GIBB, JAMES, homme d’affaires et seigneur, né le 22 avril 1799 à Carluke, Écosse ; le 8 mai 1822, il épousa à Montréal Marion Torrance, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 10 octobre 1858 à Québec.
On ne connaît rien de l’enfance de James Gibb, ni des circonstances qui l’amenèrent dans le Bas-Canada. Il arriva à Québec en 1814, à l’âge de 15 ans, et s’engagea à titre de commis chez le marchand William Torrance. Tout comme ses frères John* et Thomas, de Montréal, Torrance faisait le commerce de denrées, de vins et de spiritueux. Gibb y fut logé et nourri, et reçut des sommes de £30, £40 et £50 pour ses trois premières années de service. En plus de lui enseigner les rudiments du commerce, les Torrance jouèrent un rôle important dans la vie de Gibb et dans ses débuts en affaires. Des alliances conjugales le lièrent de près à cette famille qui exerça une forte emprise sur les échanges commerciaux dans le Bas-Canada. En 1815, sa sœur Isabella se maria avec William Torrance ; sept ans plus tard, Gibb épousa une des sœurs de ce dernier. Comme les Torrance, Gibb allait faire fortune dans le commerce d’importation de produits alimentaires et de boissons alcooliques, auquel il s’adonna toute sa vie à Québec.
Au cours de sa carrière, Gibb fit partie de plusieurs sociétés commerciales. La première remonte à 1821, année où Thomas Torrance le prit comme associé à Québec. Financée exclusivement par Torrance au départ, l’entreprise fut gérée par Gibb jusqu’en 1827. Ensuite, Gibb s’associa à son frère Thomas sous la raison sociale de Thomas Gibb and Company et, vers 1830, désirant élargir son champ d’activité, il forma une seconde entreprise, la James Gibb and Company, dans laquelle Elisha Lane fut son associé. La Thomas Gibb and Company fut dissoute au début de l’année 1835 lorsque Thomas Gibb se départit de ses actions au profit de Robert Shaw. La nouvelle société, qui prit le nom de Gibb and Shaw, fut constituée avec un capital de £17 702 et dura jusqu’en 1840. Gibb ne prit cependant pas part à sa gestion quotidienne et se consacra surtout aux affaires de la James Gibb and Company.
À la fin des années 1830, Gibb était devenu un marchand important à Québec. Il était le principal bailleur de fonds de la James Gibb and Company, réorganisée en 1837 avec la venue d’un troisième associé, Thomas Gibb. En plus de sa part de capital d’une valeur de £4 900, Gibb y avait avancé £24 675 à 6 p. cent d’intérêt. L’insuffisance de la production agricole bas-canadienne au cours de cette décennie lui avait fourni d’intéressantes occasions de profit. Son entreprise jouait un rôle important dans le commerce des produits alimentaires. En plus des boissons alcooliques et des articles d’épicerie courants, elle importait de grandes quantités de porc, de bœuf, de farine et de blé. La maison s’approvisionnait chez des fournisseurs de New York, d’Oswego et de Rochester, dans l’état de New York, avec qui Gibb était allé personnellement établir des contacts. Le marché visé était très large : en 1838, on avait fait imprimer une lettre circulaire et en 1840 une carte d’affaires, qui furent distribuées dans le Bas et le Haut-Canada ainsi qu’aux États-Unis. Par ailleurs, la James Gibb and Company exploitait aussi un moulin à scier qu’elle avait acquis en 1838 sur la rivière du Chêne, dans le village de Deschaillons.
En janvier 1844, Gibb laissa l’entreprise, cédant à ses associés, pour £15 900, sa part de capital et de profits, ainsi que la scierie et d’autres propriétés immobilières. Selon un bilan réalisé le 18 décembre, l’actif de la société s’élevait à plus de £70 000. Thomas Gibb et Elisha Lane continuèrent d’exploiter l’entreprise sous le nom de Gibb and Lane. Quant à James Gibb, il forma une nouvelle société en compagnie de son neveu et ancien employé, John Ross, avec qui il fit des affaires très rentables jusqu’à sa mort. L’agence de renseignements commerciaux R. G. Dun and Company, de New York, considérait la Gibb and Ross comme la plus grosse firme importatrice de vins et de denrées de Québec, dans les années 1850. James Gibb Ross*, frère cadet de John, en devint le troisième associé en avril 1858.
Gibb conserva aussi des intérêts importants dans l’exploitation forestière. Dès le mois d’août 1843, il avait investi des capitaux dans la construction d’un moulin à scier en bordure de la rivière Portneuf, s’assurant aussi la collaboration d’Alexis Tremblay, dit Picoté, ancien gérant de scierie au service de William Price*, qui en dirigea les opérations jusqu’en 1849. Une centaine d’employés auraient alors travaillé à l’abattage et au sciage du bois. La scierie connut des ralentissements de production dans les années 1850 en raison de fluctuations dans le marché du bois.
