CRESSÉ, PIERRE-MICHEL, seigneur et officier de milice, né le 19 septembre 1758 à Québec, fils de Louis-Pierre Poulin* de Courval Cressé et de Charlotte-Louise Lambert Dumont ; le 2 janvier 1792, il épousa, en séparation de biens, à Trois-Rivières, Bas-Canada, Marie-Victoire Fafard Laframboise, et ils eurent 13 enfants ; décédé le 3 août 1819 à Trois-Rivières, et inhumé le lendemain sous le banc seigneurial de l’église de Nicolet, Bas-Canada.

Pierre-Michel Cressé fut le premier de la lignée des Poulin de Courval à porter uniquement le nom de Cressé. En 1764, à la mort de son père, il hérita des deux tiers de la seigneurie de Courval, qu’il cédera, le 3 mars 1796, à sa sœur aînée, Louise-Charlotte. Concédée originellement à son père, cette seigneurie était située au sud de Baie-du-Febvre (Baieville, Québec) et jouxtait la seigneurie de Nicolet. À la suite du décès de son père, sa mère s’installa dans cette dernière seigneurie, dont le grand-père de Cressé, Claude Poulin de Courval Cressé, était seigneur non résident. Elle y éleva sa famille et construisit le manoir seigneurial. En mai 1785, à la mort du grand-père, Cressé hérita des deux tiers de la seigneurie. Il devint le premier seigneur résident de Nicolet depuis le décès, en 1686, de son ancêtre Michel Cressé.

En prenant possession de son domaine, Cressé remit en vigueur les droits honorifiques du seigneur qui étaient tombés en désuétude. Entre autres, il réclama la préséance à l’église et le banc seigneurial dans l’endroit le plus honorable, soit le premier à droite de l’allée centrale ; il revendiqua également le premier rang pour la réception du pain bénit, des cierges le jour de la Chandeleur, des cendres et des rameaux, et le premier rang, après le curé, dans les processions. Dès les premiers actes de concession, en 1785, il rétablit la coutume de la plantation du mai en obligeant tout nouveau censitaire à « aider à planter un may au devant de la porte principalle de la maison seigneurialle tout les ans le premier jour de may, sous peine de trois livres de vingt sols d’amande pour chaque fois qu’il y manquera[it] ».

Cressé tenait aussi très fort à ses droits lucratifs, et cela fut à l’origine d’un long conflit avec le curé de Nicolet, Louis-Marie Brassard*. Le curé avait acquis pour son propre compte, le 21 septembre 1770, une terre de 4 arpents de largeur sur 40 de profondeur, concédée originellement en franc-alleu, sur laquelle se trouvait une maison. Cressé ne reconnut à cette terre qu’une profondeur de 30 arpents, et il refusa l’exemption des cens et rentes, contrairement à la plupart des seigneurs qui dispensaient les curés de ces redevances. Le 17 février 1787, il intenta une action à Brassard pour l’obliger à prendre titre dans les huit jours et à payer les arrérages des cens et rentes. Lors de l’audience de la Cour des plaids communs du district de Montréal, le 23 novembre 1788, les juges John Fraser, René-Ovide Hertel* de Rouville et Edward Southouse confièrent l’affaire à des arbitres : Joseph Boucher de Niverville, pour le seigneur, et Charles-Antoine Godefroy* de Tonnancour, pour le curé, « lesquels arbitres la Cour authoris[ait] à En prendre un troisième En cas d’avis contraire ». Les deux arbitres ne purent s’entendre, et on en choisit un troisième, Antoine Lefebvre de Bellefeuille, grand voyer de Trois-Rivières. Le 22 juin 1789, Boucher et Lefebvre se prononcèrent en faveur du seigneur : « Mr Brassard lui Payera la Rente de la ditte concession Selon le Taux ordinaire. » Le 4 octobre suivant, Godefroy manifesta son opposition à l’homologation du procès-verbal qu’il avait refusé de signer à cause de « L’erreur Grossière dans laquelle [étaient] tombés les deux arbitres » en confondant la terre, objet du litige, avec une autre que possédait le curé Brassard à l’ouest de la rivière Nicolet. Finalement, en 1790, la cour annula l’arbitrage et condamna Cressé à donner un nouveau titre au prêtre. Le seigneur refusa de se soumettre et persista à dire que la terre n’avait que 30 arpents.

Á son décès, le 27 décembre 1800, le curé Brassard légua la terre de 40 arpents à la fabrique de Nicolet, pour qu’on y établisse une école primaire gratuite. Ce transfert en mainmorte n’était pas reconnu par la loi, et Pierre Brassard, frère du curé, devint l’héritier légal. Fidèle aux intentions du défunt, il donna la maison et la terre à Mgr Denaut, évêque de Québec, le 21 novembre 1803. Cependant, l’école avait ouvert ses portes dès 1801 et, deux ans plus tard, Mgr Denaut y avait mis sur pied des classes de latin, sur les instances de son coadjuteur, Mgr Plessis*. Devenu évêque de Québec, ce dernier, toujours intéressé par l’école, racheta la terre, dont avait hérité Marguerite-Amable Denaut, nièce de l’évêque, pour la somme de 5 000#, le 18 mars 1806. Comme Mgr Plessis était en bons termes avec le seigneur Cressé, il se vit attribuer, le 3 août 1812, un nouveau titre pour la terre, l’évêque s’obligeant à payer au seigneur pour les cens et rentes « la somme d’Onze Livres dix sols la livre à vingt Sols ». Le contrat stipulait que la terre contenait 40 arpents de profondeur. Ainsi prenait fin ce litige qui avait duré plus de 25 ans.

Entre-temps, en 1802, parce qu’on devait délimiter le nouveau canton d’Aston, Cressé avait fait arpenter sa terre par Jeremiah McCarthy*. Grâce à ces travaux d’arpentage, le seigneur annexa une partie d’Aston en interprétant faussement la concession faite à son aïeul ; il y fit arpenter deux concessions de 120 lots chacune et y concéda plus de 30 lots à des censitaires qui lui payèrent les cens et rentes. Il jouit en paix de cet empiétement.

Pendant la guerre de 1812, Cressé servit comme lieutenant dans le 4e bataillon de la milice d’élite incorporée. Au commencement de 1817, sa santé fut fortement ébranlée et il quitta Nicolet pour aller vivre à Trois-Rivières. Il mit en vente sa seigneurie, qui comprenait la ferme domaniale, une autre ferme de 7 arpents sur 40, les bâtiments seigneuriaux, dont le manoir, les dépendances et les moulins banaux. Peut-être crut-il bon d’agir ainsi, en raison des limites imprécises qu’il avait établies lors des travaux d’arpentage de 1802. D’ailleurs, aucun de ses 13 enfants n’était en mesure à ce moment-là de prendre possession de la seigneurie. Charles-François-Xavier Baby* s’en porta acquéreur le 9 janvier 1819 « avec tous les droits seigneuriaux y attachés tant lucratifs qu’Honorifiques », pour le montant de £12 000 payable en une rente constituée et annuelle de £660, rachetable par le paiement du capital. Mais Baby ne put remplir ses obligations. Le 6 mars 1821, les héritiers de Cressé firent vendre la seigneurie par le shérif, et le capitaine Kenelm Conor Chandler l’acheta pour la modique somme de £6 500. Plus tard, ce dernier connut certains problèmes à cause des travaux d’arpentage qu’avait fait faire Cressé.

Pierre-Michel Cressé s’appliqua sa vie durant à conserver bien vivantes les traditions seigneuriales ; son attachement aux droits honorifiques et lucratifs du seigneur s’avéra sa préoccupation constante.

Albertus Martin

ANQ-M, CN1-383, 3 mars 1796.— ANQ-MBF, CN1-4, 17 janv. 1797 ; CN1-5, 25 juin 1780, 13 août 1782, 20, 21 oct. 1785, 2, 18 janv., 7, 9 févr. 1786, 1er janv. 1792 ; CN1-6, 30 janv. 1800, 2 févr. 1806, 3 août 1812 ; CN1-29, 21 sept. 1770 ; CN1-32, 16 juill. 1801, 9 janv., 24 août 1819 ; CN1-76, 21 mai 1716.— AP, Immaculée-Conception (Trois-Rivières), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 2 janv. 1792 ; Notre-Dame de Québec, Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 20 sept. 1758 ; Saint-Jean-Baptiste (Nicolet), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 4 août 1819.— Arch. de l’évêché de Nicolet (Nicolet), Cartable Nicolet, I : 7.— Arch. du séminaire de Nicolet (Nicolet), AO, Polygraphie, I : 20–40.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 5 : 86.— J.-E. Bellemare, Histoire de Nicolet, 1669–1924 (Arthabaska, Québec, 1924).— J.-A.-I. Douville, Histoire du collège-séminaire de Nicolet, 1803–1903, avec les listes complètes des directeurs, professeurs et élèves de l’institution (2 vol., Montréal, 1903), 1 : 1–10.

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Albertus Martin, « CRESSÉ, PIERRE-MICHEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cresse_pierre_michel_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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