DOUCET, ANDRÉ, prêtre catholique, né le 30 novembre 1782 à Trois-Rivières, Québec, fils de Jean Doucet et de Magdeleine Mirau ; décédé le 19 décembre 1824 à Tracadie, Nouvelle-Écosse.

Acadien d’origine, Jean Doucet était un propriétaire de moulin et un boulanger prospère. Aussi fut-il en mesure de pourvoir à l’éducation de ses 12 enfants : Nicolas-Benjamin* devint notaire et André, le quatrième, qui se destinait aux ordres, entra au séminaire de Québec en 1797. Sept ans plus tard, André devint l’objet d’une querelle de compétence entre Antoine-Bernardin Robert, supérieur du séminaire, qui voulait l’agréger à sa communauté, et Mgr Pierre Denaut*, évêque de Québec, qui souhaitait le garder pour le diocèse en raison de ses aptitudes hors du commun. Le séminaire céda à l’évêque et, après son ordination qui eut lieu le 1er décembre 1805, Doucet devint l’un des vicaires de Joseph-Octave Plessis qui était alors lui-même curé de Notre-Dame et coadjuteur de Denaut. Le 9 octobre 1807, Plessis, qui était devenu entre-temps évêque de Québec, nomma Doucet curé de Notre-Dame, une des deux paroisses les plus importantes de la province. Sans doute entendait-il préparer son protégé, qui n’avait alors que 24 ans, à lui succéder à l’épiscopat.

Doucet fut curé de Notre-Dame pendant sept ans et s’acquitta de ses fonctions sans jamais décevoir le moindrement Plessis. Il maintint en outre sa réputation de meilleur prédicateur du Bas-Canada. Le 11 juin 1809, devant une très nombreuse assistance, il prononça un sermon sur la « paix intérieure » et démontra sa loyauté envers la couronne britannique en concluant que les Bas-Canadiens vivaient dans la tranquillité depuis 50 ans, « sous l’influence du plus juste comme du plus doux des gouvernements du monde ». Nommé vicaire général du diocèse le 23 janvier 1813, Doucet siégea au sein de divers organismes séculiers, probablement à titre de représentant de l’Église catholique. Cotisant de la Société du feu de Québec, il fut, en 1813, membre du conseil d’administration de la Loyal and Patriotic Society of thé Province of Lower Canada et, la même année, membre d’un comité chargé de rédiger une adresse de remerciements à l’intention du gouverneur sir George Prévost*.

Pourtant, Doucet n’était pas heureux de son sort et, dès 1813, s’était mis à demander d’être muté dans une mission. Plessis l’encouragea de façon répétée à rester à Notre-Dame : « de quelque côté que se portent mes yeux, lui écrivait-il, je n’aperçois aucune personne à qui cette place puisse mieux convenir qu’à vous ». Finalement, le 20 octobre 1814, il accepta la démission de Doucet. Outre sa mauvaise santé, celui-ci avait invoqué son incapacité de supporter plus longtemps, même s’il n’en était pas la cible, les « emportements [...] querelles [et] injures » qui marquaient les assemblées de la fabrique. Affecté sans délai aux chapelles Notre-Dame-des-Anges de Québec et Notre-Dame-de-Foy à Sainte-Foy, Doucet se vit aussi confier la charge d’aumônier des pauvres et des religieuses de l’Hôpital Général.

Dans cette affaire, Plessis démentit les prêtres qui prétendaient que Doucet avait perdu sa confiance mais, un an plus tard, il ne pouvait en dire autant. L’espoir qu’il nourrissait de voir son protégé lui succéder fut anéanti. En effet, pendant une tournée de l’évêque dans les Maritimes, en septembre 1815, Doucet fit, « dans le plus grand secret, les préparatifs d’un homme qui ne [devait] pas revenir ». Il vendit ses biens, remboursa autant de dettes qu’il le put (certaines sommes substantielles demeurèrent cependant impayées, semble-t-il) et partit pour la France en passant par la Nouvelle-Écosse et l’île du Cap-Breton, où il habita quelque temps chez Laurence Kavanagh, marchand irlando-catholique bien connu.

Le clergé de Québec et celui de la Nouvelle-Écosse s’efforcèrent de détourner les spéculations sur les motifs du départ de Doucet dans l’espoir de recevoir de lui une explication qui découragerait toute rumeur de scandale. Mais Doucet demeura silencieux et, selon Plessis, le clergé de Québec conclut que sa fuite « était la démarche d’un cerveau dérangé ». Ce n’est qu’en août 1816 que Doucet écrivit à Plessis. Il se trouvait alors en France, au monastère trappiste d’Aiguebelle, près de Montélimar ; il commençait enfin à connaître « la Paix intérieure » et se sentait appelé à devenir moine. Certains historiens, tout en reconnaissant que Doucet était un homme doué, agréable et intelligent, ont allégué qu’il n’avait aucun talent pour l’administration. Peut-être ses nombreuses responsabilités à Québec et les grands espoirs que Plessis avait placés en lui excédaient-ils ses capacités et sa résistance physique. Il se peut qu’en quittant le Bas-Canada, il ait cherché à se décharger d’un trop lourd fardeau et à donner à sa vocation religieuse une orientation plus conforme à ses aptitudes. Cependant, en 1817, il changea d’avis pour des raisons inconnues et quitta le monastère après avoir accompli dix mois de noviciat « avec ponctualité et grande édification en foi », selon son supérieur trappiste.

Doucet débarqua à Halifax en novembre 1817 et fit part au vicaire apostolique de la Nouvelle-Écosse, Edmund Burke*, de son désir de travailler dans les missions de la province, ce que Plessis accepta. Dès son arrivée et jusqu’en octobre 1819, il exerça son ministère auprès des catholiques de Halifax, même s’il ne parlait que le français, et auprès de ceux d’un village acadien des environs, Chezzetcook. Il fut ensuite chargé d’assister Jean-Mandé Sigogne* dans la paroisse acadienne de Sainte-Anne (à Ste Anne du Ruisseau), dans le sud de la Nouvelle-Écosse, qui englobait la mission de West Pubnico. En 1822, il fonda la mission de Saint-Michel, à Bas-de-Tousquet (Wedgeport), dont il construisit la première église. Même s’il n’était pas en bonne santé, il s’acquitta de ses fonctions à la « grande satisfaction » de Sigogne. Celui-ci rapporta que Doucet était « aimé & estimé » de ses paroissiens ; cet élément est important, étant donné que les missionnaires avaient coutume de se plaindre des Acadiens des Maritimes qui, ayant été privés de prêtres pendant de nombreuses années, se montraient souvent indépendants et querelleurs à leur égard.

Pendant quelques années, Doucet sembla s’accommoder de l’isolement qui était le lot quasi général du clergé des Maritimes. Il n’écrivait pas souvent à Plessis, ce dont il s’excusait en ces termes : « le pays que j’habite n’offre littéralement rien d’intéressant pour ceux qui ne le conoissent pas, & dans trois ans, donnerait à peine manière à une phrase supportable ». Puis, vers la fin de 1822, il commença de se dire intéressé à retourner dans le Bas-Canada. Son frère Nicolas-Benjamin avait plaidé auprès de Plessis pour qu’il le laisse revenir et lui donne ainsi l’occasion de rembourser ses dettes. L’évêque se montra prudent dans ses réponses : il serait heureux de revoir son vieil ami et son ancien confident, mais Doucet ne devait pas s’attendre à se voir confier tout de suite un poste important. De plus, les prêtres étaient si peu nombreux en Nouvelle-Écosse qu’il ne pourrait peut-être pas s’en aller. On ignore si Doucet décida de ne pas rentrer ou s’il lui fut impossible de le faire. Au milieu de l’année 1824, il fut nommé à Tracadie pour remplacer le père Vincent de Paul [Jacques Merle*]. Cette paroisse, qui comprenait les missions de Pomquet et de Havre Boucher, représentait probablement une charge moins lourde pour lui mais Doucet, dont la santé déclinait toujours, n’y exerça son ministère que pendant six mois. Il tomba gravement malade en décembre et mourut quelques jours plus tard, à l’âge de 42 ans.

André Doucet n’était pas représentatif de l’ensemble du clergé catholique. Pour des raisons demeurées obscures, il abandonna une carrière exceptionnellement prometteuse dans le Bas-Canada et finit ses jours dans l’isolement des missions acadiennes. Il perdit la confiance de Plessis, mais gagna par contre le respect de ses paroissiens néo-écossais.

Paulette M. Chiasson

AAQ, 210 A, IV, VIII-XII ; 61 CD, Notre-Dame-de-Québec, I : 55, 58–59, 66 ; 7 CM, II ; 312 CN, IV-VII.— ANQ-MBF, CE1-48, 30 nov. 1782.— ANQ-Q, CN1-230, 25 févr. 1811, 20 oct. 1814, 1er avril 1817 ; CN1-262, 10 oct. 1807.— Arch. of the Archdiocese of Halifax, Edmund Burke papers (mfm aux PANS) ; St Anselm’s Roman Catholic Church (West Chezzetcook, N.-É.), reg. of baptisms, marriages, and burials (mfm aux PANS).— ASQ, Fichier des anciens.— La Gazette de Québec, 1er déc. 1808, 15 juin, 14 sept. 1809, 25 avril 1811, 1er , 8, 15 avril, 30 déc. 1813, 13 avril 1815, 5 févr. 1818, 4 mars 1819, 24 janv. 1825.— C. J. d’Entremont, Histoire de Wedgeport, Nouvelle-Écosse (s.l., 1967).— Johnston, Hist. of Catholic Church in eastern N.S. Lambert, « Joseph-Octave Plessis ».— Henri Têtu, « l’Abbé André Doucet, curé de Québec, 1807–1814 », BRH, 13 (1907) : 3–22, 33–46.

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Paulette M. Chiasson, « DOUCET, ANDRÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/doucet_andre_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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