GOSSELIN, AUGUSTE-HONORÉ (baptisé Auguste-Honorin), prêtre catholique et historien, né le 29 décembre 1843 à Saint-Charles, Bas-Canada, fils de Joseph Gosselin, cultivateur, et d’Angèle Labrie ; décédé le 14 août 1918 dans sa paroisse natale.
Élève du petit séminaire de Québec, récipiendaire du prix du prince de Galles en 1863, Auguste-Honoré Gosselin est ordonné prêtre à l’âge de 22 ans, le 30 septembre 1866. Après avoir été secrétaire adjoint (1866–1867) et secrétaire (1867–1868) de l’archevêché, puis vicaire à la cathédrale Notre-Dame de Québec (1868–1869), il est nommé, en 1869, premier curé de Sainte-Jeanne (à Pont-Rouge), poste qu’il va garder jusqu’à son affectation, en 1886, à la cure de Saint-Ferréol (à Saint-Ferréol-les-Neiges). En 1891, il tente, mais en vain, d’être désigné par le cardinal Elzéar-Alexandre Taschereau* à la tête de la paroisse Sainte-Foy, près de Québec. Deux ans plus tard, Gosselin quitte Saint-Ferréol pour retourner dans sa paroisse natale. À 50 ans, le voilà retraité, ce qui lui permettra de consacrer le reste de sa vie à l’écriture de l’histoire.
À Pont-Rouge, le curé Gosselin a desservi pendant près de 20 ans une communauté marquée par la modernité industrielle. Tout au long des années 1870, on y met sur pied une manufacture de papier, une « entreprise de menuiserie, meubles, travaux publics, ponts » et autres ouvrages, ainsi qu’une industrie de batteuses. Ces établissements côtoient des installations plus classiques comme un moulin à farine ou une fabrique de chaux. De plus, la paroisse est desservie par le chemin de fer de la rive nord au cours de cette décennie.
Le village grossit au rythme des implantations industrielles. En 1874, près du tiers des 176 familles y résident, et la paroisse compte 1 117 catholiques et 42 protestants d’origines irlandaise, écossaise, norvégienne ou allemande. Au début des années 1880, la moitié des 1 400 paroissiens vivent en partie de la terre ; une centaine de familles habitent l’agglomération villageoise, soit près de la moitié de la communauté paroissiale.
Les revenus curiaux fluctuent autant selon le rythme de l’économie industrielle qu’en fonction des aléas de la production agricole. Au milieu des années 1870, un ralentissement dû à la crise provoque un manque à gagner. Le curé note la « bonne volonté pour la capitation ; mais il y a tant de pauvreté et de gêne, qu[‘il n’a] pu retirer la moitié de ce qui était dû ». La dîme rapporte autour de 500 $, la capitation 80 $, soit 20 $ de moins que le casuel qui provient des honoraires de messes et autres cérémonies et que le curé partage avec la fabrique. Nouvelle forme de prélèvement, la capitation fait aussi payer aux villageois les services religieux jusque-là défrayés uniquement par les producteurs agricoles. Les travailleurs s’y habituent lentement. L’année précédant le départ de Gosselin, seulement la moitié des « emplacitaires » payent leur capitation au curé. Les 700 à 800 $ de revenus annuels déclarés au cours des années 1880 proviennent essentiellement de la dîme. À ce revenu, s’ajoutent divers avantages comme cette « petite terre à bois à l’usage du curé ».
Gosselin parvient relativement jeune à l’indépendance financière. Grâce à ses épargnes, il pourra s’assurer une place parmi ces patriciens de la culture qui, à la fin du xixe siècle, préparent livre après livre dans une réclusion habitée par le silence et avec les ressources d’une abondante bibliothèque. Il tirera probablement aussi quelques revenus de ses œuvres. En 1914, en publiant le troisième des cinq tomes de son histoire de l’Église, il confie que le tirage de ses volumes est de 2 000 exemplaires et qu’il ne reste qu’une cinquantaine d’exemplaires des ouvrages déjà parus ; les ventes d’office au séminaire de Québec, soit une centaine, constituent tout juste un modeste coup de pouce.
