DOUCET, NICOLAS-BENJAMIN, notaire, fonctionnaire, juge de paix, officier de milice et auteur, né le 19 février 1781 à Trois-Rivières, Québec, deuxième des 12 enfants de Jean Doucet et de Magdeleine Mirau ; décédé le 27 mai 1858 à Montréal.

Probablement originaire de la Touraine, en France, l’ancêtre de Nicolas-Benjamin Doucet, Germain Doucet de La Verdure, vint en Acadie en 1632. Il y servit comme capitaine d’armes de Pentagöuet (Castine, Maine) et, quelques années plus tard, en qualité de commandant de Port-Royal (Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse). Son grand-père, Charles Doucet, dut quitter l’Acadie lors de la Déportation et se réfugia avec sa famille à Trois-Rivières. Son père se maria dans cette ville en 1778 et s’y établit pour exercer son métier de boulanger. Il ne tarda pas à devenir un des notables du district où il occupa les charges de syndic et de juge de paix. Plusieurs de ses garçons s’orienteront vers des carrières libérales et ses filles se lieront à des gens de leur condition.

C’est dans cette famille aisée et bien connue de Trois-Rivières à la fin du xviiie siècle que Doucet grandit. En 1799, après avoir fait des études, il commence son stage de clerc dans cette ville, sous la direction de Joseph Badeaux*. Le 17 mars 1804, il reçoit sa commission de notaire ; il rédige et signe son premier acte le 20 mars, soit le jour même de son serment d’office. Le 5 août 1807, il épouse Marie-Euphrosine Kimber, âgée de 18 ans, fille aînée de René Kimber*, marchand en vue de Trois-Rivières, et sœur de René-Joseph Kimber, qui sera plus tard médecin, député de Trois-Rivières et conseiller législatif. La cérémonie est présidée par nul autre que Mgr Joseph-Octave Plessis*, évêque de Québec.

Dans une société où les postes de prestige sont rares, Doucet, qui est si bien entouré, prend part très tôt aux affaires du district de Trois-Rivières dont il devient greffier adjoint de la paix, puis juge de paix en 1811. Il aurait pu ainsi continuer paisiblement son ascension sociale, mais la guerre de 1812 lui apporte une chance inespérée de se faire valoir auprès des autorités coloniales. D’abord sollicité pour aider à l’organisation militaire en tant que commissaire chargé de faire prêter le serment aux officiers à la demi-solde le 11 mars 1812, de délivrer des permis dans le district le 20 mars, et de faire prêter le serment d’allégeance le 30 juin, Doucet obtient ensuite les commissions de capitaine et de major en second du 3e bataillon de la milice d’élite incorporée du Bas-Canada, respectivement le 25 mai 1812 et le 25 septembre 1813. Ces fonctions l’amènent à se rendre avec ses hommes au fort Lennox, dans l’île aux Noix, à Lacolle et à Plattsburgh, dans l’état de New York, où se déroule l’essentiel des hostilités. Doucet y commande certaines opérations, siège au conseil de guerre et prend part à la célèbre bataille de Châteauguay [V. Charles-Michel d’Irumberry* de Salaberry]. Il sera décoré pour sa participation à la guerre en 1813.

Une fois la menace américaine repoussée, Doucet revient à Trois-Rivières. En 1815, il quitte sa ville natale et s’établit définitivement dans une maison de la place d’Armes, à Montréal, où il reprend son activité de notaire. Il conserve toutefois quelques biens à Trois-Rivières ; quant à sa femme, elle héritera plus tard d’une partie des propriétés de son père. La famille Doucet compte alors une fille, née cette année-là ; dans les années suivantes cinq autres enfants naîtront dont deux mourront en bas âge.

Dès son arrivée à Montréal, ses contacts avec les milieux gouvernementaux valent à Doucet d’être nommé secrétaire-trésorier de la commission chargée d’enquêter sur l’état des chemins et de celle chargée d’enquêter sur la construction d’une prison, le 30 octobre 1815. Puis, le 21 juin 1821, Doucet se voit confier le poste d’agent des Affaires indiennes à la réserve de Caughnawaga (Kahnawake) et, le 10 février 1823, le même poste aux réserves de Saint-Régis, près de l’état de New York, et de Lac-des-Deux-Montagnes (Oka, Québec). Notaire connu et recherché pour sa connaissance approfondie du droit, Doucet mène une vie sociale qui lui permet d’occuper quelques charges honorifiques ; si elles ne sont pas nombreuses, elles sont pourtant relativement importantes, signe sans doute de l’influence du personnage. Ainsi il est élu marguillier de la paroisse Notre-Dame de Montréal en 1820 et président de l’association des notaires du district de Montréal dans les années 1840. Pour des raisons inconnues, peut-être d’ordre professionnel, il aurait cependant refusé en 1830 la charge de juge de paix de Montréal et décliné en 1842, comme ses collègues George Vanfelson et John Samuel McCord, la fonction de commissaire chargé de s’enquérir de l’état des lois sur la tenure seigneuriale dans le Bas-Canada.

C’est à la fin des années 1830 que Doucet rédige l’œuvre de sa vie, un ouvrage de compilation intitulé Fundamental principles of the laws of Canada, as they existed under the natives, as they were changed under the French kings, and as they were modified and altered under the domination of England [...]. Inscrit au greffe de la Cour du banc de la reine de Montréal le 14 février 1840 et publié probablement en fascicules chez John Lovell* de 1841 à 1843, ce traité décrit à l’intention des étudiants en droit les origines et l’histoire des lois et des institutions. Rédigé en anglais, cet ouvrage est le fruit d’un travail de compilation et d’érudition considérable. Dans un premier volume, Doucet évoque les droits hébraïques issus de la Bible, s’étend sur le droit romain, sur celui des tribus barbares, en particulier les tribus anglo-saxonnes, et consacre la plus grande partie de l’ouvrage à l’histoire du droit anglais, de la conquête normande à 1774. Dans un second volume, après un bref exposé sur les lois des Indiens d’Amérique, Doucet reprend en les expliquant les principales parties du code Napoléon qui, bien que sans valeur juridique au Bas-Canada, était d’usage courant parmi les praticiens et les juges de la colonie à l’époque. Il termine par une version bilingue, sans commentaire cependant, de la Coutume de Paris. En somme, il s’agit d’un ouvrage à prétention encyclopédique, de peu d’originalité, consacré dans sa quasi-totalité au droit anglais d’avant la Conquête et au code Napoléon ; son grand mérite est sans doute de rendre accessible en anglais un corpus de lois anglaises et surtout françaises d’usage courant dans le Bas-Canada au début du xixe siècle. Un commentateur de l’époque note au sujet de cet ouvrage, dans la Montreal Gazette du 27 mars 1841 : « C’est, nous devons l’admettre, une chose nouvelle de trouver un Canadien français originaire de cette province consacrant tant de temps et de travail, comme cet ouvrage en a requis, à l’instruction de ceux qui entendent poursuivre l’étude de nos lois, et, mettant de côté tous les préjugés de naissance et de nationalité, donnant [cet ouvrage] au public dans la langue anglaise. »

Nicolas-Benjamin Doucet abandonne la profession de notaire en 1855, après 51 ans d’exercice, laissant un des minutiers les plus volumineux – il contient plus de 30 000 actes – au palais de justice de Montréal. Son fils Théodore, qui est son associé depuis 1839, suivra ses traces dans la carrière. Doucet meurt le 27 mai 1858 à Montréal, à l’âge de 77 ans. Joseph-Edmond Roy* le qualifie de « l’une des figures éminentes de la vie professionnelle et sociale » de la première moitié du xixe siècle à Montréal.

Jacques Boucher

Le minutier de Nicolas-Benjamin Doucet, contenant des actes passés entre 1804 et 1855, est conservé aux ANQ-M, sous la cote CN1-134. Doucet est l’auteur de : Fundamental principles of the laws of Canada, as they existed under the natives, as they were changed under the French kings, and as they were modified and altered under the domination of England [...] (2 vol. en 1, Montréal, 1841–1843).

ANQ-M, CE1-51, 29 mai 1858 ; CN1-68, 1er mars 1826 ; CN1-69, 29 sept. 1845 ; CN1-122, 4 nov. 1834 ; CN1-270, 10 mars 1823.— ANQ-MBF, CE1-48, 2 févr. 1778, 20 févr. 1781, 5 août 1807 ; CN1-38, 1er mars 1799.— APC, MG 30, D1, 11 :242–245 ; RG 4, B8, 2 : 507–512 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 279–280, 341–342, 368 ; 1841–1867 : 343.— AUM, P 58, U, Doucet à Louis Guy, 7 févr. 1812 ; Doucet à J.-G. de Tonnancour, 4 mars, 20 juin, 10 oct., 13 nov. 1820, 10 mars 1821, 21 janv. 1822, 16 juill. 1828 ; Doucet à Mme Dufresne, 18 sept. 1821, 11 juill., 24 sept. 1823, 8 juill. 1824, 4 janv. 1825, 13 juin, 27 sept. 1826 ; Doucet à Joseph Masson, 28 juin 1826 ; lettre de Doucet, 8 sept. 1841.— La Minerve, 29 mai 1858.— Montreal Gazette, 27 mars 1841.— E. A. Cruikshank, Inventaire des documents militaires du dépôt des archives canadiennes (Ottawa, 1912), 54–56.— « Marguilliers de la paroisse de Notre-Dame de Ville-Marie de 1657 à 1913 », BRH, 19 (1913) : 276–284.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 107.— Officers of British forces in Canada (Irving), 111, 125, 157.— [J.-E. Roy], « Bibliographie notariale », la Rev. du notariat (Lévis, Québec), 2 (1899–1900) : 225–229.— A. W. P. Buchanan, The Buchanan book ; the life of Alexander Buchanan, Q. C., of Montreal, followed by an account of the family of Buchanan (Montréal, 1911), 123–124.— Lareau, Hist. de la littérature canadienne, 398–399.— J.-E. Roy, Hist. du notariat, 2 : 234 ; 3 : 82, 97.— Sulte, Mélanges hist. (Malchelosse), 3 : 100 ; 10 : 93–94 ; 18 :61.— F.-J. Audet, « Un jurisconsulte dans notre administration : Nicolas-Benjamin Doucet, sa carrière et les diverses fonctions qu’il occupa dans le Québec », la Presse (Montréal), 12 août 1933 : 29.— « La Famille Jékimbert ou Kimber », BRH, 21 (1915) : 201–205.— J.-J. Lefebvre, « Une dynastie acadienne de notaires québécois : les Doucet (1804–1917) », la Rev. du notariat (Québec), 58 (1955–1956) : 474–481, 521–531.— É.-Z. Massicotte, « Un record notarial », BRH, 24 (1918) : 104.— Henri Têtu, « l’Abbé André Doucet, curé de Québec, 1807–1814 », BRH, 13 (1907) : 3–22.— [Yvonne Yon] e L.-J. Doucet, « Généalogie des familles Doucet : souche acadienne », SGCF Mémoires, 6 (1954–1955) : 371–388.

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Jacques Boucher, « DOUCET, NICOLAS-BENJAMIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/doucet_nicolas_benjamin_8F.html.

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Auteur de l'article:    Jacques Boucher
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    1 décembre 2024