DANEAU DE MUY, JACQUES-PIERRE, officier, seigneur, baptisé le 7 octobre 1695 à Boucherville (Québec), fils de Nicolas Daneau* de Muy et de Marguerite Boucher ; il épousa Louise-Geneviève Ruette d’Auteuil à Montréal le 30 janvier 1725 ; décédé à Détroit le 18 mai 1758.

Quoique d’origine canadienne, Jacques-Pierre Daneau de Muy fut d’abord désigné comme enseigne dans les troupes de la Louisiane en 1710. On ne sait pas de façon certaine comment il arriva en Louisiane à un si bas âge ; il se peut qu’il soit parti de France avec son père, lequel mourut en route vers la colonie en 1708. Nous retrouvons ensuite de Muy en 1724, alors qu’il est promu enseigne en second dans les troupes de la Marine en station au Canada, à l’âge exceptionnellement avancé de 29 ans.

Dans les années 1730, de Muy commanda le petit poste de Saint-Joseph (probablement à Niles, Mich.) ; il était chargé de réglementer le commerce et d’entretenir de bonnes relations avec les Potéouatamis et les Miamis de l’endroit. II étudia attentivement les plantes de la région, dans le but premier de s’initier à la pharmacologie ; il semble qu’il réussit à guérir plusieurs Indiens au moyen d’herbes locales. Il envoya des spécimens de plantes qui allaient être montrés à l’intendant et classés par les jésuites. Lors de son voyage en France en 1736–1737, il emporta avec lui un mémorandum de ses découvertes.

De Muy avait été promu enseigne en pied en 1733. II devint lieutenant en 1741. On ne sait rien de ses activités de 1737 à 1744. En 1745, il entreprit une mission caractéristique de la politique indienne de la Nouvelle-France à cette époque. Les Indiens de la vallée de l’Ohio, qui subissaient l’influence grandissante du commerce anglais, étaient encouragés par les Français à s’établir plus à l’ouest, loin des marchands anglais. De Muy quitta Détroit en mai avec un groupe de 15 Canadiens pour aller à la recherche d’une bande de Chaouanons qui, en réponse à l’incitation des Français, avaient déserté leur village situé au sud d’Atigué (Kittanning, Penn.). Ils étaient encore groupés autour de leur chef métis, Peter Chartier, lorsque de Muy les rencontra à l’embouchure de la rivière Sonioto (rivière Scioto, Ohio). Il les persuada de se fixer au moins un certain temps dans la partie inférieure de la rivière Ohio, les assurant qu’ils seraient aussi bien fournis d’articles de traite que s’ils étaient restés dans l’orbite anglaise.

En septembre 1745, de Muy vint à Montréal. L’année suivante fut la plus belliqueuse de sa carrière. Pour surveiller les approches méridionales de Montréal, alors que la guerre avec l’Angleterre avait été déclarée officiellement, le gouverneur Beauharnois envoya un détachement composé de Français et d’Indiens en reconnaissance au-delà du fort Saint-Frédéric (Crown Point, N.Y.) durant l’hiver de 1745–1746. De Muy fut d’abord commandant en second sous les ordres de Jacques Legardeur de Saint-Pierre ; il occupait le poste de commandant en juillet 1746, alors que le détachement était composé de 60 Français et de 400 à 500 Indiens parmi lesquels se trouvaient plusieurs Hurons et Outaouais des pays d’en haut. La troupe se préparait à s’emparer de ce qu’elle soupçonnait être un dépôt de vivres anglais situé à Saratoga (Schuylerville, N.Y.) lorsqu’elle reçut la nouvelle que les Anglais allaient attaquer incessamment le fort Saint-Frédéric. Gaspard-Joseph Chaussegros* de Léry vint avec la mission de bloquer la voie d’eau qui donnait accès au fort du côté sud, tandis que 300 miliciens dirigés par François-Pierre de Rigaud* de Vaudreuil arrivaient comme renforts. Une troupe d’éclaireurs dirigée par de Muy fut envoyée aux abords d’Albany « pour voir s’il [était] vrai qu’ils [avaient] couvert toute la rivière d’Orange de bateaux à n’y pouvoir voir leau ». Il s’agissait d’une fausse alarme – une invention des Anglais peut-être, pour prévenir les raids français durant la moisson. Rigaud dirigea alors les troupes contre le fort Massachusetts (Williamstown, Mass.), qui capitula vers la fin d’août après un siège d’une journée. Le fort fut brûlé, les fermes des environs pillées et détruites et la garnison fut amenée en captivité au Canada. De Muy était personnellement responsable du révérend John Norton et avait droit le premier à la rançon ; le journal du pasteur décrit de Muy comme un officier humain et hospitalier.

Durant tout l’automne de 1746, le détachement de Daneau de Muy harcèle la frontière américaine. En 1747 on le retrouve dans la région de Montréal où il a été transféré ; il y est nommé commandant d’abord à Prairie-de-la-Madeleine (Laprairie, Québec), et, plus tard dans l’année, au lac des Deux-Montagnes. Promu capitaine l’année suivante, il commande le fort Chambly de 1752 à 1754, date à laquelle on lui concède une seigneurie sur la rive est du lac Champlain.

Cependant, il était impatient de retourner dans l’Ouest. En 1753, il demanda à plusieurs reprises d’accompagner Paul Marin de La Malgue lors de l’occupation de la vallée de l’Ohio, mais il fut refusé à cause de sa mauvaise santé. En mai 1754, il quitta Lachine pour Niagara (près de Youngstown, N.Y.) avec un convoi de canots, ayant été avisé d’attendre de nouvelles directives à cet endroit. On lui confia alors le poste de Détroit, où Céloron de Blainville fut relevé de ses fonctions de commandant. C’était une position clé, puisqu’une partie de la stratégie française consistait à intimider les Iroquois et les Anglais en utilisant la puissance des tribus de l’Ouest et que c’était surtout au commandant de Détroit qu’incombait la délicate mission diplomatique d’entretenir de bonnes relations avec les Outaouais, les Potéouatamis, les Sauteux et autres tribus. Le gouverneur Duquesne* se réjouit finalement d’avoir nommé de Muy à un poste d’une importance réelle et notable ; il loua sa « probité » et sa « capacité » et le qualifia de « meilleur Officier de cette Colonie ». Le 1er avril 1754, de Muy était décoré de la croix de Saint-Louis.

Jacques-Pierre Daneau de Muy est le portrait fidèle de plusieurs officiers-seigneurs canadiens. Les relations qu’il entretint avec l’Europe, particulièrement sa correspondance parfois orageuse avec ses beaux-parents, les Ruette d’Auteuil, dépassaient la portée de l’habitant moyen dont les racines étaient devenues exclusivement laurentiennes. Cependant, il était relié par son métier de soldat à la tradition militaire canadienne de la guerre de frontière, avec ses alliances indiennes et ses campagnes d’hiver. Pour lui comme pour plusieurs autres de sa classe, la longue période de paix que connut l’Amérique du Nord de 1713 à 1744 signifia une montée désespérément lente dans les rangs des officiers. Les brèves annales de sa famille attestent qu’il connut une tragédie courante : seulement deux de ses six enfants atteignirent l’âge adulte.

De Muy ne vécut pas assez longtemps pour être témoin de la fin de l’empire à l’édification duquel il avait consacré sa vie et ses efforts, puisqu’il mourut à Détroit le 18 mai 1758.

Malcolm MacLeod

AN, Col., C11A, 99, ff.128–36v., 274–275, 282.— ASQ, Fonds Verreau, X.— French regime in Wis., 1743–60 (Thwaites), 41.— NYCD (O’Callaghan et Fernow).— Papiers Contrecœur (Grenier).— Tanguay, Dictionnaire.— Parkman, Half-century of conflict, II.— P.-G. Roy, La famille Juchereau Duchesnay (Lévis, 1903).— N. W. Caldwell, Shawneetown, a chapter in the Indian history of Illinois, Journal of the Ill. State Hist. Soc. (Springfield, Ill.), XXXII (1939) : 193205.— W. J. Eccles, The social, economic, and political significance of the military establishment in New France, CHR, LII (1971) : 122.— P.-G. Roy, Nicolas Daneau de Muy et ses enfants, Cahiers des Dix, XVIII (1953) : 157170.

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Malcolm MacLeod, « DANEAU DE MUY, JACQUES-PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/daneau_de_muy_jacques_pierre_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    28 novembre 2024