DAUPHIN DE LA FOREST, FRANÇOIS, employé de La Salle [Cavelier*] au fort Cataracoui, concessionnaire de Saint-Louis-des-Illinois, capitaine, exploitant et commandant de Détroit, né à Paris vers 1649 de Gabriel de La Forest, lieutenant du prévôt de l’Île-de-France, et de Jeanne Noreau, mort à Québec le 15 octobre 1714.
Selon la famille Cavelier, La Forest n’était pas né gentilhomme et c’est comme simple commis que La Salle l’aurait fait passer au Canada en 1675 pour administrer le fort Frontenac ou Cataracoui (aujourd’hui Kingston) qui venait de lui être concédé. Pendant ses voyages, il charge La Forest d’agir comme son procureur et d’assumer le commandement avec le titre de major. La Forest se rend régulièrement à Montréal, à cinq jours du fort Cataracoui, pour y acheter des marchandises et engager dés hommes. En septembre 1682, il conduit à Montréal le chef onontagué Teganissorens, délégué par les Cinq-Nations pour les représenter auprès du gouverneur. Les profits de la traite de ce poste garantissent les emprunts de La Salle ; aussi la gérance de La Forest est-elle surveillée de près et même critiquée par le sieur François Plet (Pellet), un cousin et créancier principal de La Salle, de même que par des marchands de la colonie qui ont consenti des avances. Ces derniers ont gain de cause ; en effet, en 1683, La Barre [Le Febvre*] saisit pour les leur remettre les deux concessions de La Salle, soit Cataracoui et le fort Saint-Louis-des-Illinois. L’année suivante, le roi ordonne au gouverneur de restituer les propriétés et d’accorder toute sa protection à M. de La Forest, qui après avoir accompagné La Salle en France revient prendre son commandement à Cataracoui.
Mais le poste est ruiné depuis que les Iroquois portent leurs fourrures aux Anglais. Aussi, lorsqu’en 1685 Denonville [Brisay] y installe une garnison, La Forest, en l’absence de toute nouvelle de son employeur, monte rejoindre Henri Tonty à Saint-Louis-des-Illinois, où la traite est plus rentable et moins contestée. La Salle disparu et Tonty parti à sa recherche, c’est La Forest qui commande au fort Saint-Louis et gère toutes les affaires, soit les engagements pour la traite et les achats de marchandises. Il lui faut en plus, pour obéir au gouverneur, lever des partis d’Illinois afin de pourchasser les traitants anglais et les Iroquois.
En invoquant ces services rendus à la colonie, La Forest demande, en 1689, pour lui-même et pour Tonty, la concession de Saint-Louis-des-Illinois. Elle leur est accordée l’année suivante, mais l’entreprise s’avérera à la longue très onéreuse. En effet, en échange du privilège exclusif de la traite dans l’étendue du-territoire, la cour exige une participation de plus en plus importante à la guerre contre les Iroquois. Ces levées d’hommes, dont tous les* frais incombent aux concessionnaires, grèvent les revenùs qu’ils peuvent tirer du commerce. En 1684, à titre de gouverneur du pays des Illinois, La Salle avait accordé à La Forest une commission de capitaine, mais c’est seulement en 1691 que ce dernier est porté au rôle des officiers de la colonie et commence à percevoir des appointements. Ce n’est évidemment pas avec ce seul appoint que La Forest peut faire valoir sa concession ; aussi, lorsqu’en 1696 Louis XIV décide de fermer tous les postes de l’Ouest à la réserve de Saint-Louis, mais à la condition qu’on s’y abstienne de faire la traite, Frontenac [Buade*] peut-il répondre que la mesure signifie l’abandon de la concession. Malgré les représentations répétées du gouverneur, la cour maintient sa défense. La décision ne touche plus Tonty qui a cédé sa part à son frère avant de descendre à Mobile. Quant à La Forest, il réussit à s’attarder à Saint-Louis-des-Illinois jusqu’en 1702, mais le gouverneur le somme de redescendre s’il veut jouir de la commission de capitaine en pied à Plaisance (Placentia) qui vient de lui être accordée.
A l’automne de cette même année, La Forest est reçu à la tête de sa compagnie, mais il n’accepte pas d’aller à Plaisance * et semble avoir fait tout au plus 18 mois de garnison à Trois-Rivières avant de recevoir, en 1705, l’ordre de servir au fort Pontchartrain (Détroit), ceci grâce à la recommandation de Lamothe Cadillac [Laumet]. En 1710, ce dernier reçoit le gouvernement de la Louisiane, et le ministre « Done le comm[andemen]t du detroit au sr De La forest médiocre sujet dans la vue intérieure de faire tomber cet établisse ment qui est mauvais sans l’abandonner publique m[en]t apres l’avoir autant soutenu. » En même temps, La Forest avait accepté, en indemnisant Lamothe, d’exploiter le poste avec les bénéfices de la seigneurie et d’un privilège de traite limité à 20 000# pour le castor. Mais cette nouvelle entreprise s’avérera plus difficile encore que celle de Saint-Louis-des-Illinois, étant donné les frais élevés pour l’entretien de la garnison. En procès avec Lamothe après l’avoir été avec les frères Tonty, tentant vainement de faire reconnaître par les héritiers de La Salle un billet que ce dernier lui aurait jadis signé, mêlé aux affaires bruyantes de Charlotte-françoise Juchereau de Saint-Denis qu’il a épousée en 1702, La Forest meurt à Québec en 1714. Il laisse une succession embrouillée, finalement refusée par sa famille en France.
AE, Mém. et doc., Amérique, 3.— AN, Col., B, 15, 16, 22, 27, 29, 32–37 ; Col., C11A, 5, 7, 8, 20, 21, 29, 32–34 ; Col., C11E, 15 ; Col., C13C, 3, f.151 ; Col., D2D, carton I ; Col., E, 246 (dossier de La Forest) ; Col., F 3, 2, 4–6.— BN, mss, NAF 9279, f.105 ; 9 290, 9 293, 9 304 (Margry).— Correspondance de Frontenac (1689–1699), RAPQ, 1927–28 ; 1928–29.— Estat des employs vaquans ausquels Monsieur le comte de Frontenac [...] a pourvue en l’année 1691 en attendant les commissions de sa majesté, BRH, XIII (1907) : 339.— Jug. et délib., I.— Le Blant,— Histoire de la N.-F., 270n.— A. Roy, Inv. greffes not., V : 92, 122, 142, 184s. ; XVIII, XIX, XX.— Charland, Notre-Dame de Québec : le nécrologe de la crypte, BRH, XX (1914) : 174.— Le Jeune, Dictionnaire.— Gabriel Gravier, Cavelier de La Salle de Rouen (Paris, 1871) ; Découvertes et établissements de Cavelier de La Salle, de Rouen, dans l’Amérique du Nord. (Paris, 1870).— Notes sur les seigneuries du district de Rimouski, BRH, XVII (1911) : 313.
Louise Dechêne, « DAUPHIN DE LA FOREST, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dauphin_de_la_forest_francois_2F.html.
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Auteur de l'article: | Louise Dechêne |
Titre de l'article: | DAUPHIN DE LA FOREST, FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |