COLLARD, FREDERICK JOHN MARTIN, avocat et rédacteur en chef, né probablement dans le Bas-Canada ; décédé le 24 mars 1848 à Charlottetown.
Frederick John Martin Collard apparut soudainement sur la scène publique de l’Île-du-Prince-Édouard au mois de septembre 1844 en offrant, dans la presse, ses services à titre d’avocat ; il se présentait comme membre du barreau canadien et disait avoir 16 ans d’expérience. Dans l’une des annonces qu’il fit paraître, il parlait de « récents efforts pour lui nuire » : il faisait probablement allusion au fait qu’en avril il avait été incarcéré à Halifax sous l’accusation d’avoir commis un acte de « bestialité » sur la personne d’un plaignant. Mais en raison de sa mauvaise santé on l’avait libéré en mai sous caution personnelle. Peu après, il avait quitté la Nouvelle-Écosse et n’y était même pas retourné en juillet pour subir son procès. En octobre, le procureur général de l’Île-du-Prince-Édouard, Robert Hodgson*, obtint une attestation de ces faits, qui apparemment empêcha l’admission de Collard au barreau de la colonie. L’été suivant, il comparut en justice sous l’accusation d’avoir, le 15 septembre 1844, à Charlottetown, commis des voies de fait avec l’intention de pratiquer la sodomie. Il assura lui-même sa défense contre Hodgson et le solliciteur général James Horsfield Peters*. En dépit du verdict d’acquittement que prononça le jury, sa réputation demeura entachée et, contrairement à ses espoirs, il ne parvint pas à se constituer une clientèle à titre d’agent foncier.
Il semble qu’à l’Île-du-Prince-Édouard, Collard ne réussit dans aucun domaine jusqu’à ce qu’il soit mêlé à la querelle opposant le family compact au lieutenant-gouverneur, sir Henry Vere Huntley*, qui avait formé une alliance de convenance avec les réformistes. Collard possédait les talents journalistiques dont l’oligarchie avait besoin, et il allait travailler comme rédacteur en chef de plusieurs journaux de Charlottetown. Le premier fut apparemment le Morning News, mais il le quitta à l’automne de 1845 car l’éditeur commençait à pencher en faveur de Huntley. Peu après, sous le pseudonyme de A British Colonist, il publia des lettres sur la controverse dans l’Islander et la Royal Gazette, deux journaux tories. On lui attribue également un pamphlet de 15 pages signé Junius et paru au cours de la session législative de 1846 : on y voit la colonie entraînée dans la lutte que se livrent un gouverneur despotique et des institutions populaires. Collard devint un très proche collaborateur du président de la chambre d’Assemblée, Joseph Pope*, qui s’acharnait sur Huntley. Au printemps de 1846, un député tory, William Douse*, le décrivit comme le « secrétaire » de Pope.
Le Constitutionalist, publié d’avril à octobre 1846, et dont le rédacteur en chef était Collard, joua un rôle important dans la bataille : chaque semaine, des critiques hargneuses contre Huntley constituaient l’élément principal du journal. Selon le lieutenant-gouverneur et le journaliste Edward Whelan*, le champion de la réforme, Collard cumula par la suite les postes de rédacteur en chef de l’Islander et de la Royal Gazette. Dans une certaine mesure, sa tâche consistait à contrer le brillant Whelan, qui répliquait par de la poésie et de la prose remplies de doubles sens à propos du « gros Martin ». Huntley, qui proclamait son horreur pour Collard, lui reconnaissait néanmoins une « extraordinaire éloquence et de grands talents en tout ».
Auteur compétent et plein de fougue, quoiqu’un peu verbeux, Collard serait probablement demeuré l’un des grands journalistes politiques de l’île s’il n’était pas mort d’érysipèle le 24 mars 1848, après une brève maladie. Les notices nécrologiques de l’Islander et de la Royal Gazette disaient seulement de lui qu’il avait été « conseiller de la reine » en Gaspésie, dans le Bas-Canada, mais il semble bien qu’il avait connu une existence agitée et instable : il avait vécu non seulement dans le Bas-Canada et en Nouvelle-Écosse, mais aussi au Nouveau-Brunswick et aux îles de la Madeleine avant de débarquer à l’Île-du-Prince-Édouard. Le procureur général de la Nouvelle-Écosse, James William Johnston*, avait accepté de le libérer sous caution personnelle en 1844 parce qu’il lui semblait improbable qu’il puisse réunir la somme nécessaire. À l’Île-du-Prince-Édouard, avant de devenir l’assistant de Pope, il était selon Huntley « au bord de la misère » et, au moment de sa mort, on estima ses biens à moins de £50.
Frederick John Martin Collard figure dans l’histoire de l’Île-du-Prince-Édouard parce qu’il a contribué à faire avancer le débat politique : il fut l’un des premiers à écrire régulièrement, dans une perspective conservatrice, des éditoriaux sur la politique de la colonie. Si les tories retinrent ses services, c’est que, devant la montée des revendications de réforme, ils jugèrent prudent de cultiver systématiquement l’opinion publique. Sa mort laissa un vide qui ne fut comblé qu’en mars 1850, au moment où l’Islander engagea Duncan Maclean*, ancien collègue de Whelan.
Frederick John Martin Collard est connu comme l’auteur de An address to the people of Prince Edward Island, publié sous le pseudonyme de Junius ([Charlottetown, 1846]). En effet, les PAPEI possèdent une copie de l’ouvrage sur laquelle se trouvent les notes manuscrites suivantes : « pamphlet de Collard » et « insolence bassement vulgaire et malice d’un esprit inférieur ». [i. r. r.]
PAPEI, RG 6, Supreme Court, case papers, R. v. F. J. M. Collard, 1845 ; minutes, 26 juin, 3 juill. 1845.— PRO, CO 226/69 : 175–177, 208–211 ; 226/70 : 289–290 ; 226/71 : 70–72, 120–129, 134–147, 288, 292, 481 ; 226/75 : 19 (mfm aux PAPEI).— Supreme Court of P.E.I. (Charlottetown), Estates Division, papers of administration for F. J. M. Collard estate.— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1846, app. R : 94, 96, 98 ; 1847 : 142–143 ; Legislative Council, Journal, 1847 : 66–67, 69.— Constitutionalist (Charlottetown), 27 avril–17 oct. 1846 (mfm aux PAPEI).— Examiner (Charlottetown), 18 sept., 2 oct., 13 nov., 18 déc. 1847, 11, 27 mars, 18 sept. 1848.— Islander, 22 nov., 6 déc. 1845, 18 avril (extra), 1er mai, 23 oct. 1846, 24 mars 1848.— Morning News (Charlottetown), 18 sept. 1844.— Palladium (Charlottetown), 26 sept. 1844.— Royal Gazette (Charlottetown), 1er oct. 1844, 1er–8 juill., 2–9 déc. 1845, 9 avril 1846 (extra), 7–14, 28 sept. 1847, 1er, 15 févr., 21, 24 (extra), 28 mars 1848.— W. L. Cotton, « The press in Prince Edward Island », Past and present of Prince Edward Island [...], D. A. MacKinnon et A. B. Warburton, édit. (Charlottetown, [1906]), 115. Cet article constitue la seule étude qui fasse mention de Collard. [i. r. r.]— Examiner, 11 mai 1863.— Islander, 25 juin 1852, 25 janv. 1856.
Ian Ross Robertson, « COLLARD, FREDERICK JOHN MARTIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/collard_frederick_john_martin_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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