COCHRAN (Cochrane), WILLIAM, professeur, rédacteur en chef, ministre de l’Église d’Angleterre et administrateur scolaire, né vers 1757 près d’Omagh (Irlande du Nord), fils d’Andrew Cochrane, « fermier respectable » ; le 30 septembre 1785, il épousa à Philadelphie Rebecca Cuppaidge, et ils eurent sept enfants ; décédé le 4 août 1833 à Windsor, Nouvelle-Écosse.
Une grande partie des renseignements que l’on possède sur la jeunesse de William Cochran proviennent d’un document dont on n’est pas sûr qu’il soit l’auteur. D’après ce récit, Cochran, qui manifesta dès son jeune âge « une soif de connaître », fit ses humanités dans une grammar school privée du comté de Tyrone. Il entra au Trinity College de Dublin en juin 1776 et, en dépit de la « piètre opinion [qu’il avait] de ses propres talents », il reçut une bourse en 1779 et obtint son diplôme en 1780. Pendant ses dernières années de collège, il en vint à éprouver quelques doutes sur la révélation divine et renonça à devenir ministre de l’Église d’Irlande, comme il en avait d’abord eu l’intention. En 1781, il devint précepteur dans la famille d’un gentilhomme campagnard du comté de Galway. Toutefois, il n’allait pas demeurer encore longtemps en Irlande. Les idéaux de la Révolution américaine avaient éveillé une grande sympathie en lui et, à la fin de la guerre, en 1783, il se sentit irrésistiblement attiré par la république naissante, convaincu que « ces nouveaux États abriteraient les plus grandes vertus et le plus grand bonheur qui se trouveraient sur terre ». Rebuté par les conditions politiques qui prévalaient en Irlande, pays qu’il aimait encore beaucoup, il partit pour les États-Unis à la fin de 1783 et arriva à New Castle, dans le Delaware, en novembre. (Pendant la traversée, il modifia l’orthographe de son nom, Cochrane, qu’il écrivit désormais Cochran.)
Déterminé à faire lui-même son chemin dans sa terre d’adoption, Cochran n’avait emporté aucune lettre de recommandation. Il avait confiance en l’avenir, estimant que les « jeunes États » étaient, « comme les jeunes femmes, plutôt favorables aux aventuriers ». Sa confiance était justifiée. Peu après son arrivée, il fut nommé assistant principal à l’Academy of Philadelphia, une grammar school rattachée à l’University of Pennsylvania. Après s’être rendu à New York en janvier 1784, il démissionna de son poste à Philadelphie et alla s’installer à New York pour y ouvrir une grammar school. À la fin de l’année, il fut engagé comme professeur de latin et de grec au Columbia Collège. Les conversations qu’il eut en 1787 avec le directeur du collège, William Samuel Johnson, le ramenèrent à ses études religieuses et ravivèrent sa foi. Estimant qu’en se faisant ordonner ministre aux États-Unis, il ne pourrait pas avoir de l’avancement au sein de l’Église d’Angleterre, il décida d’aller se faire consacrer en Nouvelle-Écosse et abandonna son poste de professeur. Le dégoût que lui inspiraient les réalités de la vie dans la république, où l’esclavage institutionnalisé le révoltait particulièrement, pesa sur sa décision. Il lui apparaissait que « le caractère de la race humaine n’a[vait] pas changé, même dans ce nouvel hémisphère régénéré ».
Cochran s’embarqua pour Halifax en octobre 1788 et, à son arrivée, rendit visite à l’évêque Charles Inglis*. En novembre, puis en mars de l’année suivante, Inglis le recommanda comme missionnaire à la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts. Le qualifiant de « précieuse acquisition », il le présenta comme « un jeune homme tout à fait aimable et exemplaire, très studieux et très savant ». Cochran ne resta pas inactif en attendant la réponse de la société. En juin 1789, il fut nommé principal de la nouvelle Halifax Grammar School, rivale de la grammar school qui était déjà établie à Windsor et que préférait Inglis. Le même mois, grâce à l’appui de John Howe, imprimeur de Halifax, il publia le premier numéro du Nova-Scotia Magazine and Compréhensive Review of Literature, Politics, and News. Dans l’ensemble, cette publication reproduisait des articles imprimés dans d’autres périodiques mais, en août, dans le deuxième numéro, parut le premier d’une série de trois articles intitulée « A plan of libéral éducation for the youth of Nova-Scotia [...] » qui, selon toute apparence, était de sa main. En 1790, peu après avoir été nommé directeur du King’s Collège, Cochran abandonna son poste de rédacteur en chef de la revue. Deux ans plus tard, le Nova-Scotia Magazine cessa de paraître.
