CHAPAIS, JEAN-CHARLES, homme d’affaires et homme politique, né à Rivière-Ouelle, Bas-Canada, le 2 décembre 1811, fils de Jean-Charles Chapais, marchand, et de Julienne Boucher ; le 30 juin 1846, il épousa Georgina Dionne, et de cette union bénite par Charles-Paschal-Télesphore Chiniquy*, oncle de la mariée, six enfants naîtront, dont Thomas*, homme politique et historien, et Jean-Charles, auteur de plusieurs livres et brochures sur l’agriculture ; décédé à Ottawa le 17 juillet 1885 et inhumé dans l’église Saint-Denis-de-la-Bouteillerie, à Saint-Denis, Québec, le 22 juillet suivant.

La famille Chapais est originaire de Normandie, France. Vers 1740, François et Jean Chapais quittent Brécey pour la Nouvelle-France après que l’intendant Gilles Hocquart* eut ordonné une nouvelle levée de colons. Jean s’établit sur une terre, dans la seigneurie de La Bouteillerie (ou Rivière-Ouelle) qui a été ouverte à la colonisation en 1672. L’ascension économique et sociale des Chapais se fait graduellement, d’une génération à l’autre. Jean-Charles naît dans une famille d’une certaine aisance, qui s’intéresse à la vie politique du pays ainsi qu’aux problèmes sociaux de la paroisse. Il reçoit donc la formation supérieure réservée alors aux fils de bonne famille. Après avoir étudié à Rivière-Ouelle avec Rémi Béchard, professeur d’expérience « choisi et engagé » par les familles Chapais et Boucher « pour l’éducation de leurs fils », il fait un cours classique au séminaire de Nicolet, de 1824 à 1830, puis il passe deux ans à Québec, où, selon les ambitions de son père, il suit des cours privés d’anglais auprès du révérend Daniel Wilkie* et cherche « à se faire les meilleures relations dans la société de Québec ».

En 1833, Jean-Charles Chapais, père, acquiert pour son fils deux terrains dans le fief de Saint-Denis, entre les seigneuries de La Bouteillerie et de Kamouraska. Le jeune homme y devient « marchand en petit et en détail, sur le côteau du Fief », agriculteur et négociant. Son commerce croît rapidement, répondant aux besoins des habitants des coteaux et des concessions. Dans les années 1840, Jean-Charles Chapais est membre des deux sociétés commerciales Chapais et fils, et Chapais et frères. De plus, il s’occupe d’élevage et de culture et il exploite la « Pêche à Belle », acquise par bail en 1839. Ces activités économiques variées, ainsi que la très large dot de son épouse, en font en peu de temps un homme à l’aise, qu’on dit même très riche. Elles en font également le pivot du développement économique et social de Saint-Denis. Chapais regroupe autour de son commerce des colons et des gens de tous les métiers ; il fait vivre un bon nombre d’engagés grâce à son « magasin général », sa ferme et sa pêche ; il lutte avec ténacité pour l’érection canonique et civile de la paroisse ; il s’occupe de la construction d’une chapelle (1839) puis de l’église paroissiale (1840–1856), de l’organisation scolaire et de la fondation d’une bibliothèque publique ; il concourt à l’érection de la municipalité dont il est le premier maire en 1845 et le premier maître de poste en 1849. De simple village à la population éparse, Saint-Denis devient donc en quelques décennies, grâce à Chapais, un noyau prospère et organisé.

Au xixe siècle, une telle influence doit aboutir à une carrière politique. En 1851, s’ouvre le deuxième volet de la vie de Chapais. Son beau-père, Amable Dionne*, marchand de Kamouraska, membre du Conseil législatif pour le Bas-Canada et l’un des Canadiens français les plus riches et les plus influents de l’époque, rêve de faire de son gendre l’un des dirigeants politiques du district. Quand le siège de Kamouraska devient vacant, en 1850, Chapais, qui avoue n’avoir « jamais désiré devenir député », cède pourtant aux conseils de son beau-frère et aux pressions de ses amis et se porte candidat. Il croit qu’il n’aura pas d’opposition, mais les « rouges » engagent Luc Letellier de Saint-Just, notaire de Rivière-Ouelle, à briguer les suffrages contre lui ; ce dernier remportera la victoire. À cinq reprises, de 1850 à 1857, les deux hommes seront adversaires. Les luttes électorales Chapais-Letellier, menées avec âpreté et violence, suivies d’une contestation et parfois d’une invalidation, sont devenues légendaires. Chapais, qui triomphe en 1851, représentera Kamouraska jusqu’à la Confédération. Il appuie les chefs conservateurs Augustin-Norbert Morin*, Étienne-Paschal Taché* et George-Étienne Cartier*, non sans avoir, cependant, de fortes sympathies pour Louis-Victor Sicotte. En 1863, il refuse d’entrer dans le ministère de George Brown* et d’Antoine-Aimé Dorion*, n’acceptant pas, comme le dit un ami, « de ternir en un jour treize années de belle vie politique ».

En chambre, Chapais est rarement une vedette. Mais il a son influence, entre autres sur les lois concernant l’abolition du régime seigneurial, l’agriculture, la colonisation et l’éducation dans le Bas-Canada, le tracé de l’Intercolonial et le développement du Grand Tronc, dont il est un des administrateurs nommés par le gouvernement. En 1864, Chapais devient commissaire des Travaux publics. C’est donc à titre de membre du cabinet qu’il prend part aux travaux préparatoires à la confédération. Mais il ne participe qu’à la conférence de Québec et boude un moment Hector-Louis Langevin* qui, quoique plus jeune que lui, est délégué à Charlottetown et surtout à Londres.

Nommé ministre de l’Agriculture en juillet 1867, dans le cabinet de sir John Alexander Macdonald*, Chapais brigue les suffrages dans Kamouraska, tant au niveau provincial que fédéral, aux élections générales de cette année-là. Mais, par suite d’illégalités électorales, la circonscription perd pour deux ans son droit de représentation au provincial et au fédéral. Chapais se réfugie dans Champlain dont le siège provincial devient vacant dès novembre 1867. Il y est élu sans opposition. Deux mois plus tard, il est nommé sénateur pour la division de La Durantaye, conservant ainsi son poste de ministre de l’Agriculture (1867–1869) avant de devenir receveur général (1869–1873). Député à Québec, sénateur et ministre à Ottawa, Chapais est l’un des hommes politiques qui monopolisent le pouvoir au lendemain de la Confédération. À l’abolition du double mandat en 1871, il renonce à la scène provinciale. Deux ans plus tard, il démissionne du ministère fédéral. Les historiens ont généralement relié la démission de Chapais à la question des écoles « séparées » du Nouveau-Brunswick. Il nous paraît évident qu’on a fait d’un simple prétexte une cause déterminante. Chapais est sûrement incité à céder sa place au gouvernement et il en éprouve « chagrin » et « désappointement », selon les termes mêmes de son épouse. Déjà, en 1869, John A. Macdonald a muté Chapais de l’important ministère de l’Agriculture au poste de receveur général, le plaçant ainsi sur la voie du déclin, ce qui appelait une retraite du gouvernement à plus ou moins long terme. En 1873, devant un parti en pleine crise, Macdonald cherche à valoriser son ministère en y intégrant des personnalités nouvelles et plus fortes, à la fois compétentes et flexibles. Il cherche également à fortifier sa position aux Communes en augmentant le nombre des députés de la chambre au sein du cabinet. Dans cette optique, Macdonald exige la démission de celui qu’il appelle de façon très significative, voire péjorative, « my nun » et le remplace au ministère par Théodore Robitaille* qui est membre, non du sénat, mais de la chambre des Communes.

Dans son Manuel électoral : portraits et dossiers parlementaires du premier parlement de Québec, Auguste Achintre a écrit de Chapais : « Il reste aujourd’hui [1871] un ministre dont la modestie et le désintéressement semblent rapetisser le mérite et diminuer l’influence. » Il faut admettre qu’en dehors des luttes électorales dans Kamouraska, c’est toute la carrière politique de Chapais qui mérite ce jugement. Que les historiens aient donné à celle-ci plus d’importance qu’à son activité économique et sociale dans Saint-Denis s’explique par les préoccupations de l’historiographie traditionnelle. Alors qu’il ne se lit qu’en filigrane dans l’histoire politique du xixe siècle, le nom de Jean-Charles Chapais est écrit en caractères bien lisibles et ineffaçables dans les institutions et dans l’histoire de Saint-Denis.

Andrée Désilets

Les journaux suivants ont été consultés à propos d’événements majeurs de la carrière de Jean-Charles Chapais : le Courrier de Saint-Hyacinthe, le Courrier du Canada, le Journal de Québec, la Minerve, le Pionnier de Sherbrooke (Sherbrooke, Québec) et l’Union des Cantons de l’Est (Arthabaska, Québec).  [a. d.]

ANQ-Q, AP-G-36 ; AP-G-134 ; AP-G-242.— APC, MG 26, A.— Canada, Sénat, Débats, 1868–1885.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journaux, 1851–1866.— Québec, Assemblée législative, Journaux, 1867–1871.— Achintre, Manuel électoral.— CPC, 1867–1879.— J. Desjardins, Guide parl.— Le Jeune, Dictionnaire.— Municipalités et paroisses dans la province de Québec, C.-E. Deschamps, compil. (Québec, 1896).— Terrill, Chronology of Montreal.— Wallace, Macmillan dict.— Julienne Barnard, Mémoires Chapais ; documentation, correspondance, souvenirs (4 vol., Montréal et Paris, 1961–1964).— P.-B. Casgrain, Étude historique : Letellier de Saint-Just et son temps (Québec, 1885).— Chapais, Hist. du Canada.— H. M. Miner, St. Denis ; a French-Canadian parish (Chicago, 1939).— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, I.— Henri Têtu, Histoire des familles Têtu, Bonenfant, Dionne et Perrault (Québec, 1898).— C.-E. Rouleau, « L’honorable Jean-Charles Chapais », BRH, 5 (1899) : 368–370.

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Andrée Désilets, « CHAPAIS, JEAN-CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chapais_jean_charles_11F.html.

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Auteur de l'article:    Andrée Désilets
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    28 novembre 2024