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COCKSHUTT, IGNATIUS, homme d’affaires et philanthrope, né le 24 août 1812 à Bradford, Yorkshire, Angleterre, fils de James Cockshutt et de Mary Nightingale ; le 22 septembre 1846, il épousa Margaret Gemmell (décédée en 1847), de Montréal, et ils eurent une fille, puis le 9 septembre 1850, Elizabeth Foster, de Mount Pleasant, Haut-Canada, et ils eurent six fils et trois filles ; décédé le 28 février 1901 à Brantford, Ontario.
Lorsqu’il décida d’émigrer, le père d’Ignatius Cockshutt faisait des affaires dans le Yorkshire et le Lancashire depuis quelques années. Sa première entreprise, une filature de coton, avait fait faillite en 1816, entraînée dans la dépression commerciale qui avait suivi les guerres napoléoniennes. Il géra alors la ferme de son grand-père puis se relança en affaires en 1822. Ces hauts et ces bas, et la conviction que la connaissance des lettres ne préparait pas nécessairement un jeune homme à une vie productive, expliquent sans doute pourquoi il ne donna à son fils qu’une formation rudimentaire. Ignatius étudia dans un pensionnat de Leeds durant une seule année, puis il passa quelque temps dans une école de Colne. Par la suite, James Cockshutt expliqua que c’est en voyant une bande d’ouvriers révoltés casser des charretées entières de machines dans les rues de Colne qu’il résolut finalement de chercher un endroit plus hospitalier pour investir l’héritage de son grand-père.
Les Cockshutt quittèrent Liverpool pour Québec en juillet 1827. Ils avaient l’intention de s’installer en Pennsylvanie, mais à bord du bateau, un ami, James Laycock, convainquit James Cockshutt de tenter sa chance avec lui à York (Toronto), dans le Haut-Canada. Leur association dura jusqu’à ce que Cockshutt ouvre un magasin général, un an plus tard. En 1829, il décida d’établir une succursale à Brantford, avec Christopher Batty, et y envoya Ignatius à titre de commis. Brantford faisait encore partie de la réserve des Six-Nations et, avant que l’emplacement de la ville ne soit cédé à la couronne, en 1830, les résidents blancs étaient des squatters. L’incertitude qui entourait la propriété des terres et son effet retardateur sur le peuplement durent nuire au commerce de Cockshutt et Batty, car ils fermèrent boutique moins d’un an après l’ouverture.
Néanmoins, Ignatius demeurait convaincu que l’emplacement de Brantford allait s’avérer rentable, et il persuada son père de rouvrir la succursale en 1832. Cette fois, les Cockshutt remportèrent un tel succès que deux ans plus tard, James ferma le magasin d’York et s’installa lui-même à Brantford. En 1840, Ignatius et sa sœur, Jane, rachetèrent le commerce ; quatre ans après, ils avaient accumulé un capital de 10 000 $. En 1846, Jane se retira de l’affaire, et deux ans plus tard, on estimait qu’Ignatius valait cette somme à lui seul.
Le commerce demeura la principale occupation de Cockshutt jusqu’en 1882, et en fit un homme riche. Prudent et persévérant, il évita les spéculations sur le grain, le bois et les terres qui ruinèrent tant d’hommes d’affaires de Brantford dans les années 1850. Néanmoins, comme d’autres promoteurs, il était fier de sa ville, et il chercha à en faire l’entrepôt commercial de l’ouest de la province en favorisant des projets de nature à mettre en valeur les avantages géographiques dont elle jouissait par rapport à Hamilton. Comme il était déjà le plus gros propriétaire de Brantford au moment de son érection en municipalité, en 1847, c’est lui qui bénéficia le plus de chaque accroissement de valeur des propriétés immobilières. Il participa à la promotion du Brantford and Buffalo Joint Stock Railway, au conseil d’administration duquel il appartint de 1850 à 1853. Cependant, la compagnie de chemin de fer ne fit pas ses frais, et lorsqu’elle déclara faillite, il perdit son investissement de 3 000 $ (le second en importance parmi ceux de Brantford). D’autres projets locaux auxquels il participa se révélèrent plus rentables. En 1856, il entreprit la construction d’une route à péage de Brantford à Oakland. Il fut président de la Brantford Gas Works un certain temps et de la Brantford Waterworks Company, de sa fondation en 1870 à sa prise en charge par la ville en 1889.
En 1875, l’agence d’évaluation du crédit Dun, Wiman and Company [V. Erastus Wiman] estima que la richesse de Cockshutt se situait au moins entre 750 000 et un million de dollars, mais notait qu’il disposait d’un capital bien plus important puisqu’il investissait des fonds pour des parents et amis anglais. Une bonne partie de sa fortune reposait sur l’immobilier. En 1880, outre son entreprise et son domicile, évalués à 20 750 $ au rôle municipal, il disposait de 41 propriétés locatives d’une valeur de 56 100 $. Il possédait aussi 21 fermes dans le canton de Brantford. Jusque dans les années 1870, ses investissements dans le secteur manufacturier se limitèrent à la propriété entière ou partielle du terrain et de l’usine occupés par une manufacture ; il touchait un loyer et n’était pas intéressé au bénéfice. Par la suite, il prêta sur hypothèque : dans les années 1870 seulement, il avança 37 000 $ à dix usines différentes. Le fait qu’il ait été un investisseur prudent n’explique pas entièrement sa préférence pour les hypothèques. Certes, il désirait prendre le moins de risques possible, mais les entreprises n’avaient pas non plus le choix entre un grand nombre de moyens pour structurer leur capital.
Cockshutt acquit tout de même des actions de compagnies sur l’administration desquelles lui-même ou sa famille pouvaient exercer une influence. Il en détenait de la C. H. Waterous and Company [V. Charles Horatio Waterous*], dont son fils James G. fut président pendant un certain temps, et il finança la Cockshutt Plough Company Limited quand James G. se lança en affaires. Lui-même devint président de la Craven Cotton Company de Brantford après sa réorganisation en 1882. Il se retira alors de son magasin, dont il confia les divers rayons à ses fils. En réaction à la crise qui éclata en 1883, occasionnée par la surproduction dans l’industrie du coton, il adhéra à la Canadian Cotton Manufacturers’ Association, mise sur pied pour fixer des quotas de production. Comme les autres cartels, celui-là était difficile à contrôler, et Cockshutt se plaignit en 1889 à Andrew Frederick Gault que son usine pâtissait parce que d’autres ne respectaient leurs engagements. En 1891, Cockshutt et son conseil d’administration décidèrent de tout vendre à Gault ; ils acceptèrent 130 000 $ pour leur entreprise (60 000 $ comptant et le reste en obligations) estimant qu’ils avaient déjà dépensé presque deux fois cette somme.
Tout au long de son existence, Cockshutt consacra beaucoup de temps et d’argent aux œuvres de bienfaisance. Il appartenait à une secte méthodiste, les inghamites ou indépendants, qui avait fait florès dans le Yorkshire et le Lancashire. Son père avait fondé deux congrégations dans le Haut-Canada, la première à York, qui n’eut pas de succès, et la deuxième à Brantford. Les doctrines évangéliques de cette secte étaient exigeantes, et Ignatius Cockshutt, qui demeura toujours inghamite, refusait de vivre tranquillement sa foi. « La grande question que tous doivent sincèrement se poser, écrivait-il à un parent, [est] quel est mon rapport avec Dieu ? Est-ce que je m’appuie sur l’inébranlable roc [qu’est le] Christ, en mettant toute ma confiance en son précieux Sang [et] en l’œuvre accomplie pour les pécheurs comme vous et moi [?] » Ses convictions religieuses exigeaient qu’il se consacre aux œuvres de charité et à l’évangélisme. « Nous sommes tenus, expliquait-il à un correspondant, de faire le bien à tous chaque fois que nous en avons l’occasion, particulièrement la communauté des croyants. » En 1887, il donna un terrain et 10 000 $ à la Brant County House of Industry. D’autres organismes de Brantford, la Woman’s Christian Temperance Union, la Young Men’s Christian Association et la Young Women’s Christian Association, reçurent de lui des contributions généreuses. En outre, il ouvrit le Widow’s Home à Brantford et, avec Thomas Strahan Shenston*, le Brantford Orphan’s Home, dont il assuma entièrement la charge en 1879. En plus, il envoyait régulièrement de l’argent au docteur Thomas John Barnardo, qui œuvrait auprès des enfants démunis en Grande-Bretagne, et il offrit de trouver, dans la région, des places pour les enfants immigrants. Toutefois, son principal engagement consista à soutenir deux missions en Jamaïque, l’une entièrement et l’autre en partie.
Sa religion et son éthique du travail donnaient à Cockshutt une personnalité austère qui s’exprimait dans la discipline patriarcale qu’il imposait à ses enfants, dont neuf atteignirent l’âge adulte. Les prêts qu’il consentait à ses fils lorsqu’ils se lançaient en affaires étaient notés avec soin, et il exigeait en échange une pleine garantie. En 1890, il sermonna le fiancé de sa fille Elizabeth sur les finances matrimoniales et lui dit carrément qu’il désapprouvait les dispositions relatives à leur contrat de mariage. William Foster, surtout, souffrit d’être le fils de son père. Ce dernier ne voulait pas de la femme qu’il avait choisie et refusait de sanctionner le mariage. Comme William résistait, Cockshutt veilla à ce que des médecins de la localité le déclarent mentalement instable et il le fit interner dans un asile à Canandaigua, dans l’État de New York, jusqu’à ce qu’il cède. On ne s’étonnera donc guère que, par moments, ses enfants aient cru qu’il portait davantage d’affection à ses chiens. Malgré tout, deux de ses fils finirent par se distinguer : William Foster à titre de député fédéral et de tenant du libre-échange impérial, et Henry* (Harry) en tant que manufacturier et lieutenant-gouverneur de l’Ontario.
La discipline, enracinée dans sa foi, qui marqua les relations d’Ignatius Cockshutt avec ses enfants caractérisa également sa réussite. C’est en suivant ses affaires de près qu’il fit fortune. Sans doute est-ce parce que les dimensions de Brantford limitaient les perspectives de croissance de toute entreprise commerciale qu’il diversifia ses affaires et, à compter des années 1870, investit beaucoup dans les manufactures locales.
Un volume intitulé Memoirs of Ignatius Cockshutt, consisting chiefly of his own reminiscences, collected and arranged by a member of his family a été publié à titre posthume à Brantford, Ontario, en 1903.
AN, RG 5, B9, 72, no 1550 ; RG 31, C1, 1851, 1861, 1871, 1881, Brantford.— AO, F 243 ; F 262 ; RG 21, Brantford, assessment rolls, 1880.— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 13 : 21, 45, 82F, 116.— MTRL, T. S. Shenston papers.— Univ. of Waterloo Library (Waterloo, Ontario), Brant County, copy-books of deeds, Brantford, instrument nos 4185, 4801, 4825, 5430, 5515, 6124, 6541, 6567, 6824, 8316, 9234, 10388, 10473, 11003, 11044, 11375 (mfm aux AO).— Daily Courier (Brantford), 1er mars 1901.— Daily Expositor (Brantford), 2 mars 1901.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Appendices des journaux, 1851, app. Z.— The history of the county of Brant, Ontario [...] (Toronto, 1883), 285.— Naylor, Hist. of Canadian business.— F. D. Reville, History of the county of Brant (2 vol., Brantford, 1920).
David G. Burley, « COCKSHUTT, IGNATIUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cockshutt_ignatius_13F.html.
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Auteur de l'article: | David G. Burley |
Titre de l'article: | COCKSHUTT, IGNATIUS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |