GOUENTAGRANDI (de son nom de baptême, SUZANNE), femme de la tribu des Onneiouts, qui sauva la vie du père Pierre Millet durant la captivité de ce dernier chez les Iroquois en 1689, décédée à Caughnawaga après 1738.

Ses contemporains ont dit qu’elle était « de la première noblesse » de sa tribu. Elle avait des liens de parenté avec Gannassatiron qui l’aida à protéger Millet. Au sein de sa tribu, Gouentagrandi fut, pendant toute sa vie, parmi les plus ardents partisans de l’alliance avec les Français.

On connaît peu de chose sur sa vie antérieurement à 1691. Cette année-là, le père Millet note qu’il l’a baptisée, ainsi que son mari (le chef Manchot) et sa fille, lors d’une visite précédente chez les Onneiouts, probablement entre 1671 et 1684. Le père Millet ajoute que, depuis cette époque, elle a sauvé la vie de bien des Français prisonniers des Iroquois, comme elle le fit pour lui-même.

Capturé par les Onontagués, au cours du siège du fort Frontenac, en 1689, le père Millet fut remis aux Onneiouts qui l’emmenèrent à leur bourgade principale. Comme ils en approchaient, Gouentagrandi vint à la rencontre du père, lui délia les mains et lui donna des vêtements propres. Son mari, qui avait reçu la charge du prisonnier, dit aux Onneiouts que le père Millet venait en qualité de missionnaire et non comme prisonnier. Il ajouta que c’était aux chefs héréditaires, et non à tous les membres de la tribu, qu’appartenait le soin de statuer sur son sort. Pendant trois semaines, Millet habita la cabane de Gouentagrandi, en attendant la tenue de l’assemblée où l’on déciderait de son avenir. Pendant cette période, Gouentagrandi prit soin de lui. Elle lui présenta des enfants à baptiser et des Indiens chrétiens qu’il entendit en confession. Toutefois le retour des guerriers onneiouts, après le massacre de Lachine, obligea Gouentagrandi à déplacer Millet d’une cabane à l’autre pour le cacher.

Il est presque certain que Gouentagrandi joua un rôle important dans la décision du conseil des Iroquois de remettre Millet à Gannassatiron, le parent de Gouentagrandi. C’est elle aussi, sans doute, qui incita Gannassatiron à adopter Millet et à le faire nommer sachem. Dès lors, Millet put vivre chez les Onneiouts où son statut d’ « invité » lui assurait le respect de tous et une certaine influence dans la tribu.

Bien qu’il eût été adopté par Gannassatiron, Millet continua d’habiter dans la cabane de Gouentagrandi. Cette dernière était ouvertement opposée aux Anglais, qui demandaient aux Onneiouts d’expulser Millet de leur territoire. On lui attribue aussi l’échec d’un complot des Agniers, qui voulaient s’emparer de Millet, en l’attirant dans leur tribu sous prétexte de venir confesser des chrétiens qui vivaient parmi eux.

En septembre 1693, Gouentagrandi accompagna le sachem onneiout Tareha*, dans une mission peu enviable. Il s’agissait d’informer Buade* de Frontenac que, pour négocier la paix avec les Onneiouts, les Français devraient passer par l’intermédiaire des autorités anglaises d’Albany. On a dit que Gouentagrandi suivit Tareha parce qu’elle désirait rencontrer Frontenac. Charlevoix* rapporte que, malgré la colère qu’il éprouvait en raison de la mission de Tareha, Frontenac fut extrêmement flatté de la visite de Gouentagrandi et « parut envisager dans cette Femme quelque chose de plus qu’une Sauvagesse ». Avec beaucoup de sympathie pour son personnage et une certaine naïveté, Charlevoix compare la visite de Gouentagrandi à Frontenac à celle qu’autrefois la reine de Saba rendit au roi Salomon.

En 1696, des soldats français, commandés par Philippe de Rigaud de Vaudreuil, attaquèrent le village onneiout. Gouentagrandi, décrite dans les Relations comme « la fameuse Xenne. [chrétienne] d’onneiout qui [a] fait donner lavie aup. millet », vint au devant d’eux et leur proposa de les suivre avec 80 membres de sa tribu pour aller habiter chez les Iroquois déjà établis au Canada. Elle retourna au village et, pendant qu’elle s’efforçait de convaincre les siens de capituler, les Français attaquèrent et incendièrent la bourgade. Après l’engagement, 30 Onneiouts se rendirent aux Français et furent emmenés au Canada. Gouentagrandi devait être du nombre, car, à partir de cette époque, il semble qu’elle ait vécu à Sault-Saint-Louis (Caughnawaga). Les Tsonnontouans, conduits par Tekanoet, séjournèrent chez elle quand ils vinrent à la conférence de paix à Montréal, en 1701. Charlevoix la rencontra dans cette ville en 1708. En 1738, elle se rendit à Québec où le gouverneur la reçut au château Saint-Louis. Elle visita également les couvents de la ville, y compris celui des Ursulines. À cette époque, on disait qu’elle avait plus de 100 ans. Dans son Histoire de la Nouvelle-France, publiée en 1744, Charlevoix raconte qu’elle mourut « dans une heureuse vieillesse, après avoir lontems édifié cette Bourgade [Caughnawaga] par la constante pratique de toutes les vertus Chrétiennes. »

Bruce G. Trigger

Charlevoix, History (Shea), IV : 244s.— JR (Thwaites), LXIV : 67–107 ; LXV : 27.— E. J. Devine, Historic Caughnawaga (Montréal, 1922), 113s. [Le témoignage apporté dans JR (Thwaites), LXV : 27, montre qu’il est improbable, malgré ce qu’assure Devine, que Gouentagrandi se soit établie à Caughnawaga en 1694 ; l’allusion à un prétendu mariage entre Gouentagrandi et Tareha semble également erronée.  b. g. t.]

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Bruce G. Trigger, « GOUENTAGRANDI, baptisée Suzanne », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gouentagrandi_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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