GRASSET DE SAINT-SAUVEUR, ANDRÉ, marchand et secrétaire du gouverneur, né à Montpellier, France, en 1724, fils de Jean Grasset de Saint-Sauveur et de Louise Roussel, décédé à Paris en 1794.
André Grasset de Saint-Sauveur s’embarqua pour le Canada le 10 mai 1747 à bord du navire de guerre le Sérieux, partie d’un convoi de 39 bâtiments, en qualité de secrétaire du nouveau gouverneur général de la Nouvelle-France, La Jonquière [Taffanel*]. Quatre jours après le départ, le convoi fut attaqué et pris par une escadre anglaise au large du cap Ortegal, en Espagne. Faits prisonniers, Grasset et La Jonquière furent amenés en Angleterre. Libérés en 1748 au traité d’Aix-lâ-Chapelle, ils purent enfin gagner leur poste et débarquèrent a Québec le 14 août 1749.
Le 1er mai 1750, Grasset de Saint-Sauveur obtenait des lettres de provision de conseiller au Conseil supérieur de Québec, mais, comme il s’etait établi a Montréal, il ne se prévalut pas de cette nomination et ne présenta jamais ses lettres au conseil. Cependant, il conserva son titre de secrétaire jusqu’en 1752. Il dut alors abandonner sa charge a la demande de son beau-père pour s’occuper exclusivement du négoce de ce dernier. En effet, il avait épousé à Montréal, le 2 octobre 1752, Marie-Anne, fille de Charles Nolan* Lamarque, négociant de Montréal. Le commerce colonial n’était pas inconnu à Grasset puisque, depuis son arrivée, il avait réussi à accumuler 20 000ª en important de France des marchandises qu’il utilisait ensuite en tant que « marchand-équipeur », pour faire la traite avec les Amérindiens.
En 1755, a la suite de la nomination de Vaudreull [Rigaud] au poste de gouverneur général, Grasset de Saint-Sauveur accepta de reprendre son ancien poste de secrétaire. Vaudreuil n’aura que des éloges pour son secrétaire : « il remplit sa place de premier secrétaire avec zèle, application et activité », écrivait-il au ministre Nicolas-René Berryer. Après la mort de la femme de Grasset, au moment où celle-ci donnait naissance à un enfant le 18 octobre 1755, le gouverneur veilla personnellement à le remarier à un riche parti du Canada, Marie-Joseph, fille de Jacques Quesnel Fonblanche, important négociant de Montréal. Elle était une femme d’affaires avertie puisqu’elle faisait du commerce avec son père depuis l’âge de 14 ans. Grasset n’en continua pas moins à exercer les fonctions de secrétaire du gouverneur mais, à compter de 1756, les époux Grasset s’occupèrent surtout de leur commerce avec les Amérindiens. À ce moment, sur la place du marché à Montréal, ils possédaient deux boutiques de vente au détail.
Lorsque Vaudreuil rentra en France, en 1760, Grasset de Saint-Sauveur demeura au pays. À titre de procureur de l’ancien gouverneur, il vit à l’administration et à la disposition des biens du marquis dans la colonie. Pendant ce temps, à Paris, en 1761, il était accusé de prévarication devant le Châtelet, en même temps que l’intendant Bigot et d’autres dans l’Affaire du Canada. Le 10 décembre 1763, le tribunal décréta contre lui un arrêt de « plus ample informé avant de prononcer la contumace ». Lorsque Grasset prit connaissance de cette sentence, il décida de rentrer en France. Il s’embarqua le 1er novembre 1764, amenant avec lui sa femme. ses cinq jeunes enfants et son beau-père, âgé de 83 ans. Il était à Paris, le 23 décembre 1764. Le 21 janvier suivant, il se présentait à la cour du Châtelet pour se constituer prisonnier et faire statuer sur l’arrêt de « plus ample informé » prononcé contre lui. De nombreuses accusations avaient été portées par ses contemporains : Montcalm* le disait « ignorant et avide » : l’auteur du « Mémoire du Canada » affirmait qu’il était « sans honneur et sans sentiment », c’était, disait-il, un « traître à son maître », il ne voyait en lui que « friponnerie, que commerce illicite » ; même Joseph-Michel Cadet, accusé avec lui, porta témoignage de ses agissements plus ou moins licites. Pourtant, en avril 1765, le tribunal le mit hors de cour car il n’avait reçu aucune information qui lui aurait permis de prononcer un arrêt de condamnation.
Selon l’auteur du « Mémoire du Canada », Grasset de Saint-Sauveur aurait amassé 1 900 000# pendant son séjour au Canada. Toutefois, sept ans après la Conquête, au mois d’août 1767, Grasset affirmait ne posséder pour toute fortune que 317 292# en lettres de change qu*il avait acquises honnêtement grâce principalement à ses deux mariages avantageux et à son négoce. En 1772, au moment où Grasset de Saint-Sauveur est nommé consul de France à Trieste (Italie), sa situation financière s’est tellement détériorée qu’il doit confier sa famille à une communauté religieuse car il n’a pas les moyens de la soutenir. En mai 1778, sa femme écrit au ministre des Affaires étrangères, le comte de Vergennes, qu’elle est « réduite à la dernière nécessité », toutes ses ressources étant épuisées. Finalement en 1794, complètement ruiné, André Grasset de Saint-Sauveur meurt à Paris, à l’hôpital des Incurables.
Deux des fils issus de son second mariage se distinguèrent en France. Jacques, l’aîné, fut un des romanciers à la mode au début du xixe siècle et André, prêtre et chanoine de l’église métropolitaine de Sens, fut un des martyrs de la Commune en septembre 1792 et fut béatifié au début du xxe siècle.
AN, Col., B, 91, f.30 ; 95, f.51 ; 109, f.29 ; 127, f.362 ; C11A, 104, f.113 ; E, 211 (dossier Grasset de Saint-Sauveur).— ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 2 oct. 1752, 3 juill. 1756 ; Greffe de L.-C. Danré de Blanzy, 29 sept. 1752, 7 avril, 2 juin. 1756.— APC Rapport, 1899, suppl., 182s.— Mémoire du Canada, ANQ Rapport, 1924–1925, 102, 144, 188, 197.— Tanguay, Dictionnaire, V : 350.— P.-G. Roy, Bigot et sa bande, 159–163 ; Les petites choses de notre histoire (7 sér., Lévis, Québec, 1919–1944), 3e sér : 257–273 ; Les secrétaires des gouverneurs et des intendants de la Nouvelle-France, BRH, XLI (1935) : 91.
André Lachance, « GRASSET DE SAINT-SAUVEUR, ANDRÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/grasset_de_saint_sauveur_andre_4F.html.
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Auteur de l'article: | André Lachance |
Titre de l'article: | GRASSET DE SAINT-SAUVEUR, ANDRÉ |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |