DERBISHIRE, STEWART, fonctionnaire, né peut-être en 1794 ou 1795 à Londres, fils du docteur Philip Derbishire de Bath, Angleterre, et d’Ann Masterton d’Édimbourg, Écosse, décédé le 27 mars 1863 à Québec.

Stewart Derbishire était le genre d’homme qu’on rencontrait assez fréquemment au Canada au xixe siècle, à savoir un aventurier issu de la classe moyenne anglaise. Il s’essaya dans différentes carrières en Angleterre avant de venir au Bas-Canada. Tout d’abord enseigne du 82e régiment d’infanterie, il étudia ensuite le droit et fut admis au barreau en 1830. Il acquit une certaine notoriété en 1832 en plaidant pour les ouvriers de Dorchester qu’on accusait de bris de machine. Il abandonna la carrière juridique pour le journalisme en écrivant pour le journal whig Morning Chronicle, dont il fut correspondant en Espagne en 1837 pendant la guerre civile. En tant que journaliste, il fut incapable de rester neutre ; il se rangea du côté des carlistes et combattit plus tard avec les troupes britanniques, sous les ordres du général George de Lacy Evans, qui intervinrent en 1837. Derbishire fut décoré par la reine d’Espagne pour ses états de service.

À son retour en Angleterre, la tranquillité l’impatienta. Il s’apprêtait à abandonner son nouveau journal, l’Atlas, qu’il avait commencé de publier à l’automne de 1837, quand il entendit parler de la mission confiée à lord Durham [Lambton*] au Canada. La lettre que Derbishire écrivit à Durham en janvier 1838 fit bonne impression au comte qui accepta de l’engager. Il arriva à New York en avril et entreprit la première partie de sa mission qui consistait à recueillir des informations sur les activités des rebelles et sur les causes de l’insurrection au Bas-Canada.

Sa réputation de whig avancé valut à Derbishire des entrevues avec William Lyon Mackenzie, John Rolph et Edmund Bailey O’Callaghan* à New York, avec Denis-Benjamin Viger à Montréal ainsi qu’avec des personnalités de moindre importance dans le Bas-Canada. En mai 1838, Derbishire rapporta à Durham que les habitants n’avaient « aucun grief concret à présenter » et que la rébellion avait été engendrée par « la fièvre de l’agitation politique ». D’après lui, cette fièvre était encore active ; Derbishire découvrit des signes alarmants d’activité révolutionnaire à travers la région frontalière de la province. Ses avertissements constants à Durham, au lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, George Arthur*, et à sir John Colborne durant les années 1838 et 1839 lui valurent en quelque sorte une réputation d’alarmiste. Après le départ de Durham, Arthur, que Derbishire impressionnait, était disposé à le garder à son service, mais Colborne l’avisa que Derbishire était « très naïf » et qu’il ne méritait pas d’encouragement.

En plus de fournir des comptes rendus pleins de fougue, Derbishire remplit d’autres fonctions. Il fut l’intermédiaire de Durham auprès de la presse et, à force de cajoleries ou de menaces, persuadait les rédacteurs de journaux d’écrire des articles favorables au régime de Durham. En novembre 1838, dans un effort pour faire venir des renforts au Bas-Canada, il entreprit à la hâte, en plein hiver, un voyage périlleux à travers des régions sauvages pour faire parvenir des dépêches à Fredericton et Halifax. Derbishire perdit son poste de fonctionnaire avec le départ de Durham en novembre 1838 et il passa quelque temps aux États-Unis où il recueillit des informations pour le gouvernement britannique sur le conflit frontalier entre le Maine et le Nouveau-Brunswick. En 1840, il retourna à Montréal pour y publier le Morning Courier. Recréant des liens étroits avec le gouvernement sous le gouverneur général Sydenham [Thomson*], Derbishire permit que le Courier soit utilisé comme moyen de propagande officielle. Il en fut récompensé en 1841. Sous le patronage de Sydenham, Derbishire fut élu à l’Assemblée comme député de Bytown (Ottawa) bien qu’il n’eût aucune attache dans cette ville. En septembre de cette année, il fut nommé imprimeur de la reine avec George-Paschal Desbarats du Quebec Mercury. Il conserva ce poste beaucoup plus longtemps que celui de député. Bien qu’il se glorifiât de ses étroites relations avec les gouverneurs généraux, Derbishire fut un député sans envergure qui se montra malhabile dans la distribution des faveurs dans son comté. La nouvelle législation interdisant à l’imprimeur de la reine de siéger à l’Assemblée lui épargna la honte d’une défaite électorale ; c’est ainsi qu’il ne se présenta pas aux élections de 1844. Il resta imprimeur de la reine jusqu’à sa mort en 1863.