Le goût de l’histoire chez Gosselin remonte au moins au début de sa carrière ecclésiastique. En 1867, il était nommé notaire apostolique pour la cause de béatification de Marie de l’Incarnation [Guyart*]. À la fin du siècle, dans une synthèse sur l’Église canadienne, l’historien concluait sur un vœu : « Il ne reste plus à l’Église du Canada qu’une gloire à envier [...] voir quelques-uns de ses enfants élevés aux honneurs des autels. » L’hagiographie québécoise du xixe siècle, ainsi que l’a démontré l’histoire de l’historiographie, faisait partie d’un processus visant la reconnaissance juridique de la sainteté. La monumentale biographie de François de Laval*, que Gosselin publie à Québec en 1890, est structurée en fonction des critères romains pour faire déclarer bienheureux et promouvoir la canonisation du premier évêque du pays. L’œuvre majeure de l’historien demeure toutefois son histoire de l’Église du Canada, dont les cinq volumes font suite à la biographie de Mgr de Laval. Histoire de l’institution, peu attentive à la communauté des fidèles, histoire événementielle où domine la chronologie et l’explication narrative, ce magnum opus est écrit suivant les conceptions internationales de la science historique. Un triomphalisme ultramontain tient lieu de couleur locale.
La critique a souligné, au rythme des parutions, la rudesse stylistique d’Auguste-Honoré Gosselin. Camille Roy*, pionnier de l’histoire littéraire, a publié dans le Canada français (Québec) de septembre 1918 une notice nécrologique en hommage au « persévérant », au « très utile initiateur ». Il y a noté aussi un souci des « détails inutiles », un manque d’esprit de synthèse et surtout un « style très aisé » qui « ne renouvelle pas suffisamment ses formules ». Gosselin s’est peut-être payé la tête de ses détracteurs lorsqu’il a fait le portrait de l’évêque Louis-Philippe Mariauchau* d’Esgly, au quatrième volume de son histoire de l’Église : humble et modeste, d’Esgly « ne s’en fait pas accroire ; il a la science des sciences, celle qui consiste « à se bien connaître soi-même, » et qui manque à tant d’esprits brillants et prétentieux ». Une dizaine de jours après la mort de l’historien, son ami Ernest Myrand écrivait à un intime : « Je vous glisse [...] une coupure de journal. Vous y lirez un mot d’éloge que l’Événement publie à l’adresse de notre grand ami [...] Il avait du caractère celui-là et voilà pourquoi on le jalousait et détestait dans certain quartier. Ce qui explique le silence de l’Action catholique [Québec] à son égard. Je n’y ai pas même lu un rapport de ses funérailles, encore moins un éloge funèbre. Où étaient donc les Roy ? [...] l’abbé Gosselin [...] était un original sans doute, un peu brusque, un peu trop distrait, mais enfin un cœur d’or, un cœur franc, disant ce qu’il pensait tout haut, devant les grands pédants ecclésiastiques que vous savez ». Aux yeux de Paul-Eugène Roy* et de son frère Camille, Gosselin faisait peut-être figure d’intellectuel en sabots. Tous trois étaient fils de cultivateurs et anciens du séminaire. Mais les Roy avaient étudié à Paris, d’où ils étaient revenus licenciés ès lettres. Gosselin avait reçu son doctorat de l’université Laval, effectué en Europe deux voyages d’étude des archives, mais il n’en avait pas rapporté de diplôme. Cette distinction commençait à exercer un poids déterminant dans la république des lettres au début du xxe siècle.
Sur l’œuvre littéraire et historique d’Auguste-Honoré Gosselin, on consultera notre ouvrage intitulé le Québec et ses historiens de 1840 à 1920 : la Nouvelle-France de Garneau à Groulx (Québec, 1978), le DOLQ, 1 : 523s., 763–765 ; 2 : 401–404, et, de Hamel et al., le DALFAN 619–621 où l’on trouve une bibliographie des œuvres, quoique moins complète que la liste publiée par Arthur Maheux*, « les Trois Gosselin (bibliographie) », dans SCHEC, Rapport, 12 (1944–1945) : 33–35. [s. g.]
AAQ, 12 A, Q : 63v., 86v. ; 61 CD, Pont-Rouge.— AN, MG 30, C49, 8 ; E28, 8.— ANQ-Q, CE2-4, 29 déc. 1843.— ASQ, Fichier index.— La Semaine religieuse de Québec, 22 août 1918.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— The Oxford companion to Canadian history and literature, Norah Story, édit. (Toronto, 1967).— L.-A. Paquet, « l’Abbé Auguste Gosselin », SRC, Mémoires, 3e sér., 13 (1919), proc. : xii–xiii (notice nécrologique et photographie en regard de la p. xii).
Serge Gagnon, « GOSSELIN, AUGUSTE-HONORÉ (baptisé Auguste-Honorin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gosselin_auguste_honore_14F.html.
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Auteur de l'article: | Serge Gagnon |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |