DURAND, JUSTINIEN, prêtre, récollet, missionnaire, commissaire provincial des récollets à Québec, né en France vers 1667 et décédé à Québec le 1er août 1746, selon le « Nécrologe des Récollets », ou au début de 1748, selon le chroniqueur de l’Hôpital Général de Québec.

On ne possède aucun renseignement sur la vie de Justinien Durand avant son arrivée à Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.) en octobre 1704 avec les titres de grand vicaire de l’évêque de Québec et de curé de Port-Royal. Comme il succède à Abel Maudoux, qui a eu de nombreux démêlés avec le gouverneur de l’Acadie, Jacques-François de Monbeton* de Brouillan, il a reçu instruction d’améliorer les relations du clergé avec les autorités civiles. Il semble avoir réussi sur ce point. La mort de Brouillan, en septembre 1705, contribue sans aucun doute à transformer le climat, mais également l’attitude de Durand, laquelle se caractérise par la prudence et la discrétion, en particulier dans l’affaire Louise Guyon. Le successeur de Brouillan, Daniel d’Auger* de Subercase, n’a qu’à se féliciter de la présence des récollets à Port-Royal.

Après la chute de Port-Royal aux mains de Francis Nicholson*, le 13 octobre 1710, le missionnaire cherche à réunir les habitants « dans le haut de la rivière [Annapolis River, N.-É.] », afin de les soustraire aux conditions de la capitulation qui exigent un serment d’allégeance de la part des Acadiens de la « banlieue de Port-Royal ». Sa conduite ayant été jugée séditieuse par Samuel Vetch*, il est fait prisonnier en janvier 1711 et conduit à Boston, d’où Louis Denys de La Ronde réussit à le ramener à la fin de la même année, lors d’un échange de prisonniers.

Après le traité d’Utrecht en 1713, Durand et d’autres missionnaires de l’Acadie, à la demande du gouvernement français, essaient d’inciter la population acadienne à émigrer dans les territoires demeurés français. Au début, Durand est optimiste sur la volonté d’émigrer de ses paroissiens, mais les autorités anglaises multiplient les obstacles et les autorités françaises se montrent peu enclines à respecter les promesses mirifiques faites par leurs agents. Au fond, les Acadiens ne désirent pas quitter leurs terres si on leur garantit la liberté de religion et le droit de propriété.

Ils ne veulent pas non plus prêter le serment d’allégeance au roi d’Angleterre. Aucun des premiers administrateurs de la Nouvelle-Écosse, Francis Nicholson, Samuel Vetch, John Doucett*, Thomas Caulfeild*, ne réussit à l’obtenir. En avril 1720 arrive le nouveau gouverneur, Richard Philipps, bien déterminé à régler cette question. Trois jours après son arrivée, Durand prend l’initiative et il se met à la tête d’une délégation d’Acadiens qui se présentent au gouverneur pour lui expliquer pourquoi ils ne peuvent pas prêter le serment. Durand se voit intimer par Philipps l’ordre de publier la proclamation selon laquelle chacun devra le prêter sous peine de devoir quitter la province dans un délai de quatre mois ; il se plie aux exigences du gouverneur et, sur les entrefaites, il se rend à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), demander, au nom des Acadiens, les conseils de Saint-Ovide [Monbeton], gouverneur de l’île Royale. En partant, le missionnaire écrit à Philipps qu’il a laissé ses paroissiens « dans une entière liberté de prendre tel parti qu’ils trouveraient avantageux » et il lui demande la permission de se retirer à l’île Royale « afin, dit-il, que l’on ne m’impute pas les troubles qui pourraient arriver ». La démarche de Durand semble avoir contribué à l’échec de Philipps pour obtenir, en 1720, le serment d’allégeance des Acadiens. Ce n’est qu’en 1730 qu’il y parviendra.

On retrouve le père Durand à Québec, en 1726, alors qu’il est nommé commissaire provincial des récollets de la Nouvelle-France, charge qu’il semble exercer par intervalles jusque vers 1734. Son mandat est sans histoire, si l’on excepte l’épisode lié à la révolte contre le commandant Nicolas Blaise* Des Bergères de Rigauville au fort Niagara (près de Youngstown, N.Y.) en juillet 1730. En effet, deux frères récollets de Montréal, les frères Césarée et Charpentier, réussissent à délivrer les instigateurs de la sédition, la veille même de leur exécution, et se réfugient avec eux au couvent des récollets de Québec. Le père Durand refuse de remettre les coupables entre les mains de la justice, tout en reconnaissant la culpabilité des deux religieux. Les autorités civiles profitent de cet incident pour obtenir du roi la « déclaration de 1732 », ordonnance qui prive l’Église canadienne, théoriquement du moins, du droit d’asile qu’elle détient, à l’instar de l’Église de France, et qui, en cas d’infraction, prive les coupables du droit d’être jugés par les tribunaux de l’officialité. Tout semble indiquer que cette ordonnance reste lettre morte.

Justinien Durand passe les dernières années de sa vie au couvent des récollets de Québec. Si l’on en croit le chroniqueur de l’Hôpital Général de Québec, il est nommé confesseur des religieuses à deux reprises, de 1731 à 1733 et de 1747 à 1748. C’est au cours de son ministère auprès des religieuses malades qu’il succombe à l’épidémie qui sévit à Québec au début de 1748. Cependant, le « Nécrologe des Récollets », tout en donnant la même cause à sa mort, en fixe la date au 1er août 1746. Cette date reste discutable puisque l’épidémie de peste ne s’est déclarée qu’en novembre 1746.

Micheline D. Johnson

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Micheline D. Johnson, « DURAND, JUSTINIEN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/durand_justinien_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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