STOBO, ROBERT, officier, né à Glasgow, Écosse, le 7 octobre 1726, fils de William Stobo, commerçant à l’aise ; mort célibataire à Chatham, Angleterre, le 19 juin 1770.

Robert Stobo fit ses études à l’University of Glasgow ; à la mort de ses parents, alors qu’il avait 16 ans, on l’envoya en Virginie apprendre le métier de marchand-commissionnaire. Il se fixa à Petersburg et, à sa majorité, convertit ses biens en espèces afin de se lancer dans les affaires. Il avait ses entrées chez le gouverneur Robert Dinwiddie, ami et parent éloigné, et employait une grande partie de son temps à se divertir dans la capitale, Williamsburg.

Dinwiddie, au début d’avril 1754, devant l’avance des Français, dépêcha le colonel George Washington à la fourche de l’Ohio (aujourd’hui Pittsburgh) pour en assurer la garde. Stobo, qui avait été promu capitaine le 5 mars, suivit la petite armée environ un mois plus tard, à la tête d’une compagnie de troupes de la Virginie. Il fut nommé ingénieur de régiment, peut-être parce qu’il avait acquis des connaissances en construction militaire. Il chevaucha jusqu’à la frontière, accompagné d’une suite de dix engagés versés dans différents métiers et d’un fourgon traînant une barrique de madère. À la mi-avril, une troupe composée de Français, de Canadiens et d’alliés indiens, sous le commandement de Claude-Pierre Pécaudy* de Contrecœur, avait descendu en canot la rivière Alleghany et délogé quelques douzaines d’Anglais d’un fort qu’ils étaient à ériger à la fourche de la rivière, puis avait entrepris la construction du fort Duquesne. Après le meurtre de Joseph Coulon de Villiers de Jumonville le 28 mai, le régiment s’avança vers le sud afin de cerner l’armée moins nombreuse de Washington dans son camp sommairement organisé, le fort Necessity (près de Farmington, Penn.). La bataille qui s’engagea le 3 juillet marque les débuts de la dernière guerre entre Anglais, Français et Indiens en Amérique. Washington, en capitulant aux mains des Français, leur remit deux de ses capitaines comme garantie que les 21 prisonniers français dont il s’était emparé plusieurs semaines auparavant seraient libérés. Les deux otages étaient Jacob Van Braam, Hollandais de naissance, et Robert Stobo.

Stobo retrouva au fort Duquesne huit membres de son régiment que les Indiens avaient fait prisonniers après la bataille. Il estima que cet acte violait les conditions de la capitulation et qu’il se trouvait ainsi dégagé de ses obligations comme otage. Il dressa une carte à l’échelle du fort Duquesne et écrivit au verso une longue lettre à Dinwiddie lui conseillant de ne pas rendre les prisonniers français et l’exhortant même à s’emparer dès l’automne du fort en question. « Quand nous nous sommes engagés au service du pays, écrivit-il, il était entendu que nous devions le faire même au prix de nos vies. Ne les décevez pas. Songez d’abord aux avantages de cette expédition sans aucunement vous soucier de nous. Quant à moi, je mourrais dix mille fois pour avoir la joie de posséder ce fort une seule journée ; ils sont si vaniteux de leur victoire [au fort Necessity] que les entendre est pire que la mort. » Grâce à un Indien ami, la lettre arriva à destination sans encombre et fut remise au général Edward Braddock, probablement le printemps suivant, quand il arriva à Alexandria, en Virginie, avec un fort contingent de soldats de carrière britanniques.

Dinwiddie se refusant à rendre les prisonniers français pour lesquels Stobo était gardé en otage, ce dernier fut conduit à Québec où Paul-Joseph Le Moyne* de Longueuil se porta garant de lui. C’est ainsi qu’il put en toute liberté se mêler à la haute société de la ville et même s’engager dans des entreprises commerciales probablement de concert avec le capitaine Luc de La Corne*, dit La Corne Saint-Luc. Toutefois, après la défaite de Braddock en juillet 1755, les Français découvrirent la lettre de Stobo, dûment signée, parmi les effets personnels du général défunt. Stobo et Van Braam furent jugés à Montréal par une cour militaire que présidait le gouverneur-général Pierre de Rigaud* de Vaudreuil, sous l’accusation d’avoir manqué à leur parole et espionné pour le compte de l’ennemi. Stobo se défendit dans un procès qui dura 19 jours mais, à la fin, n’en pouvant plus, il avoua qu’il était bien l’auteur de la lettre qui l’incriminait. Van Braam fut acquitté mais maintenu prisonnier. Quant à Stobo, on le condamna à être décapité.

Cependant, Versailles avait ordonné secrètement de suspendre la condamnation, doutant peut-être de la légalité du geste qui jugeait et condamnait un otage pour un acte commis en temps de paix. Un écrit publié en 1756, que l’on attribue au duc de Choiseul et qui fit scandale dans toute l’Europe, citait la lettre de Stobo comme étant la preuve évidente de l’agression des Anglais en territoire français dans la région de l’Ohio. L’affaire dégénéra en une polémique internationale.

Stobo, qui avait été promu in absentia au rang de major, s’évada à deux reprises, en mai et juillet 1757, et fut capturé chaque fois. Le 1er mai 1759, il fit une troisième tentative et s’enfuit en canot sur le Saint-Laurent avec huit autres prisonniers anglo-américains dont quatre hommes, une femme et ses trois enfants. Après une série d’évasions et de tribulations à faire dresser les cheveux, il atteignirent Louisbourg, île du Cap-Breton, triomphants, 36 jours plus tard, à bord d’une goélette française dont ils s’étaient emparés dans la baie des Chaleurs ; ils avaient aussi capturé deux capitaines de marine français.

Stobo fut accueilli à Louisbourg par Edward Whitmore qui l’envoya se joindre à l’état-major du général Wolfe. Le 21 juillet, Stobo commanda l’offensive anglaise à Pointe-aux-Trembles (Neuville). Dans les « mémoires » qu’on lui attribue, on prétend que c’est lui qui aurait indiqué à Wolfe le sentier de l’anse au Foulon conduisant aux plaines d’Abraham. Ce témoignage pique la curiosité mais ne prouve rien. De toute façon, il n’était pas présent à la prise de la ville, Wolfe l’ayant envoyé, porteur de dépêches, auprès du général Jeffery Amherst* à Crown Point, sur les bords du lac Champlain. Quand Amherst décida de retarder l’invasion du Canada jusqu’au printemps suivant (1760), Stobo retourna à Williamsburg emportant avec lui une lettre du général qui recommandait son avancement. Une fois arrivé, il reçut l’accolade de ses concitoyens, l’arriéré de sa solde plus les intérêts, un présent de £1 000 et une citation de la House of Burgesses de la Virginie que lui apporta le colonel Washington. Cette citation contenait des remerciements « pour son attachement solide et sans défaillance à la cause de [son] pays, pour la bravoure et le courage insignes qu’il déploya en toutes circonstances ».

Stobo décida de poursuivre sa carrière militaire dans l’armée britannique. À cette fin, il se rendit à Londres où il eut une entrevue avec William Pitt et obtint, sans avoir à l’acheter, une commission de capitaine dans le 15e régiment d’infanterie d’Amherst. Il rallia de nouveau Amherst à Crown Point et, le 11 septembre 1760, rentra à la tête de sa compagnie dans Montréal, la ville où on l’avait condamné à mort.

Stobo servit en garnison à Montréal et à Québec jusqu’au printemps suivant alors qu’il fit voile vers les Caraïbes avec l’armée du général Robert Monckton* et participa à la prise de la Martinique et de La Havane. Au moment de l’attaque du fort Morro (Cuba), il fut gravement atteint à la tête par des morceaux de maçonnerie qu’un boulet de canon espagnol avait détachés. En septembre 1763, il rejoignit son régiment à Québec, mais on ignore s’il était là au moment de la mutinerie du 15e régiment d’infanterie qui dura du 18 au 21 septembre. Il acheta en 1767 des héritiers de Jacques-Pierre Daneau de Muy une seigneurie de 69 000 acres située sur la rive est du lac Champlain et qui s’appelait « aux Loutres ». Toutefois ses droits furent contestés, et jamais il n’entra en possession de son domaine non plus que ses héritiers.

Stobo gagna l’Angleterre à l’été de 1768 avec son régiment et fit du service dans les casernes de Chatham. Grâce à la recommandation d’un compatriote écossais, le romancier Tobias Smollett, il fit la connaissance du philosophe David Hume, également écossais. « Il m’a fait l’impression d’un homme de bon sens, écrivit Hume à Smollett, et il a assurément vécu les aventures les plus extraordinaires au monde. » Stobo, souffrant de son ancienne blessure à la tête, déçu de ne pas obtenir d’avancement, impuissant à faire reconnaître ses droits sur les terres du lac Champlain, se mit à boire avec excès et sa conduite devint étrange. Le 19 juin 1770, il s’enleva la vie avec son pistolet dans les casernes de Chatham. Sa parenté écossaise et anglaise avait, jusqu’à maintenant, réussi à cacher l’histoire de son suicide ; la date et les circonstances de sa mort sont demeurées un mystère jusqu’en 1965, malgré l’intérêt constant que sa carrière avait suscité.

Robert C. Alberts

L’acte de naissance de Stobo se trouve au General Register Office (Édimbourg), Register of Births and baptisms for the City of Glasgow. On trouve une biographie détaillée de Stobo, accompagnée d’une documentation complète sur sa carrière, dans R. C. Alberts, The most extraordinary adventures of Major Robert Stobo (Boston, 1965) ; les « mémoires » de Stobo, qui ne semblent pas avoir été écrits par Stobo lui-même, font l’object de discussions aux pp. 345–349. Une copie manuscrite de ces mémoires, datée de 1760, est conservée à la Harvard College Library, MS Can 45 (44M–382). Les mémoires furent imprimés à Londres pour la première fois en 1800 : Memoirs of Major Robert Stobo, of the Virginia regiment, et réimprimés, avec notes, par N. B. Craig, à Pittsburgh, en 1854. Voir aussi : PRO, Adm 1/307 ; Wis. State Hist. Soc. (Madison), Draper mss, 12 U 73–76, 77, 80, 88–89.

Pour les copies des documents concernant le procès de Stobo, voir : Procès de Robert Stobo et de Jacob Wambram pour crime de haute trahison, RAPQ, 1922–1923, 299–347. Voir aussi : L’évasion de Stobo et de Van Braam de la prison de Québec en mai 1757, BRH, XIV (1908) : 147–154, 175–182. Papiers Contrecœur (Grenier). A journal of Lieutenant Simon Stevens [...] with an account of his escape from Quebec [...] (Boston, 1760). Westminster Journal, or New Weekly Miscellany (Londres), 23 juin 1770. R. J. Jones, A history of the 15th (East Yorkshire) regiment [...] (Beverly, Angl., 1958). Gilbert Parker, The seats of the mighty ; being the memoirs of Captain Robert Moray [...] (New York, 1897), est un récit romancé de la carrière de Stobo.  [r. c. a.]

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Robert C. Alberts, « STOBO, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stobo_robert_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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