CLARKE, LIONEL HERBERT, marchand céréalier et fonctionnaire, né le 20 juillet 1859 à Guelph, Haut-Canada, fils de William Clarke et de Clara Piggott Strange, veuve de William Dummer Powell ; le 10 février 1891, il épousa Anne Clara Gertrude Small, et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 29 août 1921 à Toronto.

Fils d’un médecin d’origine irlandaise qui s’était recyclé dans la magistrature et les affaires, Lionel Herbert Clarke étudia à la Trinity College School de Port Hope. Vers 1878, il s’installa à Palmerston, au nord-ouest de Guelph, pour se lancer dans le commerce des céréales. Vers 1889, il se mit, en plus, à exercer son activité à Toronto. Au plus tard en 1893, il y fonda la L. H. Clarke and Company avec Wilmot Deloui Matthews*. Installés dans des bureaux du nouvel édifice du Bureau de commerce, les deux associés mirent sur pied en 1900 une autre entreprise, la Canada Malting Company Limited. Malgré des tarifs douaniers qui rendaient l’achat du malt canadien désavantageux pour les brasseurs de l’ouest du pays et pour ceux des États-Unis et malgré les incendies qui détruisirent les installations des associés à Palmerston et endommagèrent gravement en 1913 l’usine de la Canada Malting Company à Winnipeg, Clarke resterait toute sa vie dans le commerce des céréales. Devenu respectable et prospère, il appartiendrait au conseil d’administration d’autres sociétés.

À mesure que ses assises financières devinrent mieux assurées, Clarke s’intéressa à la vie publique. Les conservateurs le choisirent comme candidat dans Wellington North pour les élections fédérales de 1891 et de 1896, mais il subit la défaite en ces deux occasions. Empêché par ses affaires de se présenter en 1900, il contribua cependant à la victoire d’Edwin Tolton, agriculteur et négociant en grain, et il continua de fréquenter les cercles conservateurs. Grâce à ses liens d’amitié avec James Pliny Whitney*, chef des conservateurs de l’Ontario et, à compter de 1905, premier ministre de la province, il fut nommé en novembre 1908 à la Queen Victoria Niagara Falls Parks Commission. Féru d’horticulture, il veilla à ce que des jardins soient aménagés dans tout le parc, dont il se fit le défenseur avec succès dans les négociations avec les compagnies d’hydroélectricité au sujet des chutes. Il fut aussi l’un des instigateurs de l’aménagement de la promenade qui longe la rivière à partir de Queenston. Sur la scène fédérale, il conseilla à maintes reprises sir Robert Laird Borden*, dont le gouvernement l’affecta en 1917 à la Commission des surveillants du commerce du grain du Canada. Dirigée par Robert Magill, la commission déterminait les besoins du marché, fixait les prix et prenait les commandes. Elle réglementa la distribution au Canada jusqu’à son remplacement par la Commission canadienne du blé en 1919.

Clarke œuvra donc sur les plans provincial et national, mais il laissa surtout sa marque dans sa région. En 1888, soit l’année même où il adhéra au Bureau de commerce de Toronto, cet organisme commença à s’inquiéter parce que la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et la Compagnie du chemin de fer du Grand Tronc essayaient de consolider leur mainmise sur le bord de l’eau. Une large bande de passages à niveau séparait le port et le quartier commercial de Toronto. Les trains fauchaient plusieurs vies chaque année et, souvent, ils bloquaient le mouvement des marchandises en provenance ou à destination des quais. Le port allait en déclinant, faute de pouvoir concurrencer les chemins de fer, dont les règles et tarifs, semblait-il aux membres du Bureau de commerce, favorisaient Montréal aux dépens de Toronto. L’incendie qui détruisit 14 acres au centre-ville en 1904 offrit l’occasion de s’attaquer au problème des passages à niveau. Les sociétés ferroviaires suggérèrent de bâtir des ponts au-dessus de leurs rails. Le Bureau de commerce proposa plutôt de construire un viaduc pour hausser les voies ferrées. Le plan de cet ouvrage fut prêt en juin 1907. Alors vice-président du bureau, Clarke était aussi membre du comité des chemins de fer et du transport. Le plan, approuvé en septembre par le conseil municipal, lui fut ensuite remis afin qu’il le présente au Conseil (fédéral) des commissaires des chemins de fer, qui ordonna aux compagnies ferroviaires de construire un viaduc. Clarke récolta une bonne part du mérite de cette réalisation au cours de sa présidence en 1908, même si la conclusion d’une entente prendrait encore cinq ans.

L’incendie de 1904 avait également forcé la ville à résoudre le problème de l’alimentation en eau potable et de l’élimination des eaux usées, ce qui allait permettre d’obtenir l’aide du gouvernement fédéral pour des travaux d’aménagement portuaire. Des dépôts vaseux et des effluents encombraient les abords des quais de Toronto, et ce au moment même où des projets d’expansion du canal Welland et de creusage d’une voie navigable le long du Saint-Laurent permettaient d’espérer que la ville pourrait devenir un grand centre de distribution. En 1908, le capitaine d’un vapeur écossais vint même frapper à la porte de chez Clarke pour se plaindre qu’il avait du mal à décharger sa cargaison parce que le niveau de l’eau était trop bas aux quais. En plus, il dénonçait le manque de débarcadères publics et les frais de manutention élevés. Avec d’autres membres du Bureau de commerce, dont William James Gage, Clarke convainquit les autorités fédérales et municipales de remplacer le trust qui administrait le port par une commission qui serait en mesure de construire les quais publics nécessaires, de creuser plus profondément le port et de créer, par des travaux de remblai, des emplacements industriels dans la baie d’Ashbridges [V. sir John Alexander Boyd* ; John Irvine Davidson*].

Ottawa forma la Toronto Harbour Commissioners en mai 1911, et Clarke en devint président. Il exercerait cette fonction jusqu’à sa mort. En 1912, en s’inspirant de propositions antérieures des sociétés ferroviaires, de la Toronto Guild of Civic Art et du Bureau de commerce, il dirigea la préparation d’un projet comprenant des voies navigables, des parcs et des routes – projet qui servirait de schéma directeur d’aménagement jusque dans les années 1950. Les détails et la mise en œuvre furent confiés à une équipe placée sous la direction de l’ingénieur Edward Lancelot Cousins*, mais Clarke était l’âme du projet, et il joua un rôle important dans les réunions, inspections et exposés qui permirent d’obtenir un soutien financier pour ce plan dont le coût d’exécution était estimé à plus de 24 millions de dollars. À mesure que des sites industriels étaient achevés, il conseillait l’équipe au sujet des baux. En 1913, il surprit le conseil municipal en proposant une audacieuse solution de rechange à l’achat, par la ville, des services publics et tramways appartenant à sir William Mackenzie : un réseau de lignes souterraines et de lignes de surface qui partirait de la rive du lac Ontario. Dans la même année, les commissaires du port et les compagnies de chemin de fer parvinrent à une entente sur le viaduc et sur une nouvelle gare Union. Toutefois, Clarke mourrait avant l’achèvement du viaduc et la réalisation des plans d’aménagement du bord de l’eau.

Parallèlement à son travail pour les parcs et le port, Clarke appartint à la commission de la voirie de Toronto et du comté d’York de 1911 à 1913. Avec sa femme, il dirigeait des camps d’été à Vineland, dans la péninsule du Niagara, pour des pensionnaires du Boys’ Home de Toronto. Participer à la vie publique et à une œuvre de bienfaisance lui permettait probablement d’oublier un peu la mort de son fils aîné, le lieutenant Lionel Esmonde Clarke, survenue en juin 1916 en Belgique. Sous des dehors énergiques et sérieux, c’était un homme au tempérament chaleureux, qui avait le sens de l’humour. Reconnu pour fuir la publicité, il préférait demeurer avec sa famille et se consacrer à ses passe-temps : l’équitation, la chasse, la pêche à la ligne et la lecture. Sa nomination au poste de lieutenant-gouverneur de l’Ontario, le 27 novembre 1919, en étonna plus d’un. Pourtant, son style populiste correspondait à l’esprit de réforme du gouvernement récemment élu des Fermiers unis d’Ernest Charles Drury*. Pendant le mandat de Clarke, la résidence officielle du parc Chorley devint moins guindée et servit de lieu de rendez-vous aux groupements d’intérêts qui courtisaient Clarke. En constatant l’humanité avec laquelle les Clarke s’acquittaient de leurs innombrables obligations publiques et sociales, les Ontariens se mirent à voir sous un nouveau jour le rôle de lieutenant-gouverneur. Clarke divergea publiquement d’opinion avec le premier ministre en 1920 – par mesure d’économie, le gouvernement proposait de fermer la résidence du lieutenant-gouverneur –, mais Drury garderait de lui le souvenir d’« un gentleman et [d’]un homme de goût ».

À l’été de 1921, Lionel Herbert Clarke était confiné à sa résidence d’été de l’île Copperhead, dans la baie Géorgienne : il souffrait d’un cancer de l’estomac. Décédé à la résidence du lieutenant-gouverneur en août, il eut des obsèques officielles à l’église anglicane St Paul. En 1918, le sénateur Angus Claude Macdonell avait dit à son sujet que nul ne servait son pays de manière plus désintéressée. Peu de gens auraient contesté cette affirmation.

Michael B. Moir

Lionel Herbert Clarke a publié et illustré un article sur le développement du secteur riverain de Toronto, « Putting a new front on Toronto », dans le Canadian Magazine, 42 (nov. 1913–avril 1914) : 205–215.

AO, F 775, MU 2131, 1920, nº 6 ; RG 3-4-0-11 ; RG 24-12 ; RG 80-8-0-803, nº 5484.— Toronto Port Authority Arch., RG 1 (records of the board of commissioners) /5, box 2, folder 9, A. C. Macdonell à L. H. Clarke ; RG 3 (central registry files), box 148, folder 15, financial report by R. G. Dun and Co., 26 janv. 1933 ; box 230, folders 22–23.— Daily Mail and Empire, 28 nov. 1919, 16 juill., 30 août 1921.— Evening Telegram (Toronto), 26 nov. 1913, 30 août 1921.— Globe, 29 nov. 1919.— Star Weekly (Toronto), 29 nov., 6 déc. 1919, 9 juill. 1921.— Toronto Daily Star, 29–31 août, 30 sept. 1921.— Toronto Sunday World, 19 août 1921.— World (Toronto), 11 févr. 1891.— Annuaire, Toronto, 1893–1921.— Canadian annual rev., 1913.— E. C. Drury, Farmer premier : memoirs of the Honourable E. C. Drury (Toronto, 1966), 104.— G. W. Englehardt, Toronto, Canada : the book of its Board of Trade [...] ([Toronto, 1897]).— W. J. Gage, Address of Mr. W. J. Gage, president of the Board of Trade of the City of Toronto, delivered at annual meeting, January 19, 1911 ([Toronto, 1911]).— C. M. Johnston, E. C. Drury : agrarian idealist (Toronto, 1986).— Roy Merrens, « Port authorities as urban land developers : the case of the Toronto Harbour Commissioners and their outer harbour project, 1912–68 », Urban Hist. Rev. (Toronto), 17 (1988) : 92–105.— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1909, nº 5 : 5.— Ontario Gazette (Toronto), 1900 : 738, 1017.— W. R. Plewman, Adam Beck and the Ontario Hydro (Toronto, 1947).— G. H. Stanford, To serve the community : the story of Toronto’s Board of Trade (Toronto, 1974).— Jeffrey Stinson et Michael Moir, Built heritage of the east bayfront (Canada, Commission royale sur l’avenir du secteur riverain de Toronto, Technical paper, nº 7, Toronto, oct. 1991).— Toronto, Bureau de commerce, Annual report, 1895–1921 (mfm à la Toronto Public Library) ; Board of Trade News, déc. 1919, sept./oct. 1921 (exemplaires à la Toronto Public Library).— The Torontonian society blue book and club list (Toronto), 1921.— Who’s who and why, 1921.

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Michael B. Moir, « CLARKE, LIONEL HERBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/clarke_lionel_herbert_15F.html.

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Auteur de l'article:    Michael B. Moir
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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