Titre original :  Photograph Rev. Dr. John Cordner, Montreal, QC, 1877 William Notman (1826-1891) 1877, 19th century Silver salts on paper - Albumen process 17.8 x 12.7 cm Gift of Miss E. Dorothy Benson N-1986.5.2.9 © McCord Museum Keywords:  male (26812) , Photograph (77678) , portrait (53878)

Provenance : Lien

CORDNER, JOHN, ministre unitarien, rédacteur en chef et auteur, né le 3 juillet 1816 en Irlande, fils de John Cordner, horloger, et de Mary Neilson ; décédé le 22 juin 1894 à Boston.

John Cordner grandit à Newry (Irlande du Nord), mais il était peut-être né à Hillsborough. À l’époque, l’Église presbytérienne d’Irlande, à laquelle il appartenait, était le théâtre d’une polarisation de plus en plus forte des calvinistes orthodoxes et des libéraux. Nombre de ces derniers étaient des ariens ou des unitariens avoués, en même temps que des radicaux politiques. Expulsés de l’Église presbytérienne en 1829, ils fondèrent le Remonstrant Synod de l’Ulster. C’est en vue de recevoir le ministère de ce synode que Cordner, après avoir passé quelque temps dans les affaires à Newry, fréquenta la Royal Belfast Academical Institution. En 1843, année où il termina ses études, son superviseur, Henry Montgomery, reçut une requête dans laquelle on lui demandait son aide afin de trouver un ministre pour la nouvelle Unitarian Society de Montréal, la seule congrégation unitarienne du Canada. Cordner se laissa convaincre d’accepter ce rôle de pionnier et fut ordonné en Irlande le 12 septembre, le jour même où la congrégation de Montréal devint membre du Remonstrant Synod de l’Ulster. Il arriva à Montréal le 4 novembre.

Cordner commença son ministère en se lançant dans un tourbillon d’activités. En 1844, pour clarifier, défendre et répandre les idées unitariennes, il fonda à Montréal un mensuel, le Bible Christian. Il attira de nouveaux membres et se trouva bientôt à la tête d’une congrégation de 200 personnes, où le milieu des affaires était très bien représenté. Il entreprit donc, dans la côte du Beaver Hall, la construction d’une belle église de 450 places qu’on ouvrit au culte en 1845. Il obtenait la même année, par voie législative, le droit de tenir des registres de baptêmes, de mariages et d’inhumations. Toujours en 1845, il se rendit à Toronto pour fonder une congrégation. À Montréal, au début de l’année suivante, il donna une série de conférences doctrinales très annoncée, qui attira des auditoires nombreux et déclencha une tempête de dénonciations de la part des prédicateurs et des journaux protestants.

Selon des critères unitariens, les déclarations qui étaient à l’origine de cet émoi semblaient passablement conservatrices ; la Bible demeurait au cœur de la religion de Cordner. Cependant, en 1846, les Montréalais n’étaient pas prêts à entendre dire que l’arbitre ultime en matière de croyance religieuse devait être la raison, que Dieu est un et indivisible, ou que Jésus était un être humain (investi, certes, d’une mission divine) et que sa mort, plutôt qu’un sacrifice expiatoire, est un exemple de fidélité absolue à des principes. En outre, et ce qui n’était pas moins choquant, Cordner rejetait le dogme du péché originel au profit d’une conception de la nature humaine capable de progrès constant avec l’aide de la Providence. Les catholiques, qui n’avaient pas oublié l’aide des unitariens dans la reconnaissance de leurs droits civils dans les îles Britanniques et en Nouvelle-Angleterre, ne prêtèrent pas leurs voix aux dénonciations des protestants.

Toutefois, les positions de Cordner convenaient en général aux figures dominantes du milieu des affaires et de la politique – entre autres, Adam Ferrie*, Francis Hincks*, Luther Hamilton Holton*, John Young*, Benjamin Holmes*, Harrison Stephens*, Théodore Hart* ainsi que Benjamin, Thomas* et William* Workman – qui formaient le noyau de la Unitarian Society. Les enseignements de Cordner étaient, dans une large mesure, en harmonie avec l’importance que ces hommes accordaient à la liberté de l’individu, au fait de ne compter que sur soi et à la possibilité de progresser par l’effort. Pour Cordner, le capitalisme était, par essence, une évolution considérable par rapport au féodalisme contraignant qui l’avait précédé ; cependant, il créait la responsabilité d’employer la richesse qu’il engendrait au bénéfice de tous, et surtout des moins nantis.

Cette vision morale de l’économie et de la politique amena Cordner à prendre des positions fermes sur la plupart des questions du jour. Dans les années 1840 par exemple, il défendit avec Holton et Young le mouvement britannique de libéralisation des échanges, même si la plupart des marchands montréalais, dont Stephens, s’y opposaient. Il faisait notamment valoir qu’en rendant le prix de la nourriture plus accessible aux nécessiteux, et en accroissant le commerce entre les pays, le libre-échange diminuerait les risques de conflits de classes ou de nations. Rien, d’ailleurs, ne lui tenait plus à cœur que la paix mondiale ; en 1849, on le délégua au Congrès de la paix de Paris. Il dénonçait vigoureusement l’impérialisme, et surtout la domination britannique en Inde et dans son Irlande natale. Défenseur des droits des femmes, il préconisait aussi l’instruction publique non confessionnelle, l’humanisation du système pénal et le traitement plus compatissant des malades mentaux. Il appuyait la campagne des unitariens américains contre l’esclavage et fut l’un des principaux orateurs à une grande manifestation tenue à Montréal en 1861 en vue d’empêcher l’extradition d’un esclave fugitif. Pendant la guerre de Sécession, même si, par intérêt, bien des hommes d’affaires montréalais soutenaient le Sud, il organisa l’opposition aux tentatives des confédérés pour amener la Grande-Bretagne à prendre les armes contre le gouvernement de l’Union. En 1867, dans un discours qu’il prononça devant l’Institut canadien de Montréal, il ne mâcha pas ses mots pour prôner l’ouverture d’esprit aux idées nouvelles et aux peuples des autres cultures, attaquer la censure et qualifier l’institut et sa bibliothèque de porte-étendard de la liberté et de la tolérance dans une guerre « contre l’exclusivisme et la domination de l’ultramontanisme ». Cette invitation et la franchise de ses propos contribuèrent sans doute à la détérioration des relations entre l’Institut canadien et Mgr Ignace Bourget*.

La détermination avec laquelle Cordner prônait ses idées et l’appui des membres influents de sa congrégation faisaient de lui une force avec laquelle il fallait compter. Il demeura rédacteur en chef du Bible Christian jusqu’à la fin de la publication, en décembre 1848, et cinq ans plus tard il lança un autre mensuel, le Liberal Christian, où il s’exprima jusqu’en 1858. Discret sur sa vie, ses expériences et ses sentiments, et d’un mutisme déconcertant dans les réunions mondaines, il pouvait par ailleurs déployer une éloquence passionnée quand il défendait une cause en chaire ou sur une tribune.

À son arrivée en Amérique du Nord, Cordner avait noué d’excellentes relations avec le florissant mouvement unitarien des États-Unis, et surtout avec ses coreligionnaires de la Nouvelle-Angleterre ; ils avaient même payé près de la moitié du coût de construction de son église. Il resserra encore davantage ces liens en épousant le 20 octobre 1852, à Boston, la sœur de l’historien Francis Parkman, Caroline Hall Parkman, avec qui il allait avoir trois filles. En 1854, sur son invitation, le congrès unitarien qui se tenait chaque automne eut lieu à Montréal ; quelque 300 délégués de tous les coins de l’Amérique du Nord, dont des célébrités des milieux intellectuel, social et politique des États-Unis, y participèrent. Toutefois, au sein même de la Unitarian Society, Benjamin Workman s’alarmait de voir la congrégation abandonner ses liens avec l’Irlande pour en nouer avec les États-Unis et tentait de s’y opposer. En 1856, Cordner força une décision sur le sujet en démissionnant ; la congrégation refusa sa démission et décida plutôt de quitter le Remonstrant Synod de l’Ulster.

En fait, à compter des années 1850, les affaires de Cordner et de la Unitarian Society prospérèrent. On les avait ouvertement exclus quand, en 1846, les églises protestantes de la ville avaient formé la Strangers’ Friend United Society, mais après la famine qui frappa l’Irlande, l’année suivante, Cordner devint l’un des principaux organisateurs des secours. En 1852, il joua un rôle important dans l’établissement du cimetière du Mont-Royal, et 11 ans plus tard il compta parmi les membres fondateurs de la Maison protestante d’industrie et de refuge de Montréal. Outre les efforts personnels de Cordner, ce sont le congrès unitarien de l’automne de 1854 et la prospérité économique des années 1850, reflétée dans la croissance et l’enrichissement de la Unitarian Society, qui expliquent l’acceptation graduelle de cette dernière dans les cercles religieux de Montréal. En 1857, la congrégation décida d’édifier une nouvelle église ; l’ancienne était assez grande mais trop modeste. Cette fois, il ne fut pas nécessaire de recourir à des fonds de l’extérieur. L’édifice, baptisé Church of the Messiah, à l’instar de plusieurs églises des États-Unis, fut ouvert au culte le jour de Pâques 1858. Un incendie l’endommagea en 1869 ; sur l’invitation du prêtre irlando-catholique Patrick Dowd, les unitariens se réunirent alors, temporairement, dans des locaux de l’église St Patrick. L’année suivante, Cordner reçut du McGill College un doctorat honorifique en droit.

Bien que sa vision des choses ait été de plus en plus continentaliste, Cordner affirmait : « notre nation, à mesure qu’elle croît, doit tenir du sol sur lequel elle croît » et il insistait pour qu’on affecte à des ministres du Canada-Uni les fonds envoyés par sa congrégation à l’American Unitarian Association. Selon lui, la province du Canada, et plus tard le pays, représentait une chance offerte par Dieu de construire une nation de justes ; pour lui la politique opportuniste de sir John Alexander Macdonald, tout comme l’engouement populaire pour le progrès matériel sans égard à la condition humaine, constituait de l’apostasie. Cependant, il ne se prononça pas au sujet de la Confédération, question sur laquelle sa congrégation était divisée.

Depuis 1858, John Cordner connaissait des ennuis de santé de plus en plus graves, et à compter de 1872 seule l’insistance de sa congrégation l’empêcha de prendre sa retraite. Il démissionna finalement en 1879 et, trois ans plus tard, s’installa à Boston où il pouvait profiter d’un climat plus doux ainsi que de la compagnie de Parkman et de nombreux collègues unitariens, tout en travaillant quelque peu pour sa secte. En juin 1894, il mourut chez lui, rue Chestnut, d’une « maladie de la prostate due au vieillissement » et d’une « congestion hypostatique des poumons ». Bien qu’il ait prétendu en 1851 ne pas aimer la polémique, Cordner avait consacré à des débats la plus grande partie de son ministère montréalais, et il continua d’écrire sur des questions controversées jusqu’à peu de temps avant sa mort.

Phillip Hewett

En plus d’être le rédacteur du Bible Christian (Montréal) et du Liberal Christian (Montréal), John Cordner est l’auteur d’au moins 120 articles, brochures et livres, dont un certain nombre sont plus importants à cause de leur influence ou pour ce qu’ils révèlent des idées et des croyances de Cordner. Parmi les articles, on trouve dans Bible Christian : « The moral results of unrestricted commerce », 3 (août 1846) : 2 ; « Public opinion in Montreal », 5 (janv. 1848) : 3 ; « Popular power and its proper guidance », 5 (avril 1848) : 3 ; « The university question », 5 (mai 1848) : 3 ; et « Protestantism », 5 (sept.–oct. 1848) : 3. Citons également les articles suivants : « Unitarianism in Canada », Unitarianism exhibited in its actual condition [...], J. R. Beard, édit. (Londres, 1846), 83–87 ; « l’Hospitalité de l’esprit », Institut canadien, Annuaire (Montréal), 1867 : 9–14 ; et « The railway scandal and the new issue », Montreal Herald, 19 août 1873. Parmi les brochures, signalons : A pastoral letter to the Christian congregation assembling for worship and education in the Unitarian Church, Montreal (Montréal, 1853) ; The foundations of nationality [...] (Montréal, 1856) ; The Christian idea of sacrifice : a discourse preached at the dedication of the Church of the Messiah, Montreal, on Sunday, 12th September 1858 (Montréal, 1858) ; Righteousness exalteth a nation [...] (Montréal, 1860) ; The providential planting and purpose of America (s.l.n.d.) ; The American conflict [...] (Montréal, 1865 ; réimpr. sous le titre de Canada and the United States [...], Manchester, Angl., 1865) ; Is Protestantism a failure ? [...] (Montréal, 1869) ; et A letter to Geo. W. Stephens, esq. (Boston, 1892). L’ouvrage, Twenty-five sermons [...] (Montréal, 1868), contient plusieurs de ces publications. En outre, un certain nombre d’articles éloquents publiés dans des journaux qu’on n’arrive plus à identifier ont été réunis dans un album de coupures de journaux déposé aux Unitarian Church Arch. (Montréal), Church of the Messiah, scrapbook ; il s’agit de : « Wisdom is better than weapons of war » (1857) ; « Royalty and its recognition » (28 août 1860) ; « The true purpose of the Christian Church » (4 avril 1876) ; « Rights of tenant farmers in Ireland » (24 déc. 1879) ; « Forty-one years » (oct. 1884). Des portraits de Cordner se trouvent aux Unitarian Church Arch.

Arch. privées, Phillip Hewett (Vancouver), Mary Lu MacDonald, « John Cordner » (texte dactylographiée).— Boston, Registry Division, Records of births, marriages and deaths, 22 juin 1894.— Unitarian Church Arch. (Montréal), Church of the Messiah, E. A. Collard, histoire manuscrite de l’église, 1984 ; W. N. Evans, histoire manuscrite de l’église, 1892.— Christian Inquirer (New York), 8 mai 1858.— Christian Register Unitarians (Boston), 28 juin, 5 juill. 1894.— Montreal Herald, 20 avril 1872.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1 : 98–99.— Phillip Hewett, Unitarians in Canada (Toronto, 1978).

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Phillip Hewett, « CORDNER, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cordner_john_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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