DEWART, EDWARD HARTLEY, instituteur, ministre méthodiste, auteur et rédacteur en chef, né en 1828 à Stradone (république d’Irlande), fils de James Dewart et de Margaret Hartley ; le 25 juin 1856, il épousa à Hamilton, Haut-Canada, Dorothy Matilda Hunt, et ils eurent trois fils, dont deux atteignirent l’âge adulte ; décédé le 17 juin 1903 à Toronto.

Edward Hartley Dewart et ses parents arrivèrent dans le Haut-Canada en 1834 et s’établirent dans le canton de Dummer, aujourd’hui le comté de Peterborough. La famille, d’ascendance écossaise et anglaise, avait été anglicane mais elle se convertit au méthodisme une fois installée au Canada. En 1847, Dewart partit étudier à la Normal School de Toronto. Il enseigna ensuite à Dunnville, où il donna aussi des leçons à l’école du dimanche méthodiste wesleyenne et des conférences aux Fils de la tempérance. Les autorités de l’Église lui demandèrent de devenir prédicateur, requête qui « provoqua une forte crise mentale ». L’offre d’une circonscription ecclésiastique lui sembla « un appel providentiel qu[’il] ne [devait] pas négliger ». Pris à l’essai durant quatre ans, il fut ordonné en juin 1855, à London, ministre de l’Église méthodiste wesleyenne en Canada. Affecté d’abord à Dundas, il prêcha dans de nombreuses circonscriptions ecclésiastiques jusqu’à la fin des années 1860. Il ne tarda pas à assumer de hautes fonctions, tant dans le mouvement de tempérance que dans l’Église : en 1869, on l’élut président de la branche ontarienne de la Dominion Alliance, et en 1871, président de la Conférence torontoise de sa confession.

Pendant la même période, Dewart acquit une réputation nationale à titre d’essayiste et de poète. Certains de ses premiers écrits étaient des exhortations : il y encourageait les lecteurs à travailler sans tarder à leur salut. D’autres essais défendaient le méthodisme et exploraient des thèmes controversés. Il prévenait en particulier contre la « tendance vers la libéralisation de la pensée et l’accroissement de la latitude des opinions en matière de théologie » qui éloignaient dangeureusement les fidèles du christianisme et les faisaient dériver vers une « hideuse incertitude ». Un poème écrit en 1869 suggère que lui-même n’avait pas échappé à la contagion du doute :

Contre toute attente, voilà
Que je sens vaciller ma foi
………………………………………..
Mais, perplexe, affaibli, hésitant,
Je m’en remets au Dieu Tout-Puissant.

La plus grande contribution de Dewart à la littérature fut une anthologie intitulée Selections from Canadian poets qui parut chez John Lovell* en 1864. Mû par un nationalisme tout neuf, il déplorait dans son introduction que les Canadiens n’aient que « froideur et indifférence » pour leur littérature. Il définissait le dilemme culturel du Canada en soulignant « que la propension au régionalisme et à la désintégration, qui constitue la faiblesse politique du Canada, ne rencontr[ait] aucun contrepoids dans la littérature du pays ». Il affirmait aussi que la poésie était sacrée puisqu’elle révélait l’œuvre du Créateur et élevait les lecteurs jusqu’au « Père céleste de toutes choses ». Les vers que Dewart composa ou rassembla étaient d’inspiration religieuse ou évoquaient la sauvage majesté de la nature canadienne. Plus ses responsabilités dans l’Église s’alourdirent, moins il put consacrer de temps à la poésie. Toutefois, dans la dernière période de sa vie, on allait lui demander de choisir des cantiques pour le nouveau recueil des méthodistes canadiens, qui devait paraître à Toronto en 1894 sous le titre de Methodist hymn and tune book, et trois de ses propres compositions y seraient incluses.

En 1869, on nomma Dewart rédacteur en chef de l’organe officiel du méthodisme, le Christian Guardian de Toronto. Il se fit vite remarquer par sa plume incisive, ses fortes convictions et sa franchise. Estimant que les diverses Églises méthodistes devaient s’unir pour mettre fin à un coûteux double emploi des services, envoyer dans le Nord-Ouest les missionnaires dont cette région avait besoin et affronter la laïcisation de la société, il convoqua à une série de rencontres les comités qu’elles avaient mis sur pied en vue d’une union. Ce fut donc en partie grâce à lui que l’Église méthodiste du Canada vit le jour en 1874. Ensuite, au cours des longues négociations qui eurent lieu dans les années 1880, dans le but de réaliser une union élargie des méthodistes [V. Albert Carman*], il hésita tout d’abord devant les pouvoirs que l’on s’apprêtait à donner au surintendant général mais, voyant qu’ils constituaient une condition nécessaire à l’union, se résigna à les accepter. Au nom de l’avancement du méthodisme, il approuva aussi l’affiliation du Victoria College à la University of Toronto [V. Nathanael Burwash*]. Il doutait en effet que le collège pût continuer à porter le fardeau financier de l’enseignement supérieur et, à la conférence générale de septembre 1886, il fit valoir que l’affiliation était le seul moyen d’assurer aux méthodistes une influence notable sur la vie universitaire. Tout au long de ces débats, il se servit du Guardian pour promouvoir sa propre position. Comme le faisait observer Francis Houston Wallace : « Il faisait pleuvoir sur ses adversaires des arguments massue ». Son collègue Alexander Sutherland l’accusait d’être devenu « férocement sectaire » et disait que la liberté d’expression, au journal, était « contrainte et entravée ».

Bien des commentateurs ont suggéré que Dewart fut avant tout un élément pessimiste et conservateur dans son Église. Certes, dans ses premiers éditoriaux du Guardian, il avait parlé en termes alarmants des dangers de la science matérialiste et de la recherche spéculative. Cependant, il était convaincu que l’Église devait réformer dans une certaine mesure ses croyances et ses pratiques, et il finit par concilier christianisme et notion de l’évolution en affirmant que l’« évolution est un des modes d’action de Dieu », tant dans le monde naturel que dans le royaume spirituel. Lorsque le Victoria College lui décerna un doctorat en théologie, en 1879, il prononça un discours dans lequel il défendait ce que Wallace appelait « la vision historique moderne de la Bible » et affirmait que la compréhension de la doctrine chrétienne avait progressé.

Dans les années 1890 cependant, et en raison même des orientations de la pensée moderne, Dewart s’engonçait dans un conservatisme de plus en plus rigide. Il s’inquiétait notamment de voir certaines critiques des Écritures nier les « manifestations de la puissance divine dans les affaires humaines et particulièrement [dans] la Bible ». Pareilles spéculations ne faisaient que le conforter dans sa vieille conviction que, sans cesse, l’Église était soumise à des pressions dont le but était de l’amener à « concilier le christianisme avec la culture moderne en renonçant à tout ce que la religion a[vait] d’essentiel et de caractéristique ». Dewart voyait un exemple de ce danger dans l’argument, avancé par le théologien méthodiste George Coulson Workman* et selon lequel les prophéties messianiques de l’Ancien Testament n’étaient pas des allusions directes au Christ historique. Il attaqua Workman dans ses éditoriaux et le réfuta dans un opuscule. Les prophètes de l’Ancien Testament, affirmait-il, avaient tous reçu leur inspiration de Dieu lui-même, et leurs prophéties s’étaient réalisées dans la vie et la mort de Jésus-Christ, dont le Nouveau Testament portait témoignage. La défense de l’inspiration divine de la Bible devint la pierre angulaire de sa philosophie.

Pendant l’affrontement qui opposa Dewart à Workman, on vit clairement que le Guardian ne reflétait plus la pensée libérale de l’Église méthodiste, mais qu’il était devenu le messager de la rigoureuse orthodoxie de son rédacteur en chef. La conférence générale de 1894 se rendit à la recommandation du comité des publications et décida que Dewart quitterait son poste. Son dernier éditorial montrait la distance qui existait dorénavant entre lui et son Église, de plus en plus ouverte à la pensée moderne. Il le concluait en réaffirmant ainsi sa foi en la religion évangélique : « Aucune culture moderne ne saurait être un substitut sûr au feu et à la foi des premiers méthodistes. »

Jusque dans ses dernières années, Edward Hartley Dewart demeura actif dans les affaires religieuses et publiques. Il obtint l’investiture libérale dans Toronto North aux élections provinciales de 1898, mais fut battu de justesse par George Frederick Marter. En cette époque qui tendait à dénigrer les doctrines, il espérait convaincre autrui de les respecter en tant que « données essentielles » du christianisme. Selon lui, la claire compréhension de la doctrine demeurait le meilleur moyen de se défendre contre la critique spéculative de la Bible, les opinions hérétiques et les assauts du doute.

David B. Marshall

Les meilleures sources sur la pensée de Dewart sont les éditoriaux qu’il a écrits pour le Christian Guardian entre 1869 et 1895. Aucun papier personnel ne subsiste à l’exception de quelques documents sur ses jeunes années dans son dossier aux EUC-C.

La liste des publications de Dewart figure dans Canadiana, 1867–1900 et le Répertoire de l’ICMH. Ses écrits comprennent : Songs of life : a collection of poems (Toronto, 1869) ; « The church for the times », Canadian Methodist Magazine (Toronto et Halifax), 5 (janv.–juin 1877) : 97–111 ; The development of doctrine [...] (Toronto, 1879) ; « Does materialism satisfactorily account for all things ? » Canadian Methodist Magazine, 24 (juill.–déc. 1886) : 140–145 ; The Scripture readings : a statement of the facts connected therewith [...] ([Toronto, 1886]), brochure qui contient une lettre de Dewart et une autre du théologien presbytérien William Caven ; « The Methodist Church of Canada, 1873–1883 », Centennial of Canadian Methodism (Toronto, 1891), 127–147 ; et Essays for the times ; studies of eminent men and important living questions (Toronto, 1898).

L’anthologie de poésie qu’il a éditée, Selections from Canadian poets ; with occasional critical and biographical notes, and an introductory essay on Canadian poetry (Montréal, 1864), a été réimprimée avec une introduction de Douglas Grant Lochhead (Toronto et Buffalo, N.Y., 1973).

AO, RG 22, Ser. 305, no 16494.— EUC-C, 3170, dossier 61 (« Memories : a family record », 2 : 318–319) ; 3182, private letter-books, 27 févr. 1874 ; 18 mars 1882, 24 déc. 1885, 27 déc. 1886, 21 janv., 10 févr. 1887.— Christian Guardian, 2 juill. 1856, 22 mai 1895, 24 juin 1903.— News (Toronto), 18 juin 1903.— Weekly Globe (Toronto), 4 déc. 1878, 17 oct. 1879, 18 juin 1903.— Nathanael Burwash, The history of Victoria College (Toronto, 1927).— Cook, Regenerators.— A. B. McKillop, A disciplined intelligence : critical inquiry and Canadian thought in the Victorian era (Montréal, 1979).— D. B. Marshall, Secularizing the faith : Canadian Protestant clergy and the crisis of belief 1850–1940 (Toronto, 1992).

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David B. Marshall, « DEWART, EDWARD HARTLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dewart_edward_hartley_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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