GASTONGUAY, JOSEPH-NARCISSE, arpenteur-géomètre, ingénieur civil, fonctionnaire, professeur et promoteur de la colonisation, né le 13 janvier 1849 à Saint-Roch-des-Aulnaies, Bas-Canada, fils de Jean-Baptiste Gastonguay, cultivateur, et d’Hortense Pelletier (Peltier) ; le 28 avril 1879, il épousa à Saint-Norbert-d’Arthabaska, (Norbertville, Québec), Marie-Delphine Larivière, puis le 8 juin 1901, à Québec, Hortense-Eugénie Lemieux ; décédé le 28 juin 1922 à ce dernier endroit.
Joseph-Narcisse Gastonguay descend de Gaston Guay. Ce dernier arriva à Québec vers 1630 et y établit sa famille qui, au xviiie siècle, essaima à Québec et sur la côte de Beaupré. Dans les années 1780, les Gastonguay s’établirent aussi sur la Côte-du-Sud, notamment à Saint-Roch-des-Aulnaies ; Joseph-Narcisse est issu d’une famille de cultivateurs de cette paroisse.
Gastonguay fréquente le collège classique de Sainte-Anne-de-la-Pocatière de septembre 1860 à juin 1870. L’établissement est alors dirigé par François Pilote*, ardent promoteur de la colonisation et de l’enseignement agricole, et compte parmi ses professeurs Alexis Pelletier*, fervent défenseur de l’ultramontanisme canadien-français. En 1871–1872, Gastonguay y poursuit, tout en enseignant, des études théologiques, puis opte finalement pour la vie civile.
Gastonguay fait son apprentissage d’arpenteur-géomètre chez Pierre-Amable-Eugène Casgrain, arpenteur de L’Islet. Admis à la profession le 10 janvier 1876, il quitte la Côte-du-Sud et s’établit à Arthabaskaville (Victoriaville), où il pratique son métier jusqu’en 1895. Il s’affirme bientôt comme un homme de terrain en dressant le cadastre du comté d’Arthabaska et d’une partie de celui du comté de Drummond. Gastonguay compte parmi les notables de sa localité. Le 7 juillet 1884, il est nommé commissaire de la commission scolaire du village. Le 9 décembre 1894, il cosigne avec Wilfrid Laurier*, futur premier ministre du Canada, une demande d’achat d’une cloche pour l’église de Saint-Christophe à Arthabaskaville, paroisse dont il est marguillier depuis 1892.
Au début du xxe siècle, Gastonguay est l’un de ceux qui, par la colonisation, contribuera à modifier l’écoumène de la province de Québec. À cette époque, la colonisation est considérée, par le gouvernement, comme une solution temporaire à l’exode croissant de la population rurale vers les usines de la Nouvelle-Angleterre. Les élites traditionnelles la perçoivent plutôt comme le moyen idéal de protéger la foi, la langue et la nation canadiennes-françaises. Dans ce contexte, l’expérience d’arpenteur-géomètre qu’a acquise Gastonguay fait de lui une personne compétente pour déterminer les terres propices à la colonisation. En 1895, il est nommé directeur des travaux de colonisation au département provincial de l’Agriculture et de la Colonisation. Son travail consiste à visiter les principales régions de colonisation de la province de Québec afin d’évaluer les nouvelles aires de peuplement. Il aide les colons à s’établir, notamment en assurant la construction de chemins et de ponts et en cherchant à leur fournir un peu d’argent. Dans certaines régions, il contribue à l’achat de chevaux, de bœufs, de vaches et de sacs de farine pour les nouveaux arrivants. Il occupera ce poste jusqu’en 1914.
Vers 1900, Gastonguay s’établit à Québec, dans la paroisse Notre-Dame-du-Chemin, où il ne tarde pas à participer à plusieurs organisations : comité de Québec, formé en 1902, dans le but d’obtenir l’adoption du symbole du Sacré-Cœur sur le drapeau national des Canadiens français, Ligue du Sacré-Cœur, Association de l’adoration perpétuelle du Très Saint-Sacrement de Québec. Il est de plus préfet de la Congrégation de la Sainte-Vierge et vice-président de la conférence de la Société de Saint-Vincent-de-Paul dans sa paroisse. En collaboration avec Mgr Thomas-Grégoire Rouleau, principal de l’école normale Laval, il fonde, en 1916, le Cercle de colonisation Notre-Dame-du-Chemin. Affilié à l’Action sociale catholique et patronné par Mgr Paul-Eugène Roy, ce cercle vise à attirer des colons dans la vallée de la Matapédia et à subvenir à leurs besoins immédiats. L’œuvre commence à Albertville ; en 1918, le village né de l’exploitation forestière compte déjà 66 familles et près de 450 âmes. Sept colonies sont sous la gouverne du Cercle de colonisation Notre-Dame-du-Chemin. Presque toutes sont situées dans la vallée de la Matapédia (Saint-André-de-Restigouche, Sainte-Florence, Causapscal, Awantjish), mais l’œuvre essaime aussi en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent et sur la Côte-du-Sud. Afin de renseigner les colons sur les lois en vigueur, les lots et la vente de bois – qui leur procure un supplément pécuniaire –, une vingtaine de cercles sont créés sur la Côte-du-Sud.
