VETCH, SAMUEL, commandant de la garnison d’Annapolis Royal, gouverneur de la Nouvelle-Écosse et auteur d’un plan pour la conquête de la Nouvelle-France, né le 9 décembre 1668 (ancien style) à Édimbourg, en Écosse, et décédé à Londres le 30 avril 1732. Il était le deuxième fils de William Veitch, important pasteur presbytérien, et de Marion Fairly Veitch, issue d’une honorable famille d’Édimbourg.

À l’âge de 15 ans, Samuel Vetch et son frère William furent envoyés en Hollande pour y rejoindre leur père, qui avait fui les persécutions infligées aux covenantaires par Charles II. Pendant leur séjour aux Pays-Bas, ils étudièrent à Utrecht jusqu’en 1688, date à laquelle ils s’enrôlèrent dans l’armée de Guillaume d’Orange qui s’apprêtait à partir pour l’Angleterre. Par la suite, Vetch reçut sa formation militaire sur les champs de bataille au cours de la guerre de la ligue d’Augsbourg et parvint au grade de capitaine. À la fin de la guerre, il s’embarqua avec l’expédition écossaise, aux vues ambitieuses, qui partait pour Darien (Amérique centrale) et il fut élu au conseil de cette infortunée colonie. Les survivants de cette expédition, y compris Vetch, arrivèrent à New York en août 1699, épuisés par le manque de nourriture.

Grâce à son air imposant et à ses dons naturels, Vetch fut favorablement accueilli par les familles des marchands de New York. À la fin de l’année 1700, il épousa Margaret, sœur de John Livingston et fille d’un important marchand écossais, nommé Robert Livingston, seigneur du manoir de Livingston, membre du conseil de New York et titulaire de postes importants à Albany. Vetch entreprit dès cette époque un commerce lucratif, mais illégal, avec la Nouvelle-France. La divulgation de son trafic, la scission politique à l’intérieur de la colonie et le déclenchement de la guerre de Succession d’Espagne (Queen Annes War) entraînèrent son déplacement à Boston, où dès 1705 il entrevoyait la possibilité de se lancer dans de nouvelles affaires au Canada, sous le couvert de négociations pour l’échange de prisonniers. À l’été de 1705, le gouverneur Dudley le chargea de ramener à Québec Augustin Le Gardeur de Courtemanche, porteur de sa réponse aux propositions faites par le gouverneur Rigaud de Vaudreuil. Vetch en profita pour évaluer les ressources de la Nouvelle-France et essayer de rétablir des relations commerciales. Il trouva finalement des occasions de faire du commerce en Acadie et, alliant les affaires à l’espionnage avec d’autres capitaines de vaisseau de Boston, ils continuèrent leurs activités jusqu’à ce que la clameur publique les obligeât à mettre un terme à ce commerce illégal. Bien des gens s’étaient émus de la découverte d’armes parmi les marchandises expédiées en Acadie. Vetch subit un procès et fut condamné par la cour générale du Massachusetts en 1706 ; il partit alors pour l’Angleterre, où, l’année suivante, le Privy Council l’acquitta, sous prétexte que le corps législatif du Massachusetts avait outrepassé ses pouvoirs.

Vetch présenta sur-le-champ à la cour de la reine Anne un projet considérable n’ayant pour but rien de moins que la conquête de la Nouvelle-France. Avec une imagination peu ordinaire, il réunit les plans de 1690 et les efforts de la Nouvelle-Angleterre contre l’Acadie dans un mémoire, intitulé « Canada Survey’d », qu’il présenta en juillet 1708 et dans lequel il exposait les grandes lignes de la stratégie à suivre pour infliger une défaite totale à la France dans le nouveau monde et les avantages qui en résulteraient. Appuyé par certains lords du parti whig, qui étaient ses amis, et par des lettres de plusieurs gouverneurs des colonies, Vetch obtint l’autorisation de la reine pour la « glorieuse entreprise », ainsi que le grade de colonel et la promesse d’être nommé gouverneur du Canada après la conquête.

Ayant avec lui, comme volontaire, le colonel Francis Nicholson, ancien gouverneur de la Virginie, Vetch retourna à Boston en avril 1709, afin d’y gagner l’appui des colons en faveur de l’expédition, tout en attendant impatiemment l’arrivée des vaisseaux et des marins britanniques qui lui avaient été promis. Ce fut seulement en octobre que parvint la triste nouvelle que l’entreprise avait été annulée par suite des exigences de la guerre en Europe, ce qui rendit les colons furieux. Vetch, tombé dans l’estime du public, demanda avec insistance la reprise du projet et envoya Nicholson en Angleterre pour y apporter les protestations des colons.

Nicholson revint au printemps de 1710 avec l’autorisation de mener une attaque restreinte contre Port-Royal, en Acadie. Vetch était désigné pour devenir commandant du territoire conquis. Le commandant français, Daniel d’Auger de Subercase, dont les effectifs étaient considérablement plus faibles, céda après une brève lutte et, au début d’octobre, Vetch assuma le commandement de Port-Royal (rebaptisé Annapolis Royal) : la place n’était plus guère qu’un poste de contrôle d’une petite région autour du fort au milieu d’une population française hostile. Presque toute l’armée de la Nouvelle-Angleterre repartit au milieu d’octobre et Vetch resta avec 200 hommes de l’infanterie de marine et 250 volontaires recrutés dans les colonies. Le premier hiver à Annapolis Royal fut pénible : le fort était délabré, il était difficile de se procurer les approvisionnements nécessaires et les Acadiens, sentant la précarité de la position britannique, se montraient de plus en plus insoumis. En janvier 1710/1711, Vetch retourna à Boston chercher des renforts pour sa garnison, mais découvrit que la rumeur publique l’accusait de profiter de sa position pour s’enrichir. Il repoussa violemment ces accusations et parvint finalement à obtenir de l’aide pour son poste, sous forme d’approvisionnements. De retour à Annapolis Royal, il trouva la garnison diminuée (il ne lui restait guère plus de 200 hommes) et découragée par la situation. Les Acadiens et les Indiens se montrant de plus en plus hostiles, Vetch se mit à envoyer des demandes de renforts aux colonies de la Nouvelle-Angleterre et continua d’insister pour la conquête de tout le Canada.

En juin 1711, Vetch fut informé qu’un régiment britannique, appuyé par une importante escadre, se tenait prêt à Boston et que, sur les ordres du nouveau gouvernement tory, on se préparait à reprendre les mesures stratégiques qu’il avait préconisées. Rappelé à Boston, il laissa Sir Charles Hobby commander temporairement à Annapolis Royal. Les forces armées s’embarquèrent pour Québec le 30 juillet, sous les ordres de l’amiral Sir Hovenden Walker, avec le brigadier général John Hill en qualité de commandant en chef des forces de débarquement, et Vetch qui assurait le commandement des troupes de la Nouvelle-Angleterre. Sachant que Vetch connaissait bien le Saint-Laurent, Walker lui demanda de conduire la flotte mais il ne lui avait pas encore confié l’avant-garde que des vents contraires, joints à une mauvaise manœuvre, jetèrent neuf vaisseaux sur les récifs près de l’Île-aux-Œufs, dans le golfe du Saint-Laurent. L’amiral, peu enthousiaste dès le début, ne chercha pas d’autre excuse pour abandonner l’entreprise, bien que Vetch employât toute sa force de persuasion pour que cette armée encore puissante poursuive son voyage.

Sur le chemin du retour, Vetch reçut l’assurance qu’environ 350 hommes de l’armée seraient détachés pour relever la garnison en Nouvelle-Écosse. Il s’arrêta à Annapolis Royal et y laissa environ 200 hommes, l’ingénieur militaire George Vane et Thomas Caulfeild, qui devait remplacer Hobby. Vetch s’en fut ensuite passer l’hiver à Boston, d’où il se tint en rapport avec Caulfeild qui assurait l’intérim. Au cours de son séjour à Boston et après son retour à Annapolis Royal, en juin, il fit des demandes incessantes mais vaines pour que Londres lui donne des instructions au sujet de ses fonctions, lui envoie une garnison permanente et paie les dépenses assez considérables de la colonie. Dans la colonie, la situation empirait au fur et à mesure que se multipliaient les désertions de la garnison et, à peu près à la même époque, Vane se plaignit au gouvernement anglais que Vetch pratiquait des exactions sur les habitants et les traitait « avant tout comme des esclaves ».

Après un autre hiver difficile à Annapolis Royal, Vetch apprit au début de l’été de 1713 que, en Angleterre, le gouvernement tory avait nommé Nicholson pour le remplacer. Quand, à l’automne, Nicholson débarqua avec le titre de gouverneur, Vetch découvrit que son ancien compagnon d’armes s’était retourné contre lui et que, à la suite des plaintes portées par Vane, il essayait de le faire accuser de malversations dans l’administration d’Annapolis Royal. Pour répondre à ces accusations et recouvrer ce que le gouvernement lui devait, Vetch s’embarqua pour l’Angleterre le 16 avril 1714, laissant derrière lui sa femme et ses deux enfants, Alida et William.

Grâce à l’avènement de George Ier et à la nomination d’un gouvernement whig, Vetch parvint à réfuter les allégations arbitraires de Nicholson, à justifier son administration de la Nouvelle-Écosse et à se faire nommer gouverneur en janvier 1714/1715 ; mais il ne revint jamais en Amérique. Le Board of Trade le consulta à plusieurs reprises sur des questions d’ordre général concernant l’Amérique, ou sur les difficultés rencontrées dans son propre gouvernement. En août 1717, il fut remplacé par le gouverneur Philipps*. Il passa les dernières années de sa vie à entreprendre de vaines démarches pour la mise en valeur de la Nouvelle-Écosse, à solliciter un poste vacant de gouverneur aux colonies et à essayer de se faire payer son dû. Margaret Vetch rejoignit son mari en Angleterre en 1717 et demeura près de lui jusqu’à sa mort qui survint alors qu’il était détenu pour dettes par ordre de la cour du Banc du roi. Il fut inhumé à l’église St. George, dans le quartier de Southwark à Londres.

Samuel Vetch fut l’un des rares Anglais de son époque qui eut assez de vision pour prévoir l’avenir de l’empire et qui sut intéresser les colons et les autorités britanniques à des plans d’action méritant l’appui des uns et des autres. Il montra nettement les nouvelles possibilités commerciales que les ressources du Canada pouvaient apporter à la Grande-Bretagne. Après la conquête de la Nouvelle-Écosse, il travailla sans relâche à sa mise en valeur, tant au cours de son commandement que par la suite dans ses démarches personnelles à Londres. Vetch se rendit compte tout au long de sa vie que son intérêt personnel était lié aux problèmes grandissants de l’armée, des finances et de l’administration de l’empire. Il contribua à donner l’impulsion qui devait amener le remplacement de l’hégémonie française au Canada par la domination britannique.

Le Conseil des Sites et Monuments historiques du Canada, sous la présidence du docteur J. C. Webster, fit ériger, en 1928, un monument à Vetch sur les remparts du vieux fort d’Annapolis Royal. De grands tableaux représentant Vetch et sa femme sont exposés au musée de la ville de New York.

G. M. Waller

Les lettres personnelles de Vetch se trouvent parmi les documents de Robert Livingston, dans la Livingston-Redmond Coll., Roosevelt Library, Hyde Park, N. Y. Des copies de sa correspondance officielle sont dans son recueil de lettres, au musée de la ville de New York ; voir également BM, Sloane MS 3 607, et PANS, MS docs. V, VII, VII 1/2,. Certains des documents de Vetch se trouvent au New Brunswick Museum, Webster Coll., étagère 40, liasse 63–65. Une lettre des citoyens de Port-Royal se plaignant des durs traitements infligés par Vetch se trouve dans AN, Col., C11D, 7, f.68.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, CF, I (1888).— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., II : 448–451.— Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1938–39.— N.S. Archives, II.— N.S. Hist. Soc. Coll., I (1878) ; IV (1884).— NYCD (O’Callaghan et Fernow), III, IV, V, IX.— PRO, B.T. Journal, 1704–1708/9, 1708/09–1714/15, 1714/15–1718, 1718–22, 1722/23–1728 ; CSP, Col., 1706–08, 1708–09, 1710–11, 1711–12, 1712–14, 1714–15, 1716–17.— Walker expedition (Graham).— DAB.— DNB.— Brebner, New Englands outpost.— Murdoch, History of Nova-Scotia, I.— G. M. Waller, Samuel Vetch, colonial enterpriser (Chapel Hill, N. C., 1960) [on doit consulter cet ouvrage pour une bibliographie détaillée au sujet de Vetch] ; voir aussi l’article de Waller, Samuel Vetch and the glorious enterprise, NY. Hist. Soc. Q., XXXIV (1950) : 101–123.— D. C. Harvey, History in stone and bronze, Dalhousie Review (Halifax), XII (1932–33) : 69–76.

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G. M. Waller, « VETCH, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/vetch_samuel_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    1 décembre 2024