Les émoluments que lui procurait ce poste soulagèrent Derbishire de ses difficultés financières chroniques. Sa première femme était riche mais ils étaient étrangers l’un à l’autre ; elle resta en Angleterre avec ses enfants tandis que Derbishire tentait sa chance au pays. Ses problèmes financiers personnels étaient si sérieux qu’il fut déclaré hors la loi en Angleterre en 1841 pour être parti sans payer ses dettes. Son poste d’imprimeur de la reine et la mort de sa femme en 1842 le sortirent un peu de ces embarras. Mais ses finances ne furent jamais sans problèmes, car, ainsi qu’on peut le lire dans une nécrologie, « Il était d’une hospitalité proverbiale » et généreux à l’excès à l’égard des indigents. Son second mariage cependant s’avéra plus heureux que le premier. Il laissa six enfants de ses deux mariages.

Derbishire mourut à Québec le 27 mars 1863. Sa carrière, qui n’avait de grandiose que les apparences, se termina comme il convenait par des funérailles pompeuses auxquelles assistèrent deux ministres du cabinet, trois juges et où l’on vit un déploiement impressionnant d’officiers.

Michael S. Cross

[Stewart Derbishire], Stewart Derbishire’s report to Lord Durham on Lower Canada, 1838, Norah Story, édit., CHR, XVIII (1937) : 48–62.— APC, MG 24, A27, 37 ; A40, 23, pp.6 878–6 384 ; B 14, 2, pp.287–301, 321–326, 344–349 ; 5, pp.932–934, 941–949 ; 12, pp.2 540–2 549 ; I9, 4, pp.1 009–1 040, 1 044s., 1 056–1 059, 1 066, 1 075–1 090, 1 104, 1 108–11 10, 1 116–1 130, 1 136–1 142, 1 147–1 160, 1 190–1 205, 1 211–1 213, 1 221–1 234, 1 243–1 245, 1 255–1 259, 1 265–1 270, 1 276–1 285, 1 290–1 298 ; 5, pp.1 301–1 307, 1 318–1 322, 1 327–1 336, 1 350–1 352, 1 356–1 359, 1 367, 1 372–1 382, 1 483–1 486, 1 491–1 500, 1 519–1 537, 1 548s., 1 568–1 570, 1 592–1 594, 1 598s., 1 605–1 608, 1 620–1 649, 1 657 ; 6, pp.1 680s., 1 709 ; 13, pp.3 978–3 998 ; 19, pp.4 817s. ; 22, pp.5 900, 5 929 ; RG 1, E1, 77, pp.204s.— PRO, WO 44/30–32 (mfm aux APC).— Arthur papers (Sanderson), II : 179–184, 189–193 ; III : 69s., 75s., 167s., 203, 305s., 319s., 354s., 464s., 471s.— [Charles Grey], Crisis in the Canadas, 1838–1839 : the Grey journals and letters, W. G. Ormsby, édit. (Toronto, 1964), 177.— Bytown Gazette ([Ottawa]), 18401844.— Montreal Transcript, 31 mars 1863.— Quebec Daily Mercury, 28, 31 mars 1863.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose, 1888).— Lucien Brault, Ottawa old & new (Ottawa, 1946), 140149.

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Michael S. Cross, « DERBISHIRE, STEWART », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/derbishire_stewart_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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