Afin de regrouper les efforts de tous les cercles fondés sur le modèle de celui de Notre-Dame-du-Chemin (une quarantaine), Gastonguay contribue à la formation, en 1917, de la Ligue nationale de colonisation, qu’il préside et coordonne. Pour faire connaître son œuvre, il mène une importante campagne de publicité dans différents journaux. En 1918, à l’Exposition provinciale de Québec, par exemple, il fait construire un camp en bois rond afin de donner une démonstration pratique de la vie qui attend le nouveau colon. Au début des années 1920, il peut compter sur l’appui d’Ivanhoë Caron*, missionnaire-colonisateur qui organise des cercles de colonisation en Abitibi. L’une des principales réalisations de Gastonguay au sein de la ligue demeure la fondation, en 1921, à Lac-Sergent, dans la région de Portneuf, d’un orphelinat agricole que dirigeront les Frères de Notre-Dame de la Miséricorde. L’idée de mettre sur pied de tels établissements remonte à 1883, année de création de l’orphelinat agricole de Montfort. On y enseignait à des enfants pauvres ou orphelins les rudiments de la vie de colon afin de favoriser le retour à la terre. L’un des premiers citoyens de Québec à faire de la villégiature au pourtour du lac Sergent, Gastonguay y voyait aussi l’occasion de contribuer au développement de la localité, dont il est conseiller en 1921.
Le dynamisme de Gastonguay l’a amené à s’intéresser à un autre projet, à l’extérieur de la province de Québec. De concert avec Mgr Joseph-Jean-Baptiste Hallé*, aumônier de la Ligue nationale de colonisation et premier préfet apostolique de l’Ontario-Nord, Gastonguay a mis sur pied, en 1919, le comité Dieu et Patrie, dans le but de créer de nouvelles paroisses dans cette région. L’année suivante, il souhaite regrouper les cercles de colonisation, les sociétés de colonisation et les actions gouvernementales dans une seule et même structure, mais le projet ne connaît pas de suite. En raison de son dévouement dans le domaine de la colonisation, il est nommé chevalier de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand par le pape Benoît XV en 1921.
Tout en travaillant au service de la colonisation, Gastonguay s’efforce de faire reconnaître sa profession. Membre du bureau de direction de la Corporation des arpenteurs-géomètres de la province de Québec depuis sa création en 1882, il accède à la présidence de l’association en 1900 et la dirige pendant 12 ans. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il s’emploie à promouvoir, en 1906, la création d’une école polytechnique à l’université Laval. Le projet, de grande envergure, nécessiterait des investissements privés ; une telle éventualité mécontente certains prêtres du séminaire de Québec qui voient là une intrusion des laïques dans leur gestion. De plus, il existe déjà une telle école à Montréal rattachée à l’université [V. Urgel-Eugène Archambeault*]. Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, recteur de l’université, donne finalement son aval à une fondation moins ambitieuse, celle de l’École centrale de préparation et d’arpentage. Sous la responsabilité de la Corporation des arpenteurs-géomètres, l’école ouvre ses portes en septembre 1907, année où elle accueille une cinquantaine d’étudiants ; elle est affiliée à la faculté des arts en mai 1908. Gastonguay et Alfred Fyen en sont les premiers professeurs. Gastonguay enseigne à l’université jusqu’à la fin de sa vie ; il donne des cours de topographie, de géodésie, de cartographie, d’arpentage et d’arithmétique, tout en assumant la charge de directeur des études de 1910 à 1918. Simultanément, il poursuit une pratique privée ; vers 1910, il s’associe à son gendre, Louis Giroux, qui a son bureau côte de la Montagne. Son fils Jules-Paul se joint à l’équipe dix ans plus tard.
Joseph-Narcisse Gastonguay meurt le 28 juin 1922, à l’âge de 73 ans, laissant dans le deuil sa femme, deux filles et deux fils. Grâce à son savoir et à son savoir-faire, il a contribué à l’avancement de la profession d’arpenteur-géomètre. De plus, il a été l’un des artisans du mouvement de colonisation ; un lac du Nord-du-Québec porte d’ailleurs son nom depuis 1912. Comme l’a souligné son collègue de l’université Laval, Paul Joncas, au lendemain de sa mort, c’était un « homme de cœur, de principes et de savoir », un professeur remarquable pour son enthousiasme, sa bonté et sa clarté d’exposition.
Joseph-Narcisse Gastonguay a laissé quelques écrits, notamment le début d’une histoire de l’arpentage publié par la Corporation des arpenteurs-géomètres de la prov. de Québec dans son Rapport annuel (Québec) de 1891 à 1896. Il est également l’auteur de deux articles : « la Colonisation et les Cercles de colonisation », Almanach de l’Action sociale catholique (Québec), 3 (1919) : 122 s. ; « Cercle de colonisation », la Semaine religieuse de Québec, 12 avril 1917 : 512.
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Yves Hébert, « GASTONGUAY, JOSEPH-NARCISSE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gastonguay_joseph_narcisse_15F.html.
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Auteur de l'article: | Yves Hébert |
Titre de l'article: | GASTONGUAY, JOSEPH-NARCISSE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |