JACQUIES, ADOLPHE, marchand, imprimeur, éditeur, syndicaliste et rédacteur en chef, né vers 1798 à Bordeaux, France, fils de Hilaire-Jacob Jacquies et d’Adélaïde Prahm ; le 10 juin 1828, il épousa à Québec Catherine Ponsy, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 30 janvier 1860 à Québec.

Adolphe Jacquies arriva dans la ville de Québec peu avant 1826 et ouvrit d’abord une confiserie rue Saint-Jean. Devenu typographe, il se lia d’amitié avec Napoléon Aubin* pour lequel il imprima à partir de 1837 le Fantasque, hebdomadaire qui allait compter parmi les journaux les plus lus de la ville. Quoique de tendance politique modérée, le journal se singularisait par le ton ironique et la verve satirique de ses articles. Pas surprenant qu’il se soit attiré les foudres du chef de police de Québec, Thomas Ainslie Young, pour ses articles frondeurs à l’égard du gouvernement et ses sympathies avouées pour les patriotes de 1837 ! Lorsqu’on arrêta Aubin le 2 janvier 1839, Jacquies ne fut pas épargné ; il prit lui aussi le chemin du cachot, et ses presses, son papier et ses caractères d’imprimerie furent saisis. Détenu dans une prison insalubre et sans que la couronne ait porté d’accusation, il fut relâché sous caution, le 22 février suivant, devant les instances de plusieurs médecins. Ce séjour en prison laissa des marques qui le privèrent de la faculté de se mouvoir normalement pour le reste de ses jours. Plusieurs mois après, on lui rendit, non sans qu’ils aient été endommagés, ses presses et ses caractères d’imprimerie. En 1846, il réclama du gouvernement un dédommagement pour les torts subis à cette occasion ; les commissaires nommés par le gouvernement pour faire enquête sur les dommages matériels subis au cours de la rébellion devaient lui verser en 1852 une indemnité de £100.

Une fois rentré en possession de ses presses, Jacquies décida, en juillet 1839, d’imprimer et d’éditer son propre journal, le Canadian Colonist and Commercial Advertiser, bihebdomadaire rédigé en anglais. Cette feuille qui comprenait surtout des annonces et des emprunts faits à d’autres journaux contenait aussi des textes politiques écrits de la main de Jacquies. Dès l’entrée en vigueur de l’Acte d’Union, le journal dénonça le caractère antidémocratique de cette mesure qui privait les habitants du Bas-Canada d’une juste représentation et qui établissait une liste civile considérable. Elle portait, selon Jacquies, « un coup fatal aux libertés coloniales ». L’imprimeur s’éleva également contre les manœuvres déloyales du gouverneur, lord Sydenham [Thomson*], pendant les élections de 1841. Enfin, sensible à l’importance du commerce du bois pour les Canadas, il s’opposa aux libre-échangistes anglais car, disait-il, les Canadiens avaient besoin de revenus assurés par les tarifs préférentiels impériaux pour acheter les produits manufacturés en provenance de la Grande-Bretagne. Même si le journal cessa de paraître en 1841, certains entrefilets laissent croire que la stratégie suivie par Louis-Hippolyte La Fontaine*, soit le rapprochement entre les réformistes du Bas-Canada et ceux du Haut-Canada, souriait à Jacquies.

Au cours de la même année, Jacquies devint propriétaire du British North American, trihebdomadaire tory publié à Québec et dont il changea le nom pour celui de Quebec Argus. On ne possède malheureusement que deux numéros de ce journal, ce qui ne permet pas de suivre le cheminement politique de son éditeur. Plus tard, de 1844 à 1847, Jacquies mit ses presses à la disposition du Quebec Times, trihebdomadaire tory rédigé par John Cordner* et John Henry Willan*. On ne sait rien de la carrière de Jacquies après ces années, mais il est possible qu’il se soit installé à Montréal car sa femme y mourut en 1847.

Plus singulier que son métier d’imprimeur et de rédacteur en chef fut l’intérêt que Jacquies porta à la syndicalisation des imprimeurs de Québec. Ceux-ci, dès 1827, avaient formé un syndicat dont l’existence semble avoir été assez brève. Sous l’impulsion de Jacquies, il fut réorganisé en 1836 sous le nom d’Union canadienne des typographes. À ses débuts, cette association regroupait 66 membres et définissait ainsi ses objectifs : « propager la bonne entente entre patrons et ouvriers, établir une échelle de salaires raisonnables, empêcher une compétition souvent déloyale pour les employeurs consciencieux, instruire les membres et aider les familles de membres atteints par la maladie ». En 1839, elle réclamait des maîtres imprimeurs une augmentation de salaire en faisant valoir la hausse du coût de la vie. On ignore l’attitude de Jacquies à l’égard de cette question qui le concernait directement, puisqu’il était alors maître imprimeur. Durant la première moitié du xixe siècle, c’était faire preuve de beaucoup d’originalité que de se regrouper en syndicat. Il est probable que Jacquies se soit laissé gagner à cette idée en France.

Adolphe Jacquies, un des premiers défenseurs des droits des travailleurs, s’était fait aussi le promoteur des idées libérales au Bas-Canada. Le gouvernement responsable signifiait pour lui la liberté politique du peuple, tandis que le syndicalisme traduisait son désir de démocratie économique pour les travailleurs.

Jacques Rouillard

ANQ-Q, CE1-1, 10 juin 1828.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journaux, 20 avril 1846.— Canadian Colonist and Commercial Advertiser (Québec), 16 nov. 1840, 22 mars, 12, 26 avril 1841.— Le Journal de Québec, 31 janv. 1860.— Beaulieu et Hamelin, la Presse québécoise, 1 : 107–108, 118, 132.— Fauteux, Patriotes.Montreal directory, 1842–1860.— Quebec directory, 1847–1860.— 100e anniversaire de l’Union typographique de Québec no. 302 (Québec, 1936).— Charles Lipton, Histoire du syndicalisme au Canada et au Québec, 1827–1959, Michel Van Schendel, trad. (Montréal, 1976), 40–41.— J.-P. Tremblay, À la recherche de Napoléon Aubin (Québec, 1969).— F.-J. Audet, « les Canadiens et la Guerre de Sécession », BRH, 46 (1940) : 357–358.— « L’Imprimeur Adolphe Jacquies », BRH, 42 (1936) : 540.

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Jacques Rouillard, « JACQUIES, ADOLPHE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jacquies_adolphe_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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