippe-Pierre) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/liebert_philippe_5F.html.
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Auteur de l'article: | Michel Cauchon |
Titre de l'article: | LIÉBERT, PHILIPPE (baptisé Philippe-Pierre) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |