COLLINS, JOSEPH EDMUND, instituteur, éditeur, journaliste et auteur, né le 22 octobre 1855 à Placentia, Terre-Neuve, fils de William Joseph Collins et d’Eleanor O’Reiley ; il épousa Gertrude Anna Murphy, et ils eurent deux enfants qui moururent en bas âge ; décédé le 23 février 1892 à New York.
Joseph Edmund Collins aimait à imaginer qu’il était de beau lignage mais, en fait, son père était un modeste fermier et gardien de phare. Intelligent et ambitieux, quoiqu’il n’eût pas fait d’études, Edmund (comme il préférait se faire appeler) fit l’essai de plusieurs métiers : à l’âge de 18 ans, il appartint un bref moment à la Constabulary Force of Newfoundland ; à 19 ans, il quitta l’île pour travailler dans un cabinet d’avocat à Fredericton ; à 20 ans, il se tourna vers l’enseignement. C’est seulement quand il tâta du journalisme, d’abord à titre d’éditeur du Star de Fredericton, puis de rédacteur en chef du North Star de Chatham deux ans plus tard, que l’amour des lettres le gagna finalement. Comme l’a dit sa mère, il trouvait irrésistible le pouvoir d’« influencer la multitude ».
Collins avait un message à livrer : l’indépendance du Canada, voire sa constitution en république. Il cherchait en particulier à doter le corps politique inerte qu’était la Confédération d’un cœur et d’une âme bien à lui, en favorisant la culture littéraire de la nation ; il dirigeait donc ses efforts vers la jeunesse instruite du pays – ceux qui, croyait-il, étaient affranchis des préjugés partisans et sectaires du passé. À Chatham, l’enthousiasme et le brio de Collins captèrent l’imagination du petit-cousin de sa femme, le jeune instituteur et poète débutant Charles George Douglas Roberts*. Autour des feux de camp ou dans les salons, Collins poussait Roberts à travailler davantage ses poèmes et à s’engager plus à fond dans le nationalisme. À l’automne de 1880, la publication d’Orion, and other poems, par Roberts, lui parut être la percée nécessaire à la naissance d’une littérature canadienne.
Cet hiver-là, Collins s’installa à Toronto pour travailler à la rédaction du Globe. Toujours résolu à diffuser son message, il pouvait, en plus, citer Roberts en exemple. C’est probablement lui qui, en mai 1881, remit à un autre jeune poète, Archibald Lampman, étudiant au Trinity College, l’exemplaire d’Orion qui inspira tant ce dernier. C’est certainement par son entremise que Lampman et Roberts entreprirent une correspondance amicale. En outre, pour que Roberts soit engagé à titre de rédacteur en chef du Week et qu’il s’établisse à Toronto à l’automne de 1883, Collins usa de son influence auprès de l’éditeur Goldwin Smith*, vers qui il avait été attiré par une communion d’idées. Bref, Collins stimula, fit connaître et mit en rapport les deux figures centrales du groupe que l’on appellerait plus tard les « poètes de la Confédération ». Lampman le surnommait le « père littéraire » d’une génération de jeunes poètes et disait à un ami : « puisque ce vieux Joseph Edmund nous pousse, nous allons sûrement faire quelque chose ». Mais, ce faisant, Lampman et Roberts dépassèrent leur mentor.
Brillant, enthousiaste, amant de la vie et de la littérature, Collins manquait de discipline quand il s’agissait d’écrire et il était instable dans sa vie professionnelle et familiale. Ne voulant pas ou ne pouvant pas conserver un emploi, il était « toujours, disait Roberts, absorbé dans des travaux décousus, au gré du hasard ». Il quitta le Globe au bout d’un an ou deux et tenta par la suite de gagner sa vie comme pigiste. Comme il écrivait sur à peu près n’importe quel sujet, pour tout magazine, périodique ou journal qui était prêt à le payer, jamais Collins n’eut ou ne se donna les loisirs nécessaires pour développer le potentiel que ses amis étaient certains de voir en lui. En fait, son seul ouvrage important fut la première biographie de sir John Alexander Macdonald, parue à la Rose Publishing Company en 1883. Collins attribuait à Macdonald ses propres idéaux de nationalisme pragmatique et s’efforçait de couler son personnage dans un moule libéral. Trop partisane et pas assez documentée pour servir encore d’ouvrage de référence, cette biographie conserve néanmoins un certain intérêt à cause de l’avant-dernier chapitre, qui porte sur la pensée et la littérature. C’était l’une des premières tentatives sérieuses d’attirer l’attention sur la nouvelle génération d’auteurs canadiens, dont Roberts était, selon Collins, la figure exemplaire. Il refit l’éloge des jeunes auteurs l’année suivante dans un ouvrage de moindre importance, Canada under the administration of Lord Lorne. Las de ces biographies d’hommes politiques, il publia de 1884 à 1886 quatre romans mineurs. De ceux-ci, Story of Louis Riel [...], œuvre imaginative, fut le seul à acquérir quelque notoriété – pour son racisme patent.
En 1886, la carrière d’écrivain de Collins était au point mort. Sa vision nationaliste n’avait pas pu prendre corps dans un pays trop jeune pour faire vivre ses hommes de lettres. Conscients de cette réalité, ses amis se trouvèrent d’autres emplois : Lampman devint commis au département des Postes à Ottawa et Roberts, professeur au King’s College de Windsor, en Nouvelle-Écosse. Comme il ne pouvait pas ou ne voulait pas suivre la même voie, Collins se laissa attirer par l’effervescence des milieux littéraires de New York. Il devint rédacteur au magazine Epoch, hebdomadaire de littérature et d’opinion fondé depuis peu. Il n’oublia pas pour autant ses racines. Paru le 11 février 1887, le premier numéro du magazine contenait, parmi des notices sur plusieurs ouvrages américains, une annonce du livre de Roberts, In divers tones, dédié à Collins. D’ailleurs, le nom de Roberts continua de figurer en page littéraire jusqu’à ce que Collins quitte la revue en 1889.
Hélas ! le changement de décor n’améliora pas la situation de Collins. Cause ou conséquence, il se mit à boire, ce qui mina à la fois sa santé et son ménage. Forcé de retourner à l’existence précaire de pigiste, et désormais seul, il vivait dans des chambres meublées et devait souvent compter sur la charité de ses amis. Parmi ceux qui l’accueillirent se trouvait un autre des poètes de la Confédération, William Bliss Carman*, arrivé à New York en 1890 pour tenter sa chance comme rédacteur à l’Independent. Peut-être revigoré par l’influence du jeune Carman, Collins se rendit cet été-là chez Roberts, à Windsor, dans l’espoir d’améliorer sa santé et de retrouver un peu de la fructueuse camaraderie du passé. Physiquement, ces vacances lui furent salutaires pendant quelque temps, mais elles brisèrent une amitié. Apparemment, Collins avait des mœurs trop dissolues pour être un compagnon agréable. Pour aggraver les choses, il retourna à New York en octobre en laissant à Roberts une série de factures impayées. Ce dernier écrivit plus tard à Carman : « Ma profonde méfiance à son endroit avait complètement tué l’affection que je lui portais. » C’était une triste fin pour une relation qui avait été aussi importante. Quant à Carman, il hébergea Collins presque jusqu’au début de 1892, moment où celui-ci mourut, fou.
La littérature inspirait à Joseph Edmund Collins un enthousiasme et un amour sans bornes. Même s’il n’arriva jamais à canaliser cette énergie dans une œuvre durable, il fut, pendant un bref et heureux moment, celui qui encouragea et réunit deux des meilleurs poètes que le Canada allait produire au xixe siècle. Ce rôle, Lampman l’évoqua à la mort de son mentor : « Il y a deux ou trois jeunes auteurs – peut-être davantage [...] qui se souviennent de Collins avec une tendresse, une gratitude, presque une vénération particulières. » Le drame de Collins, c’est qu’il n’arrivait pas à être à la hauteur de ceux qu’il inspirait et qu’il n’avait pas la force de caractère d’accepter cette réalité. « C’est le Collins des années passées, écrivait Roberts à Carman, que j’essaierai de garder dans ma mémoire. »
L’auteur aimerait souligner l’aide à la recherche qu’il a reçue d’Al Randall de St John’s.
Joseph Edmund Collins est l’auteur des ouvrages suivants tous publiés à Toronto : Life and times of the Right Honourable Sir John A. Macdonald [...] premier of the Dominion of Canada (1883) ; Canada under the administration of Lord Lorne (1884) ; The story of a Greenland girl (1885) ; The story of Louis Riel : the rebel chief (1885) ; Annette, the Metis spy : a heroine of the N.W. rebellion (1886) ; et The four Canadian highwaymen ; or, the robbers of Markham swamp (1886). Il était l’éditeur du Star (Fredericton), 1878–1880, et le rédacteur en chef du North Star (Chatham, N.-B.), 1880, et de l’Epoch (New York), 1887–1889.
Seules quelques lettres de Collins, ou à son sujet, subsistent. La correspondance manuscrite se trouve dans les Bliss Carman papers aux QUA (2070), box 12, Collins à Carman, juill. 1890 ; box 13, Lampman à Carman, 10 juin 1892 ; box 15, Jean Hunter Bliss à Carman, 1er janv. 1892 ; box 22, Collins à Carman, trois lettres sans date [été 1890] ; dans l’Archibald Lampman coll. à la Simon Fraser Univ. Library Special Coll. (Burnaby, C.-B.), Collins à Lampman, août 1891 ; et à la Smith College Library (Northampton, Mass.), Eleanor Collins à Bliss Carman, 18 avril 1892 (une copie de cette lettre se trouve dans les Carman papers aux QUA). La correspondance publiée figure dans l’ouvrage de C. G. D. Roberts, The collected letters of Sir Charles G. D. Roberts, Laurel Boone, édit. (Fredericton, à venir), et C. Y. Connor, Archibald Lampman : Canadian poet of nature (New York et Montréal, 1929 ; réimpr., Ottawa, 1977).
Un article autobiographique se trouve dans Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1. Des renseignements utiles figurent dans deux notices nécrologiques : « At the Mermaid Inn », Globe, 19 mars 1892 : 9, et dans le Critic (New York), 27 févr. 1892 : 136. Voir aussi, C. G. D. Roberts, « On the Bartibogue River », Forest and Stream (New York), 20 (févr.–juill. 1883), numéro du 31 mai, et dans le livre de Roberts, In divers tones (Boston, 1886), 9.
L’étude la plus importante sur Collins est celle de J. C. Adams, « Roberts, Lampman, and Edmund Collins », The Sir Charles G. D. Roberts symposium, Glenn Clever, édit. (Ottawa, 1984), 5–13. D’autres travaux secondaires utiles comprennent : J. C. Adams, Sir Charles God Dann : the life of Sir Charles G. D. Roberts (Toronto, 1986) ; J. R. Harper, Historical directory of New Brunswick newpapers and periodicals (Fredericton, 1961) ; E. M. Pomeroy, Sir Charles G. D. Roberts : a biography (Toronto, 1943) ; The book of Newfoundland, J. R. Smallwood et al., édit. (6 vol., St John’s, 1937–1975), 5 : 554 ; et la thèse de l’auteur, « The writing of English-Canadian history in the nineteenth century » (thèse de ph.d., 2 vol., Univ. of Toronto, 1984), 2 : 394–401. [m. b. t.]
M. Brook Taylor, « COLLINS, JOSEPH EDMUND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/collins_joseph_edmund_12F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |