READE, JOHN, éducateur, ministre de l’Église d’Angleterre, journaliste, essayiste et poète, né le 13 novembre 1837 à Ballyshannon (république d’Irlande), fils de Joseph Reade et de Frances Smyth ; décédé, célibataire le 26 mars 1919 à Montréal.

Arrivé à Montréal avec ses parents en 1856, John Reade fonda moins d’un an plus tard le Montreal Literary Magazine. Il n’avait pas encore 20 ans, et pourtant l’autorité qui émane de son introduction au premier numéro de cette publication éphémère suggère que ses études à la Portora School d’Enniskillen (Irlande du Nord) et au Queen’s College de Belfast lui avaient été profitables. En 1859, après avoir commencé des études de droit, il devint directeur du collège de Lachute, au nord-ouest de Montréal. Pendant les trois ans où il occupa ce poste, il étudia la théologie. Ordonné ministre de l’Église d’Angleterre en 1865, il exerça son ministère à Mascouche en 1865–1866 et à Mansonville Potton (Mansonville) en 1867, avant de prendre sa retraite pour des raisons de santé. En 1868, il retourna à Montréal et renoua avec la Gazette des liens qu’il avait forgés peu après son arrivée au pays. En 1870, il assuma à la Gazette la fonction de rédacteur littéraire ; il l’exercerait jusqu’à sa mort 49 ans plus tard.

À la Gazette, Reade finirait par être connu surtout pour sa chronique hebdomadaire, « Old and new », mais il contribua, à divers titres, à des centaines d’éditoriaux, recensions et articles anonymes. Ses champs d’intérêt étaient nombreux ; la diversité des sociétés savantes auxquelles il appartint en témoigne. Il fut l’un des premiers membres de la Société royale du Canada, créée en 1882 [V. George Edward Henry Douglas Sutherland Campbell], et l’un des fondateurs de la section canadienne de l’American Folk-Lore Society. Nommé en 1877 membre honoraire de la Société littéraire et historique de Québec, il fut président de la Society of Canadian Literature et de la Society for Historical Studies, à la fondation de laquelle il avait contribué en 1885 à Montréal. En 1896, il fut élu membre de la Royal Society of Literature of the United Kingdom. En lui décernant en 1906 un doctorat honorifique en droit, l’université d’Ottawa voulut, entre autres choses, rendre hommage à cet homme qui avait remarquablement su allier l’éclectisme du journaliste et la rigueur de l’érudit.

Bien qu’il ait collaboré surtout à la Gazette, Reade publia des poèmes, des essais, des traductions ou de courts textes de fiction dans presque tous les grands périodiques canadiens du temps. En 1864, huit de ses poèmes parurent dans Selections from Canadian poets, anthologie dirigée par Edward Hartley Dewart*. En 1889, William Douw Lighthall* mit en évidence un texte de lui, Hastings, en le plaçant au début de Songs of the great dominion, en tête d’une section intitulée « The impérial spirit ». Déjà, le poème titre de son seul recueil de poésie, The prophecy of Merlin and other poems (1870), indiquait que Reade se reconnaissait une dette culturelle et politique envers l’Angleterre. Ce poème célèbre la première visite du prince Arthur au Canada en 1869 tout en chantant les hauts faits de l’impérialisme victorien et en annonçant les gloires futures du « grand dominion ». La réconciliation d’un impérialisme fervent et d’un nationalisme engagé caractérise d’ailleurs Reade et ses collègues montréalais. On ne saurait prendre sa fierté patriotique pour du chauvinisme, car il s’abreuvait à des sources européennes (langues, savoir, histoire littéraire), ce que montrent à l’évidence non seulement le poème titre du recueil, mais aussi les vers lyriques et les traductions qui l’accompagnent. Selon John Lesperance*, The prophecy of Merlin était, en raison de son romantisme victorien, « le plus parfait poème jamais écrit au Canada, digne de servir de pendant aux Idylls of the King de Tennyson ». Quant aux traductions d’accompagnement – des textes d’Eschyle, d’Homère, d’Euripide, de Virgile, d’Horace, d’Alphonse de Lamartine et d’autres –, elles confirment l’ampleur de sa culture littéraire. À la fois par leur forme et leur fond, les 25 quatrains de son hommage à William Shakespeare montrent qu’il s’attribuait une place modeste dans la tradition britannique, tandis que Madeleine de Vercheres, paru pour la première fois en 1878 dans le Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Review de Toronto, reflète son attachement à l’histoire et à la culture de son pays d’adoption.

Le choix du titre John Reade and his friends pour un bilan commémoratif de sa carrière suggère à quel point John Read avait tissé sa vie publique à même un réseau complexe de relations personnelles avec les grands intellectuels et artistes canadiens de son époque. Pour ses contemporains, Reade possédait ce que l’on pouvait attendre de mieux relativement à ce que son ami Thomas D’Arcy McGee* avait appelé « l’outillage intellectuel du nouveau dominion ». Dès 1889, Lighthall avait dit qu’il était « l’une des principales figures de la littérature canadienne, et probablement le poète le plus exquis ». Bien que, dans ses dernières années, on l’ait surnommé à juste titre « le vénérable vieillard des lettres canadiennes », le rêve que son ami John Boyd formait à son sujet – « nulle anthologie de poésie canadienne ne sera jamais complète sans une vaste sélection des écrits de John Reade, tant leur contenu est riche et leur technique impeccable » – ne s’est pas réalisé. En effet, les valeurs personnelles, politiques et littéraires qui caractérisent la poésie et les textes critiques de Reade étaient si enracinées dans la fin de l’époque victorienne qu’elles tombèrent dans l’oubli peu après sa mort. Pourtant, Reade demeure intéressant en tant que leader d’une génération de Canadiens de la fin du xixe siècle pour qui les frontières entre érudition et journalisme, poésie et vie publique, titres professionnels et haute réussite intellectuelle étaient moins nettes que pour leurs successeurs.

Leslie Monkman

John Reade est l’auteur de The prophecy of Merlin and other poems (Montréal, 1870) et de Madeleine de Vercheres (Toronto, [189-?]). Certains de ses poèmes ont été publiés de nouveau dans Selections from Canadian poets [...], E. H. Dewart, édit. (Montréal, 1864 ; réimpr., introd. de D. [G.] Lochhead, Toronto et Buffalo, N.Y., 1973), et dans Songs of the great dominion : voices from the forests and waters, the settlements and cities of Canada, W. D. Lighthall, édit. (Londres, 1889). Reade a présenté huit communications à la Société royale du Canada, qui ont été publiées dans ses Mémoires, 1re sér., 1 (1882–1883), sect. ii–6 (1888), sect. ii, et une à la Literary and Hist. Soc. of Quebec, « Great explorera before Columbus », qui a paru dans ses Trans., nouv. sér., 17 (1882–1883) : 3–31. Les essais de Reade, notamment les suivants, ont été publiés dans de nombreux périodiques canadiens : « Thomas D’Arcy McGee – the poet », New Dominion Monthly (Montréal), févr. 1870 : 12–21 ; « Canada a hundred years ago », Belfords Monthly Magazine (Toronto), 1 (1877) : 621–636 ; « The testimony of names of places », Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Rev. (Toronto), 1 (juill–déc. 1878) : 602–608 ; « Lord Tennyson », Dominion Illustrated Monthly (Montréal), [2e sér.], 1 (févr. 1892–janv. 1893) : 631–639 ; « What is imperialism ? », Canadian Magazine, 19 (mai–oct. 1902) : 316–318. Le seul texte de fiction écrit par Reade qu’on a trouvé est « Winty Dane’s transformation », New Dominion Monthly, août 1874 : 878s. Reade a aussi édité Poems (Montréal, 1912), de George Murray et rédigé la notice intitulée « Biographical sketch » jointe à la publication. La correspondance adressée à Reade et un de ses calepins sont conservés au Musée McCord d’histoire canadienne (Montréal), Fonds John Reade.

John Boyd, « Poet – scholar – gentleman », Gazette (Montréal), 29 mars 1919.— Gazette, 27 mars 1919.— T. D’A. McGee, « The mental outfit of the new dominion », Gazette, 5 nov. 1867.— J. D. Borthwick, History and biographical gazetteer of Montreal to the year 1892 (Montréal, 1892).— Percy Ghent, John Reade and his friends ([Toronto, 1925]).— John Lesperance, « The poets of Canada », SRC, Mémoires, 1re sér., 2 (1884), sect. ii : 31–44.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).

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Leslie Monkman, « READE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/reade_john_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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