Cochran allait demeurer attaché au King’s Collège pendant plus de 40 ans. En 1788, le Parlement de la Nouvelle-Écosse avait octroyé une subvention pour la location, à Windsor, d’un immeuble qui abriterait une grammar school. L’année suivante, on vota une loi créant un établissement qui s’appellerait King’s Collège, lequel serait situé à Windsor et aurait comme directeur un ministre de l’Église d’Angleterre qui ne pourrait être démis de ses fonctions que pour mauvaise conduite ou négligence dans l’exercice de sa charge. Afin de trouver le directeur et les professeurs qui convenaient, Inglis fit appel à l’archevêque de Cantorbéry, protecteur du collège. Mais lors d’une réunion du conseil d’administration, le 12 octobre 1789, Inglis signala que l’archevêque n’avait pas trouvé les personnes en question ; le conseil décida donc d’offrir la direction à Cochran. Celui-ci accepta le poste, auquel devait être également associée la direction de la grammar school. Au moment où sa nomination devait entrer en vigueur, au printemps suivant, il demanda au conseil de lui délivrer un certificat attestant sa nomination et portant la mention « tant qu’il aura une bonne conduite », mais il ne reçut pas de réponse. Il s’installa quand même à Windsor le 23 juin 1790 et, le 12 juin de l’année suivante, il fut ordonné ministre de l’Église d’Angleterre. Le 1er juillet 1791, il fut investi de la fonction de directeur du King’s College.
On s’était attendu que l’adoption du projet de loi créant le collège serait bientôt suivie de l’octroi d’une charte royale, mais l’éclatement des hostilités entre la France et la Grande-Bretagne retarda l’étude de cette question. Pendant les dures années qui suivirent, Cochran et sa famille vécurent dans une situation pénible à Windsor. Les inscriptions étaient peu nombreuses (selon John Inglis*, 18 étudiants entrèrent chaque année au collège de 1790 à 1803), la construction avançait lentement et l’inflation dévaluait le revenu fixe de Cochran. Et pour ajouter à sa déception, il voyait son beau-frère, le révérend George Wright*, vivre dans une relative aisance pendant les premières années du xixe siècle, son salaire de directeur de la Halifax Grammar School augmentant progressivement.
En septembre 1801, les membres du conseil d’administration du collège envoyèrent une requête pour obtenir une charte royale ; elle fut octroyée en mai 1802 et arriva dans la province en septembre. Elle ne faisait pas mention de l’établissement qui existait déjà et donnait aux administrateurs les pleins pouvoirs de rédiger les statuts nécessaires. Trois d’entre eux, l’évêque Inglis, le juge en chef Sampson Salter Blowers* et Alexander Croke*, le juge de la Cour de la vice-amirauté et diplômé d’Oxford, furent nommés membres d’un comité de rédaction. Le 3 mai 1803, ils présentèrent leur rapport au conseil d’administration. Un des statuts proposés exigeait des étudiants qu’ils souscrivent aux Trente-neuf Articles, ce qui créait un collège exclusivement anglican dans une société multiconfessionnelle. Un autre stipulait que le directeur et les professeurs devaient avoir étudié à Oxford ou à Cambridge, ou encore à Windsor ; sous la direction de personnes de foi anglicane. En juillet, le conseil d’administration approuva les statuts et Cochran apprit qu’il allait perdre le poste dont il était le titulaire depuis 13 ans. En août, avec l’appui de l’évêque, il adressa une requête à l’archevêque de Cantorbéry. À cause de sa mauvaise santé, apparemment, celui-ci ne prit aucune décision sur son cas. Pourtant, le 20 mars 1804, il se trouva en assez bonne condition pour envoyer une dépêche dans laquelle il recommandait que le révérend Thomas Cox, diplômé d’Oxford, soit nommé directeur. Le conseil accepta et, à son arrivée, Cox fut officiellement nommé directeur et élu membre du conseil. Cochran devint directeur adjoint et conserva son poste de professeur.
