FOSTER, ASA BELKNAP, entrepreneur dé chemins de fer et homme politique, né à Newfane, Vermont, le 21 avril 1817, fils de Stephen Sewell Foster*, médecin et homme politique, et de Sally Belknap, décédé à Montréal le 1er novembre 1877.

Les parents d’Asa Belknap Foster vinrent s’établir à Frost (près de Waterloo, dans le Bas-Canada) en 1822, et Foster fit ses études à l’école du village. En 1837, il retourna aux États-Unis où il travailla pour son oncle, S. K. Belknap, entrepreneur de chemins de fer ; pendant 15 ans, Asa construisit des voies ferrées en Nouvelle-Angleterre. En 1840, il épousa Elizabeth Fish, de Hatley, Bas-Canada ; ils eurent dix enfants.

Foster revint au Canada en 1852 et s’établit à Waterloo. Il fut à la fois commerçant et entrepreneur et il connut une réussite sans pareille en construisant des chemins de fer dans tout le Québec et dans les régions environnantes. Foster fut président de la Compagnie du chemin de fer de jonction des comtés du Sud-Est (South Eastern Counties Junction Railway Company) qui devint par la suite la Compagnie du chemin de fer du Sud-Est (South Eastern Railway Company), vice-président et administrateur-directeur du Canada Central Railway, administrateur-directeur du Brockville and Ottawa Railway, administrateur de la Banque du district de Bedford, et occupa un rang éminent dans le monde des affaires de Montréal.

Foster se lança dans la politique en 1858, comme partisan de George-Étienne Cartier. Au cours d’une élection partielle, il fut élu député dans la circonscription de Shefford. Foster avait été appuyé par Lucius Seth Huntington*, un libéral, opposé tout comme lui, à la coutume dans les Cantons de l’Est d’élire des membres non résidents. Huntington devint représentant de Shefford quand Foster démissionna en 1860 pour se présenter au Conseil législatif. Foster fut élu sans concurrent dans la circonscription de Bedford et conserva son siège jusqu’en 1867, date à laquelle il entra au Sénat du dominion. La même année, il fut choisi peur devenir le premier maire de la municipalité de Waterloo et, de 1857 à 1869, il fut lieutenant-colonel dans la milice de Shefford.

Foster fut impliqué dans le « scandale du Pacifique », en partie à cause de l’amitié qui le liait à George W. McMullen, un homme d’affaires né au Canada mais établi à Chicago. McMullen représentait un groupe d’hommes d’affaires américains irrités d’avoir été exclus de la compagnie du chemin de fer transcontinental, formée au Canada en 1872 ; il essaya de recouvrer une partie de l’argent que ces Américains avaient avancé, par l’intermédiaire de sir Hugh Allan*, aux conservateurs (dont sir John Alexander Macdonald* et Cartier), au cours des élections de 1872. La manœuvre employée était un pur chantage : le 31 décembre 1872, McMullen rendit visite à Macdonald et lui demanda des avantages commerciaux en rapport avec le chemin de fer ; en échange, il s’engageait à ne pas rendre publics les documents compromettants concernant la campagne électorale de 1872. Macdonald refusa. Presque aussitôt, Huntington porta à la chambre des Communes des accusations de corruption, en s’appuyant sur des documents qui furent rendus publics par la suite.

En 1872, Foster avait été au courant des tractations entre Allan, Macdonald et Cartier. C’est ce qu’il révéla, en juillet 1873, dans une lettre destinée à la publication et adressée à McMullen, lequel était alors l’objet de vives attaques. Les conservateurs supposèrent que Foster avait donné à son ami Huntington et aux libéraux les preuves fournies par McMullen, lesquelles aidèrent à renverser le gouvernement Macdonald. Foster, qui était administrateur de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique de sir Hugh Allan, refusa de témoigner, tout comme le firent les libéraux, devant la commission royale chargée d’enquêter sur le scandale.

On en vint de plus en plus à considérer le sénateur conservateur comme un renégat, à la suite des deux accords signés, en 1874, et en 1875, par le nouveau gouvernement libéral d’Alexander Mackenzie*, aux termes de la loi de 1874 concernant le chemin de fer canadien du Pacifique. Le premier accord, avec la Canada Central Railway Company, dont Foster était l’un des dirigeants, prévoyait une subvention de $12 000 par mille pour la construction de l’embranchement allant du village de Douglas, près de Renfrew, Ont., à la section du chemin de fer canadien du Pacifique de la baie Georgienne. Selon le second accord, cette dernière section devait être construite du lac Nipissing à la baie Georgienne. Bien que la ligne fût « considérée comme faisant partie du chemin de fer canadien du Pacifique », elle deviendrait, « une fois terminée, la propriété de l’entrepreneur » ; les subventions étaient de $10 000 et de 20 000 acres de terre par mille. Le sénateur Foster s’était donc engagé à construire et à exploiter quelque 200 milles de voie ferrée, à partir du terminus du chemin de fer canadien du Pacifique au lac Nipissing, jusqu’à la baie Georgienne et ensuite vers la vallée de l’Outaouais. Selon Alexander Mackenzie, ces lignes de chemin de fer seraient « le lien le plus direct entre [...] la baie Georgienne et Montréal ». Certaines clauses de l’accord prévoyaient une coopération entre le réseau de Foster et des lignes nord-sud telles que le Northern Colonization Railway (qui faisait partie du Canada Central Railway) et le Kingston and Pembroke Railway. Foster avait bien mérité son surnom de « roi des chemins de fer canadiens ».

Les conservateurs avaient la conviction que ces transactions au sujet des chemins de fer présentaient un côté vénal. Le sénateur Robert Read demandait des explications : « Pourquoi ces arrangements ? Tout simplement pour récompenser le Northern Pacific [dans lequel McMullen avait des intérêts], d’avoir aidé par l’intermédiaire de McMullen à renverser le dernier gouvernement, et pour remercier également M. Foster de sa participation à cette transaction. » Selon John Graham Haggart* : « Il est de notoriété publique que les renseignements utilisés pour renverser le dernier gouvernement avaient été fournis par l’honorable A. B. Foster et tout le monde dans le pays s’attendait à ce qu’il en soit récompensé.[...] et il l’a été. »

Vers 1875, Foster connut des ennuis d’argent. En 1871, il avait acheté de grandes sections du Brockville and Ottawa Railway et du Canada Central, ainsi qu’une énorme quantité de rails. Il devait payer à tempérament ses dettes qui s’élevaient alors à $2 000 000 ; mais, en 1877, il était en faillite et, à la demande des Américains qui faisaient concurrence à sa ligne du chemin de fer du Sud-Est dans le Vermont, il fut incarcéré pour dettes pendant quelque temps dans cet état. La concurrence était si acharnée qu’en 1877 certaines sections de cette ligne furent sabotées et durent être « gardées par un shérif à la tête d’un détachement armé ». Ruiné, Foster mourut d’une crise cardiaque à Montréal. Il avait résigné ses fonctions de sénateur en 1875, mettant ainsi fin à une médiocre carrière d’homme politique.

La Gazette de Montréal fit le commentaire suivant : « Il se consacra à la construction des chemins de fer avec une ardeur qui ne provenait pas du désir de s’enrichir, mais de l’enthousiasme qu’il avait pour son métier. » On peut trouver à redire à cette déclaration, sans accepter pour cela les critiques sévères des conservateurs. Dans le domaine de la construction des chemins de fer au Canada au cours du xixe siècle, on rencontre peu d’initiatives désintéressées ; David Mills* a fait remarquer que « la corruption s’étale dans presque toutes les entreprises de chemin de fer depuis le début jusqu’à la fin de la construction ». On en a des preuves documentaires et indirectes en ce qui concerne Asa Belknap Foster ; il employait parfois cet aphorisme : « Ce n’est pas la peine d’avoir des amis, s’ils ne vous servent à rien. » On peut dire qu’il fut sans aucun doute un entrepreneur de chemins de fer des plus typiques, malgré une carrière où se sont succédés de façon spectaculaire des succès et des échecs.

Donald Swainson

APC, FM 26, A (Papiers Macdonald), 125.— Debates of the House of Commons of Canada, 1877.— Sessional Papers of Canada, 1875, 8e partie, n° 44.— Gazette (Montréal), 1877.— Globe (Toronto), 1873, 1877.— Montreal Witness, 1877.— Can. biog. dict., II : 75s.— Can. directory of parliament (Johnson).— Can. parl. comp., 1873.— Dom. ann. reg., 1878.— Creighton, Macdonald, old chieftain.— H. A. Innis, A history of the Canadian Pacific Railway (Toronto, 1923).— Gustavus Myers, History of Canadian wealth (Chicago, 1914).— J. P. Noyes, Sketches of some early Shefford pioneers ([Montréal], 1905), 7–90.

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Donald Swainson, « FOSTER, ASA BELKNAP », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/foster_asa_belknap_10F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
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