SHENSTON, THOMAS STRAHAN, bourrelier, homme d’affaires, fonctionnaire, juge de paix, inventeur, philanthrope et auteur, né le 25 juin 1822 à Londres, fils de Benjamin Shenston et de Mary Strahan ; le 30 décembre 1843, il épousa Mary Lazenby, et ils eurent deux filles et six fils ; décédé le 15 mars 1895 à Brantford, Ontario.

Thomas Strahan Shenston passa son enfance à Londres et quitta l’école à l’âge de neuf ans pour travailler comme garçon de courses chez un marchand de son quartier. Son père, un peintre à son compte dont les affaires n’étaient pas très florissantes et qui désespérait de placer ses cinq fils en apprentissage, immigra avec sa famille dans le Haut-Canada au printemps de 1832. Il acheta d’abord une terre dans le canton de Woolwich, près de Guelph, puis une autre, en 1834, à DeCew Falls, dans les environs de St Catharines. En 1837, il réussit à placer le jeune Tom, qui jusque-là avait travaillé à forfait dans des fermes voisines, comme apprenti chez un bourrelier de St Catharines. En 1841, Tom mit fin à son apprentissage et, désireux d’ouvrir son propre commerce de sellier-bourrelier, tenta d’abord sa chance à Chatham puis, plus tard la même année, à Woodstock, où ses affaires semblent avoir prospéré. En mars 1848 cependant, le feu détruisit un immeuble commercial dont il était propriétaire, de même que sa maison et son atelier. Quoiqu’aucun de ces bâtiments n’eût été assuré, il rouvrit rapidement sa bourrellerie mais, à la fin de l’année, les difficultés financières l’obligèrent à abandonner son commerce.

Shenston avait travaillé à l’avancement de la cause réformiste, et les charges obtenues en remerciement de ses services atténuèrent quelque peu ses problèmes financiers. Sur les instructions de Robert Baldwin* et de Francis Hincks*, il avait orchestré la propagande réformiste dans le comté d’Oxford : il avait fait signer des pétitions, sollicité des voix, organisé des assemblées publiques et, en 1847, s’était occupé de la promotion d’un journal sympathique à la cause. Fait plus important encore, il avait été agent électoral de Hincks durant la difficile campagne de 1847 et le serait encore en 1851. Pour le récompenser, on le nomma juge de paix en 1849, greffier du comté d’Oxford et directeur du scrutin municipal à Woodstock en 1850, puis commissaire du recensement en 1852. Malgré l’opposition de l’homme politique clear grit David Christie*, Hincks obtint en 1853 pour Shenston les postes de registrateur et de juge de paix du nouveau comté de Brant, ainsi que celui de commissaire à la Cour du banc de la reine dans le même comté. Shenston, qui s’établit à Brantford à ce moment-là, cessa de pratiquer son métier mais n’en demeura pas moins bricoleur et inventeur, comme bien des artisans du xixe siècle. Il mit au point un encrier et des freins de voiture, qu’il fit breveter, conçut un calendrier perpétuel, mais n’eut pas beaucoup de succès dans la mise en marché de ses inventions.

Son poste de registrateur de comté permettait à Shenston non seulement de toucher un salaire, mais d’avoir accès à de précieux renseignements sur les transactions et la valeur des terrains. Ainsi put-il, sans avoir à payer les relevés et l’enregistrement des titres, faire des recherches, rassembler des documents et acheter ou vendre des propriétés, tenir en fait sa propre agence immobilière. Comme il avait à sa disposition de nombreux documents officiels qui révélaient l’étendue et l’emplacement des biens de la plupart des habitants du comté : registres de biens-fonds, nantissements mobiliers, accords d’association, documents constitutifs de sociétés commerciales, jugements, d’autres personnes eurent recours à ses services. Ainsi des créanciers lui demandaient son aide, probablement contre rémunération, pour recouvrer les sommes d’argent qu’on leur devait. Pendant les années 1870, la Banque canadienne de commerce s’adressa à lui pour établir la solvabilité des principaux manufacturiers et grossistes de Brantford et s’attirer leur clientèle. De plus, à une époque où les terrains et les hypothèques constituaient les principaux véhicules de placements, Shenston se trouvait dans une situation idéale pour être exécuteur testamentaire et agent financier.

Shenston eut aussi des intérêts dans diverses entreprises locales. Devenu au début des années 1860 représentant de la Hartford Fire Insurance Company et de la Compagnie d’assurance du Canada sur la vie, il fut tour à tour secrétaire et trésorier de la lucrative Brantford Waterworks Company entre 1870 et 1889 ; en 1876, il préconisa la formation de la Royal Loan and Savings Society of Brantford et en assura la présidence. Ajoutés au revenu de ses charges publiques, ces intérêts privés lui permirent d’amasser un peu d’argent puisqu’à sa mort il laissait près de 65 000 $.

Shenston avait écrit dans une lettre en 1876 qu’il espérait « par la grâce de Dieu ne jamais être un homme riche », et pour éviter de le devenir il donna aux sociétés de bienfaisance au moins 2 000 $ par an à compter des années 1870. Ce sont les œuvres évangélistes et missionnaires qui, le plus souvent, bénéficièrent de sa générosité. Après avoir contribué à la fondation de l’éphémère Young Men’s Christian Association de Brantford et en avoir été secrétaire en 1860, il dirigea à compter de 1869 et durant une décennie le Brantford Orphans’ Home, dont il assurait le financement avec Ignatius Cockshutt*. Fervent baptiste, il joua un rôle majeur dans la fondation en 1867 de la section canadienne de l’American Baptist Missionary Union, ainsi que dans sa réorganisation en 1875 pour en faire la Baptist Foreign Missionary Society of Ontario and Quebec. Il rédigea également un historique du travail de cette société en Inde, Teloogoo mission scrap book, publié en 1888.

Shenston écrivit de nombreux livres, ce qui est, en soi, remarquable pour quelqu’un qui avait aussi peu d’instruction. Ceux qui les lisent comprennent cependant pourquoi il dut publier à compte d’auteur et eut de la difficulté à les diffuser. Comme il souhaitait transmettre à ses lecteurs des renseignements qui lui avaient été utiles dans son travail de fonctionnaire municipal et, surtout, dans sa vie de chrétien, il mêle à ses propres observations des récits, des témoignages et de longs extraits d’autres textes, et ses livres manquent d’originalité. Quoique vexé par les critiques négatives des éditeurs à qui il proposa ses manuscrits, Shenston ne se laissa pas décourager, car il était convaincu que la progression spirituelle difficile qu’il avait connue le justifiait dans son rôle de témoin de la puissance de Dieu. Partisan du baptême des adultes, il s’était converti assez tard, à l’âge de 35 ans, après avoir longtemps douté et subi beaucoup de pressions de son père.

Dans ses écrits, Thomas Strahan Shenston laisse transparaître l’opinion qu’il a de lui-même, celle d’un homme qui a réussi sur les plans matériel et spirituel. Dans les années 1880, dans l’Expositor de Brantford, il offrait sa propre vie en exemple aux travailleurs insatisfaits de leur sort. « L’éducation en dehors de l’école », la maîtrise d’un métier et le « labeur physique », l’économie et le renoncement à l’alcool, au tabac et au théâtre, telle était « la voie vers une certaine richesse ». Les prescriptions de Shenston correspondaient peut-être à quelques-unes de ses propres qualités, mais à cette époque qui voyait naître le capitalisme industriel elles pouvaient difficilement s’appliquer à d’autres.

David G. Burley

Thomas Strahan Shenston est l’auteur de : A few friends of the reform cause will meet at my house for consultation [...] ([Woodstock, Ontario, 1847]) ; A letter to the inhabitants of the town of Brantford, respecting the late extraordinary conduct of the mayor (Brantford, Ontario, 1856) ; The Berean (Brantford, 1862), imprimé par « Thomas S. Shenston ; imprimeur (amateur) » ; The sinner and his saviour, pour la première édition duquel on ne possède aucun registre ; une deuxième édition a été publiée à Londres probablement en 1879 ; Teloogoo mission scrap book (Brantford, 1888) ; A jubilee review of the First Baptist Church, Brantford, 1833 to 1884 (Toronto, 1890) ; et Gleanings (Guelph, Ontario, [1893]). Il est le compilateur de : The county warden and municipal officers’ assistant [...] (Brantford, 1851) ; The Oxford gazetteer ; containing a complete history of the county of Oxford, from its first settlement [...] (Hamilton, Ontario, 1852 ; réimpr., Woodstock, 1968) ; et Private family register of the Shenston and Lazenby families ([Brantford], 1864), qu’il a aussi imprimé.

AO, MU 7101 ; MU 7222–7240.— MTRL, Broadsheet Coll., several items by T. S. Shenston ; T. S. Shenston papers.— Benjamin Shenston, Minutes in reference to my leaving England ([Chicago, 1937]).— Daily Courier (Brantford), 16, 19 mars 1895.— Weekly Sentinel-Review (Woodstock), 4 déc. 1891.— J. M. S. Careless, Brown of The Globe (2 vol., Toronto, 1959–1963 ; réimpr., 1972), 1 : 72, 74, 76, 191.— W. [G.] Ormsby, « Sir Francis Hincks », The pre-confederation premiers : Ontario government leaders, 1841–1867, J. M. S. Careless, édit. (Toronto, 1980), 148–196.

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David G. Burley, « SHENSTON, THOMAS STRAHAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/shenston_thomas_strahan_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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