À la fin d’octobre 1805, Cox mourut subitement et Cochran assuma de nouveau les responsabilités de directeur pendant que le conseil étudiait la question de la succession. Lors d’une réunion tenue le 22 janvier 1806, Inglis et deux autres membres du conseil votèrent pour Cochran, mais Croke, déterminé à confier la direction à un diplômé d’Oxford ou de Cambridge, de même que le lieutenant-gouverneur sir John Wentworth* et Blowers votèrent contre lui. Cochran perdit donc pour la deuxième fois l’occasion de devenir directeur. En septembre 1806, l’archevêque de Cantorbéry recommanda le révérend Charles Porter*, un autre diplômé d’Oxford ; celui-ci fut dûment nommé et installé dans ses fonctions en 1807, et demeura à son poste après que Cochran eut quitté le collège. En 1814, malgré l’opposition de Croke, Cochran fut nommé au conseil d’administration, ce qui améliora sa situation. C’est à partir de ce conseil que, pendant les années 1820, Cochran combattit toute tentative de réunir le King’s College et le Dalhousie College, qui était un établissement non confessionnel.
Les projets visant à mettre fin à l’existence distincte du King’s College reflétaient l’insatisfaction très répandue que l’établissement suscitait dans la colonie, insatisfaction qui avait provoqué non seulement la fondation du Dalhousie College mais la création de la Pictou Academy, en 1816, par des presbytériens scissionnistes dirigés par Thomas McCulloch*. Quant au King’s College, sa situation avait empiré depuis l’adoption des statuts de 1803 : il ne comptait que 17 étudiants en 1815 et, de 1820 à 1830, les admissions se limitèrent en moyenne à 6 par année. Le lieutenant-gouverneur, lord Dalhousie [Ramsay*], visita le collège en 1817 et, après avoir noté le faible nombre d’étudiants, il fit le commentaire suivant : « l’édifice tombe en ruine : comme il est très exposé en raison de sa situation, tous les vents s’y engouffrent. Les portes des couloirs sont arrachées, les chambres des étudiants sont ouvertes et négligées. » En outre, comme si ces problèmes ne suffisaient pas, les relations entre Porter et Cochran étaient très tendues : Porter, partisan d’une discipline sévère, n’était pas aimé des étudiants, tandis que Cochran était hautement apprécié en raison de sa personnalité sympathique et de l’intérêt de ses cours. Dalhousie fut d’abord impressionné par Cochran, qu’il décrivit comme « un homme aux manières singulièrement douces et aimables, capable d’instruire et de captiver ses élèves grâce à une discipline souple et détendue ». Cependant, dès 1819, le lieutenant-gouverneur n’arrivait plus à cacher son dégoût devant les petits conflits continuels qui opposaient Porter et Cochran : « Le directeur et le directeur adjoint, écrivait-il, ne s’entendent pas. Ils ne s’adressent pas la parole. Ce que l’un dit ou fait rencontre l’opposition de l’autre [...] Jamais de ma vie je n’ai vu dans le privé une haine aussi violente que celle que se vouent ces deux révérends gentilshommes. »
Cochran reçut deux diplômes honorifiques : une maîtrise ès arts du Columbia College en 1788 et un doctorat en théologie du Trinity College de Dublin en 1802. Deux ans plus tard, il se joignit à Robert Stanser dans un débat doctrinal qui opposa ce dernier à Edmund Burke*, vicaire général catholique de la Nouvelle-Écosse. En plus de se consacrer au professorat, il desservit plusieurs établissements voisins de Windsor, à titre de ministre, avec l’appui de la Society for the Propagation of the Gospel ; il concentra ses activités dans les cantons de Falmouth et de Newport, mais visita aussi fréquemment ceux de Rawdon et de Douglas. Les non-conformistes étaient majoritaires dans toutes ces localités et, en 1792, Cochran se plaignit que les cantons de Newport et de Falmouth étaient « envahis par diverses sortes de visionnaires », mais la situation rie changea pas au cours des années.
En 1821, sur l’avis des médecins, William Cochran se rendit aux États-Unis « dans l’espoir de guérir un sérieux problème de poitrine ». L’année suivante, bien qu’il ait été « loin d’être en bonne santé », il revint en Nouvelle-Écosse et reprit ses fonctions de professeur et de ministre. Ses rapports adressés à la Society for the Propagation of the Gospel, qui devenaient moins réguliers et moins détaillés, montrent qu’il commençait à manifester des signes de vieillissement. En octobre 1831, il abandonna ses fonctions au collège. Il mourut à Windsor le 4 août 1833 et fut inhumé dans ce qui s’appelle maintenant l’Old Parish Burying Ground. Un de ses fils, James Cuppaidge*, fut un ministre anglican très en vue en Nouvelle-Écosse. Un autre, Andrew William*, fut secrétaire de trois gouverneurs du Bas-Canada, sir George Prevost*, sir John Coap Sherbrooke et lord Dalhousie, et fut membre du Conseil exécutif de cette province.
En plus d’avoir été le rédacteur en chef du Nova-Scotia Magazine and Comprehensive Rev. of Literature, Politics, and News (Halifax) durant la première année d’existence de ce périodique – 1 (juin.–déc. 1789)–2 (janv.–juin 1790) – William Cochran a écrit sur divers sujets. La série d’articles intitulés « A plan of liberal education for the youth of Nova-Scotia, and the sister provinces in North-America », qui parut dans le premier volume du Nova-Scotia Magazine : 105–106, 199–202, 364–366, semble avoir été écrite par Cochran sous le pseudonyme de « W. ». Les autres publications de Cochran comprennent : A sermon preached in the church at Falmouth, Nova-Scotia, on Friday, the 10th of May, 1793 [...] (Halifax, . 1793) ; un manuel, Brief rules of the Latin prosody, with explanatory notes, drawn up for the use of King’s-College, Nova-Scotia (Halifax, s.d.), dont une copie se trouve à la bibliothèque de la Univ. of King’s College, à Halifax ; et « A journal of the thermometer, hygrometer, barometer, winds, and rain ; kept at Windsor, Nova-Scotia », Royal Irish Academy, Trans. (Dublin), 9 (1803) : 133–146.
Parmi les papiers de Cochran conservés aux PANS, soulignons deux volumes de notes qu’il compila dans le but d’écrire une histoire de la Nouvelle-Écosse (MG 1, 223, nos 3–4) ; et une vie de Cochran (MG 1, 223, no 1), il est cependant impossible de déterminer s’il s’agit d’une biographie ou d’une autobiographie. Ce texte a été publié sous le titre de « The memoirs of William Cochran, sometime professor in Columbia College, New York, and in King’s College, Windsor, Nova Scotia », M. H. Thomas, édit., N. Y. Hist. Soc., Quarterly (New York), 38 (1954) : 55–83.
Lambeth Palace Library (Londres), Moore papers, I : fos 96–115.— PANS, MG 1, 223, no 2 ; 479–480 (transcriptions).— Univ. of King’s College Library, Univ. of King’s College, Board of Governors, minutes and proc., 1 (1781–1814)–2 (1815–1835).— USPG, Journal of SPG, 25–27 ; 29–32 ; 34–36 ; 38 ; 40–41.— Ramsay, Dalhousie journals (Whitelaw), 1.— T. B. Akins, A brief account of the origin, endowment and progress of the University of King’s College, Windsor, Nova Scotia (Halifax, 1865).— Canadian education : a history, J. D. Wilson et al., édit. ([Toronto], 1970).— Judith Fingard, The Anglican design in loyalist Nova Scotia, 1783–1816 (Londres, 1972).— R. S. Harris, A history of higher education in Canada, 1663–1960 (Toronto et Buffalo, N. Y., 1976).— H. Y. Hind, Sketches of the Old Parish Burying Ground of Windsor, Nova Scotia [...] (Windsor, 1889) ; The University of King’s College, Windsor, Nova Scotia, 1790–1890 (New York, 1890).— J. S. Moir, The church in the British era : from the British conquest to confederation (Toronto, 1972).— F. W. Vroom, King’s College : a chronicle, 1789–1939 ; collections and recollections (Halifax, 1941).— A. G. Archibald, « Sir Alexander Croke », N.S. Hist. Soc., Coll., 2 (1881) 110–128.
C. P. Wright, « COCHRAN (Cochrane), WILLIAM (mort en 1833) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cochran_william_6F.html.
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Auteur de l'article: | C. P. Wright |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |