CHARLY SAINT-ANGE, LOUIS, marchand, traiteur, entrepreneur, seigneur, syndic des marchands de Montréal, né le 28 février 1703 à Montréal, fils de Jean-Baptiste Charly* Saint-Ange et de Marie-Charlotte Le Conte Dupré, décédé probablement vers la fin de 1767 ou au début de 1768 à Saumur en France.
Louis Charly Saint-Ange et son frère aîné Jacques continuèrent l’entreprise commencée par leur père dans le commerce des marchandises et des fourrures après la mort de celui-ci en 1728. Ils devaient bientôt entamer une dispute judiciaire avec leur belle-mère, Louise-Catherine d’Ailleboust de Manthet, qui représentait leur demi-frère encore enfant, Jean-Baptiste-François, au sujet des biens de leur père évalués à près de 74 000#, à part ses propriétés. Louise-Catherine soutenait que le capital investi dans le commerce avec l’Ouest faisait partie intégrante de sa communauté de biens et devait appartenir à son fils. En 1730–1731, une entente préliminaire séparait les valeurs en parts égales entre les trois frères. Louis et Jacques mirent quatre ans à établir leur bilan et à proposer un partage équitable des valeurs en jeu. Le nouvel époux de Louise-Catherine, Pierre-Jacques Payen* de Noyan, contesta leur calcul des charges d’intérêt, mais la cour de Montréal maintint de façon générale l’exactitude des comptes établis par les deux frères.
Louis et Jacques se séparèrent en 1732, lors de leur mariage avec des femmes de la noblesse coloniale. Louis Charly épousa, à Trois-Rivières le 22 janvier 1732, Ursule, fille de René Godefroy* de Tonnancour. L’année suivante, il prêta 18 178# 4s. à son beau-frère, Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay*, commandant de Chagouamigon (près de Ashland, Wisc.) sur le lac Supérieur, l’un des postes les plus lucratifs de l’Ouest. Au cours de la même année 1733, Charly investit plus de 25 000ª dans l’exploitation d’une mine de cuivre sur le lac Supérieur entreprise par Louis Denys de La Ronde, successeur de Ramezay comme commandant de Chagouamigon. Cet investissement, le plus important de sa vie, soumettait Charly à la destinée de La Ronde et de ses héritiers pour une période de 17 ans.
Denys de La Ronde s’était vu confier le monopole de la traite des fourrures à Chagouamigon, en 1733, comme moyen de financer la mine de cuivre. Mais après six ans de rapports optimistes, on n’avait pas encore découvert le filon principal, et les échantillons épars de minerai de fer révélaient que l’entreprise n’était pas rentable ; en 1740, le ministre de la Marine, Maurepas, lui retira son aide. L’investissement non amorti de Charly s’élevait à 30 000# en 1743. Au début, il avait sans doute espéré que l’entreprise réussît, mais il s’était fié au monopole commercial de La Ronde à Chagouamigon pour couvrir son investissement. On ne sait de façon précise si Charly perdit beaucoup dans cette aventure, mais la veuve de La Ronde, Marie-Louise Chartier de Lotbinière, et son fils, reçurent une extension de leur monopole commercial – cette fois obligés de payer pour ce privilège – jusqu’en 1749, afin de pouvoir s’acquitter de leurs dettes. C’est Charly qui fut, semble-t-il, le financier de cette nouvelle entreprise. Il consentit continuellement des Prêts aux La Ronde durant les années 1730 et 1740 et en retira régulièrement des intérêts. Si les La Ronde ne retirèrent rien de leurs efforts, Charly quant à lui semble s’en être sorti sans dommage.
Le 27 décembre 1734, Charly fut élu marguillier de la paroisse de Montréal. Il refusa ce poste, qui était alors une charge honorifique astreignante et onéreuse, sous prétexte qu’il était pris par un trop grand nombre d’affaires pressantes, Après qu’il eut manqué à ses obligations pendant un an, la paroisse obtint une injonction le forçant à s’acquitter de sa tâche. Comme il avait refusé une nomination analogue en 1729, le curé de la paroisse et le juge de Montréal avaient dû juger que ses excuses ne valaient plus.
Jusqu’en 1755, année où sa participation dans le commerce avec l’Ouest est mentionnée pour la dernière fois, Charly concentra ses efforts sur les postes septentrionaux de Michillimakinac, Chagouamigon, Sault-Sainte-Marie, Nipigon (près de l’embouchure de la rivière Nipigon) et, occasionnellement, sur Kaministiquia (Thunder Bay, Ont.), et Michipicoton (près de Michipicoton Harbour, Ont.). À partir de 1747 cependant, il fit aussi des investissements commerciaux à Détroit, à la rivière Blanche et au poste des Miamis (Fort Wayne, Ind., ou tout près). Au début, il se peut qu’il ait agi ainsi, afin de remplir les obligations que son frère Jacques avait contractées à ces postes. À la mort de celui-ci en 1746, Charly avait été nommé son exécuteur testamentaire et tuteur de ses deux enfants. Face à une rébellion indienne à Détroit en plus d’un manque d’articles de traite, les autorités coloniales de l’époque désiraient vivement trouver des traiteurs pour exploiter ce poste.
Comme syndic des marchands de Montréal en 1744, Charly signa une pétition, de concert avec le syndic de Québec, Pierre Trottier Desauniers, se plaignant de la piètre protection accordée au commerce maritime canadien par la marine française. En 1749 et en 1750, on le retrouve comme capitaine de milice à Montréal.
Quittant la colonie pour la première fois, Louis Charly Saint-Ange emmena sa famille en France après la Conquête. Avant son départ en 1764, il vendit toutes ses propriétés canadiennes à William Grant pour une somme de 100 000ª, réglable en quatre versements annuels d’égale valeur. Celles-ci comprenaient sa maison située rue Saint-Paul, un potager à l’extérieur de Montréal, du terrain sur l’Île Sainte-Thérèse, la petite seigneurie des îles Bourdon (achetée en 1751) et l’île aux Canards, toutes ces îles se trouvant à proximité de Montréal. De sévères difficultés financières obligèrent William Grant à retarder quelques-uns de ses paiements. En 1768, alors qu’il n’avait payé que les deux-tiers de sa dette, la veuve de Charly, fixée à Saumur où son mari venait de mourir, lui intenta un procès à la cour (les plaids communs à Montréal. Le procès eut tôt fait de s’empêtrer dans la confusion qui régnait au sein du système judiciaire à Québec dans les années 60. Grant se défendit en reniant le contrat, alléguant qu’au moment de la vente il était mineur selon la loi française fixant la majorité à 25 ans. La veuve de Charly répliqua qu’il était majeur sous la loi anglaise (21 ans) et que, par conséquent, le contrat était valide. Il semble que Grant ait également accusé Charly d’avoir faussement présenté l’île aux Canards comme une seigneurie plutôt que comme une simple concession roturière ; le procès fut retardé à cause de détails techniques concernant la procédure. En 1772, la veuve de Charly insista auprès du duc d’Aiguillon, ministre français aux Affaires étrangères, pour qu’il fasse des représentations officielles à Londres. Conséquemment, le comte de Dartmouth demanda au lieutenant-gouverneur, Hector-Théophilus Cramahé*, à Québec, d’enquêter sur cette affaire. Cramahé en connaissait la nature, mais il se montrait pessimiste, croyant qu’une entente hors cour constituait la solution la plus pratique. C’est probablement ce qui arriva, puisqu’on ne possède aucune référence ultérieure à ce procès.
AN, Col., B, 64, ff.439v.–440 ; 65, ff.424v.–425 ; 68, ff.298, 303v. ;70, ff.361v.–362 ;72, f.385 ;81, ff.308s. ; Col., C11A, 61, ff.75–78 ; 63, f.464v. ; 67, ff.66, 125v. 79, ff.92–93 ; 82, ff.338–343 ; Col., C1E, 13, pp. 277–284 (copies aux APC).— ANQ, Greffe de Jacques Barbel, 30 oct. 1736 ; Greffe de C.-H. Du Laurent, 14 mai 1744, 26 jan. 1751, 27 août 1757 ; Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour, 21 oct. 1734 NF, Documents de la juridiction de Montréal, VI 60s., 67v.–69, 160–161 ; X : 16v.–18 ; NF, Coll. De pièces jud. et not., 1 437, 1 481, 1 442, 3 619, 3 866, 3 909.— PRO, CO 42/32, f.1 ; 42/35, f.157.— Bonnault, Le Canada Militaire, RAPQ, 1949–1951, 443s.— Les congés de traite sous le régime français au Canada, RAPQ, 1922–1923, 222, 224.— Massicotte, Répertoire des engagements pour l’Ouest, RAPQ, 1929–1930, passim ; 1930–1931, passim 1931–1932, passim.— P.-G. Roy, Inv. concessions, II : 119, 265 ; Inv. jug. et délib., 1717–1760, passim.— Tanguay, Dictionnaire.— J.-N. Fauteux, Essai sur l’industrie, I : 11, 33s.— P.-G. Roy, La famille Charly Saint-Ange (Lévis, 1945).
S. Dale Standen, « CHARLY SAINT-ANGE, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/charly_saint_ange_louis_3F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
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