L’activité de Gibb s’étendit également aux secteurs de la finance et des transports, où il joua un rôle de premier plan. En 1832, il devint un des administrateurs de la Banque de Québec, dont il occupa le poste de vice-président, de 1839 à 1842, et celui de président, de 1842 jusqu’à sa mort. Il fit partie également de façon assez régulière du conseil d’administration de la Quebec Savings Bank, à partir de 1831, et siégea périodiquement au conseil de la Compagnie d’assurance de Québec contre les accidents du feu, dans les décennies 1840 et 1850. Ses intérêts dans l’importation et la distribution des marchandises l’amenèrent naturellement à soutenir la bourgeoisie de Québec dans ses efforts pour développer des moyens de transport. Gibb se retrouva parmi les fondateurs et actionnaires de la Compagnie de la navigation par la vapeur entre Québec et Halifax (1831) et de la Compagnie de transport de Québec (1843), dans laquelle il fut particulièrement actif. Née de la dissolution de la Quebec and Upper Canada Forwarding Company, dont David Burnet de Québec était l’un des principaux propriétaires, la Compagnie de transport de Québec possédait plusieurs barges et quelques bateaux à vapeur qui effectuaient le transport de marchandises et de passagers entre Québec et les Grands Lacs, sans escale à Montréal. Plus tard, Gibb participa à la reconnaissance juridique de la Compagnie de navigation de Québec et des Trois-Pistoles (1853), et à celle de la Compagnie du chemin de fer de Québec, Chaudière, Maine et Portland (1855). Il s’intéressa aussi à des entreprises de services publics, telles la Compagnie de l’eau et de l’éclairage au gaz de Québec, qu’il contribua à fonder en 1842, et la Compagnie des chemins à barrière de Québec, dont il occupa la présidence de 1852 à 1855.
Gibb fit partie du groupe d’hommes d’affaires qui demandèrent la reconnaissance juridique du Bureau de commerce de Québec en 1841 et fut élu parmi les membres de son premier conseil d’administration. Personnage influent, il exerça aussi des fonctions bénévoles dans quelques associations philanthropiques. Il n’eut cependant pas de succès en politique. Reconnu comme un ferme partisan de l’union du Haut et du Bas-Canada, il se présenta dans la circonscription de la cité de Québec aux élections de 1841 où, en compagnie de Henry Black*, il fit campagne contre Burnet et Louis-Joseph Massue*. Constatant la faiblesse de ses appuis, il se retira de la course au quatrième jour de scrutin.
Évalués à environ £15 000 en 1855, les biens fonciers et immobiliers de Gibb constituèrent un élément important de ses placements. Celui-ci avait fait l’acquisition de la seigneurie Jolliet, dans la Beauce, en 1837. Quant à ses lieux de résidence, ils comptèrent parmi les plus prestigieux à Québec. Vers la fin des années 1830, à l’instar d’autres notables, il établit son domicile dans la banlieue, fuyant ainsi l’insalubrité des rues de la basse ville. Il habita d’abord le domaine Bellevue, à Sainte-Foy, qu’il céda en 1848 à son frère Thomas en échange du domaine Woodfield sur le chemin Saint-Louis, à Québec.
La carrière de James Gibb fut celle d’un entrepreneur énergique qui, sur la base d’un mariage avantageux et de relations d’affaires variées, sut exploiter les possibilités commerciales qu’offrait la ville de Québec dans la première moitié du xixe siècle. La fortune qu’il laissa était plus que suffisante pour assurer une grande aisance à ses descendants. Selon le testament qu’il rédigea quelques semaines avant sa mort, Gibb légua, entre autres, le domaine Woodfield à sa femme, £15 000 à chacun de ses sept enfants et des sommes de £500 à deux établissements protestants.
ANQ-M, CE1-126, 8 mai 1822.— ANQ-Q, CE1-67, 14 oct. 1858 ; CN1-49, 7 déc. 1814, 6 mai 1815, 7 mars 1821, 26 juin 1829, 7 sept. 1832, 27 oct. 1835, 15 juin, 6 juill., 14 nov., 9 déc. 1836, 9 nov. 1839, 16 janv. 1840, 5 janv. 1844, 16 oct. 1846 ; CN1-67, 15 sept. 1858 ; CN1-116, 5 mai 1842, 21 janv. 1845 ; CN1-178, 6 sept. 1823 ; CN1-197, 2 févr., 24 oct. 1835, 11 déc. 1837, 20 mai 1839, 2 août 1843, 9 déc. 1845, 14 sept. 1846, 22 mars 1847.— BLHU, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 5 : 53.— Canada, prov. du, Statuts, 1841, chap. 92 ; 1842, chap. 23 ; 1849, chap. 192 ;1852–1853, chap.247 ;1854–1855, chap.196 ; 1858, chap. 69.— Le Canadien, 22 févr., 29 mars 1841.— Quebec Gazette, 10, 29 mars 1841, 22, 31 mars 1843.— Almanach de Québec, 1830–1841.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth).— Quebec directory, 1822 ; 1826 ; 1845 ; 1847–1858.— J. M. LeMoine, l’Album du touriste [...] (2e éd., Québec, 1872) ; Monographies et Esquisses (Québec, 1885).— Monet, Last cannon shot, 73, 76.— Fernand Ouellet, Histoire de la Chambre de commerce de Québec, 1809–1859 (Québec, 1959), 103.
Pierre Poulin, « GIBB, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gibb_james_8F.html.
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Auteur de l'article: | Pierre Poulin |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
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