BURPEE, ISAAC, marchand, entrepreneur et homme politique, né le 28 novembre 1825 à Sheffield, Nouveau-Brunswick, premier enfant d’Isaac Burpee et de Phoebe Coban ; en 1855, il épousa Henrietta Robertson, et ils eurent huit enfants ; décédé le 1er mars 1885 à New York.

Descendant d’une famille de colons du Massachusetts venue s’établir au Nouveau-Brunswick avant la vague d’immigration loyaliste, Isaac Burpee fit ses études à la Sheffield Grammar School. En 1848, il s’installa à Saint-Jean ; là, avec son frère Frederick, il ouvrit une quincaillerie qui allait s’avérer florissante. En 1872, elle était devenue uniquement un commerce de gros où on vendait à la fois de petits articles et de grandes quantités de fer et d’acier de production locale ou importés. Dans les années 1860, il fit l’acquisition d’une riche propriété à Saint-Jean ainsi que d’une maison dans la banlieue de Portland (maintenant partie de Saint-Jean). En 1872, sa fortune personnelle et les biens immobiliers qu’il possédait dans la ville étaient évalués à $70 000.

À mesure que sa fortune grossissait, Burpee se mit à investir dans diverses entreprises industrielles basées sur sa quincaillerie de Saint-Jean. En association avec Howard Douglas Troop [V. Jacob Valentine Troop], il fonda en 1882 une compagnie de navigation assurant la liaison entre Londres, Halifax et Saint-Jean, mais l’entreprise échoua lorsque le seul navire de la compagnie fit naufrage au cours de sa seconde traversée. En 1883, Burpee et quelques associés achetèrent les Coldbrook Rolling Mills, au nord de Saint-Jean, pour y fabriquer des formes de fer et d’acier, des clous et des pointes. Il s’intéressa également à l’Association d’assurance sur la vie, dite la Confédération, à la New Brunswick Land and Lumber Company, à la Red Granite Company, qui possédait des terres dans les comtés de Saint-Jean et de Charlotte, à la Victoria Coal Mining Company et à la Saint John Cotton Company. Dès le début des années 1870, Burpee était engagé à fond dans le financement, la construction et l’exploitation des lignes de chemin de fer de la province. La Central Railway Company, dans laquelle son frère, Egerton Ryerson Burpee, et son oncle, Charles Burpee, avaient également des intérêts, devait relier Fredericton à Saint-Jean, mais la construction ne commença qu’en 1887. Par contre, la New Brunswick Railway Company, qui devait relier Fredericton à Edmundston en passant par Woodstock, avait mis en service sa première ligne en 1878. Burpee avait cru que non seulement sa quincaillerie et son usine de laminage allaient fournir des matériaux pour la construction de ces lignes de chemin de fer, mais qu’en plus celles-ci allaient traverser des terres riches en bois et en charbon qu’il possédait dans toute la province. Toutefois, Burpee ne réussit jamais vraiment à établir le vaste empire économique qu’il souhaitait ; en 1884, il avait fait des investissements considérables, mais parvenait avec peine à déclarer un profit d’exploitation sur ses mises de capitaux. Son activité étendue dans le domaine des affaires doublée de la carrière politique active qu’il mena sur la scène fédérale exigeaient peut-être une trop grande dépense d’énergie et de moyens financiers de sa part.

Burpee avait fait ses premières armes en politique en prenant la tête du mouvement pour l’érection de Portland en municipalité et en devenant le premier président du conseil de cette ville en 1871. L’année suivante, il fut élu député de la ville et du comté de Saint-Jean avec une écrasante majorité. Au départ député indépendant accordant son appui au gouvernement de sir John Alexander Macdonald*, Burpee acquit, au cours de l’été et de l’automne de 1873, la conviction que le gouvernement était compromis dans le scandale du Pacifique et, le 31 octobre de cette même année, il se rallia à l’opposition libérale. Une semaine plus tard, il était assermenté comme ministre des Douanes dans le cabinet d’Alexander Mackenzie*, après que des députés protestants du Nouveau-Brunswick, dont trois avaient des liens de parenté avec lui, eurent exercé des pressions sur Mackenzie pour qu’il nommât Burpee plutôt que le catholique irlandais Timothy Warren Anglin*. Ministre des Douanes jusqu’en 1878, Burpee semble s’être acquitté de sa tâche de façon efficace, intelligente et consciencieuse. Mais, même s’il fut réélu sans difficulté à Saint-Jean en 1874, 1878 et 1882, il ne fut jamais un homme politique particulièrement habile ; Mackenzie considérait qu’il était « un homme qui accomplissait son travail d’une façon exemplaire mais ne pouvait prononcer six phrases en chambre et ne connaissait rien à la procédure parlementaire ».

Burpee considérait que servir la société était un devoir qu’il fallait remplir et, en politique, il s’intéressait surtout à ce qui touchait les affaires. Sa pensée économique s’insérait tout à fait dans la ligne de la doctrine du laisser-faire du xixe siècle. Pour lui, l’entreprise privée et le travail personnel, et non la législation et la protection gouvernementales, devaient constituer les clés de l’avancement individuel et du progrès national. Comme ses collègues du parti réformiste des années 1870, il admettait que les crises économiques étaient des phénomènes naturels, quoique malheureux, et que le rôle du gouvernement consistait à rogner les dépenses, à empêcher la dette publique de monter et à maintenir au plus bas niveau possible les tarifs douaniers. C’est pourquoi Burpee n’hésita apparemment pas à s’opposer à la Politique nationale protectionniste des conservateurs de Macdonald pendant et après les élections fédérales de 1878. Il soutenait que le tarif protecteur était injuste pour les consommateurs, en particulier pour les pauvres et les travailleurs, qu’il favorisait les intérêts de l’Ontario et du Québec au détriment des provinces maritimes, qu’il était contraire au lien du pays avec la Grande-Bretagne et qu’enfin il allait encourager l’urbanisation aux dépens du monde rural et agricole. Et, ce qui était peut-être le plus important, il jugeait que l’élévation des tarifs favorisait non pas la majorité des manufacturiers mais seulement un petit nombre bien précis d’entre eux, comme les raffineurs de sucre et les manufacturiers de laine et de coton. Il se pourrait bien par conséquent que ses efforts en vue de promouvoir l’activité industrielle au Nouveau-Brunswick dans les années 1880 aient été une réaction de défense et de reconnaissance forcée face au tarif protecteur et que le peu de succès qu’il obtint dans ses entreprises n’ait fait que renforcer son opinion défavorable à la Politique nationale.

Même si le fait d’être un important homme d’affaires aida sans nul doute Burpee dans sa carrière politique, cela lui occasionna également des problèmes. En novembre 1873, on protesta contre le choix d’un grand importateur comme ministre des Douanes et, en conséquence, Burpee dut se retirer, du moins pour la forme, du domaine de la quincaillerie. Mais ce ne fut pas là la seule accusation de conflit d’intérêts que l’on portat contre lui pendant qu’il occupait la charge de ministre. Même après la défaite des libéraux en 1878, les journaux opposés à sa candidature lors de la campagne électorale de 1882 l’accusèrent d’avoir tenté de tripoter les droits d’entrée sur le bois importé imposés par Washington de telle sorte que les intérêts de l’industrie des moulins à scier de Saint-Jean s’en trouvèrent lésés et que le transport des marchandises par la New Brunswick Railway Company, dont il était vice-président, s’accrut. L’importance que tenaient les affaires dans la carrière politique de Burpee apparaît également dans le fait que James Domville*, député conservateur du comté de Kings de 1872 à 1882, en plus d’être son plus ferme adversaire politique, était en même temps son concurrent en affaires.

Outre son activité dans le commerce et en politique, Burpee consacra aussi de son temps et de son argent à plusieurs œuvres de charité ou d’amélioration sociale, parmi lesquelles le New Brunswick Deaf and Dumb Institute, la Saint John Industrial School, la Portland Free Public Library, la Saint Paul’s Sunday School House et l’église méthodiste de Marysville. Il s’intéressa également à des entreprises communautaires telles que les fêtes du centenaire de la ville de Saint-Jean en 1883 et la New Brunswick Historical Society, fondée en 1874. Il remplit aussi d’importantes fonctions de direction au sein de la Congregational Union of New Brunswick and Nova Scotia et de l’Evangelical Alliance of New Brunswick au cours des années 1870.

Le malheur marqua les deux dernières années de la vie de Burpee. En plus d’avoir des problèmes financiers, Burpee perdit son deuxième fils, noyé en juillet 1883, et son jeune frère, tué dans un accident de chemin de fer l’année suivante. Ces deux morts tragiques donnèrent à Burpee le sentiment de l’imminence du destin. « Les tristes pertes que nous venons de subir, écrivait-il à Edward Blake*, me donnent le sentiment que quelque chose d’encore plus terrible se prépare. Je m’occupe davantage de mes affaires personnelles par conséquent et [j’]ai presque peur de m’éloigner de ma famille. » Ses pressentiments s’avérèrent justes car, après avoir mis de l’ordre dans ses affaires, il mourut d’une maladie de foie ou de cœur en mars 1885 à New York. Bien qu’il n’ait pas été un homme politique très important, Burpee constitue un exemple typique de l’entrepreneur canadien engagé du xixe siècle. Homme d’affaires assidu, efficace et honnête, il avait réussi à accumuler une fortune qui, à sa mort, fut évaluée à environ $200 000.

William M. Baker

Il n’existe pas de fonds Isaac Burpee dans les différents dépôts d’archives mais on peut trouver des renseignements au musée du N.-B., Isaac Burpee, estate papers, 1887–1907 ; Scrapbooks C9 ; C58 ; et Reverend Robert Wilson’s scrapbook. On peut aussi consulter les APC, MG 23, D1 ; MG 26, B ; E ; ainsi que les APNB, York-Sunbury Hist. Soc. coll., Burpee family papers. On trouve aux AO, MU 136–273, des lettres de Burpee tandis qu’on retrace au Registrar of Deeds (Saint-Jean, N.-B.) ses transactions immobilières. Enfin les APNB conservent des travaux utiles non publiés : I. M. McQuinn, « Histories and origins of the railways of N.B. » et « N.B. political biog. » (J. C. et H. B. Graves), I : 59. [w. m. b.]

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William M. Baker, « BURPEE, ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/burpee_isaac_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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